L'entreprise doit se réinventer

La crise sanitaire bouscule le quotidien des entreprises et les oblige à se réinventer dans un environnement incertain avec une visibilité réduite. Expert RH, cabinet amiénois spécialisé en gestion de la paie et des Ressources humaines organisait le 17 novembre la conférence en ligne "Manager dans l’incertitude : un scénario inédit".

Un des défis du télétravail : préserver les interactions sociales. (C)AdobeStock
Un des défis du télétravail : préserver les interactions sociales. (C)AdobeStock

Pour évoquer cette question ô combien d’actualité pour les dirigeants et managers, Christine Debureaux, dirigeante d’Expert RH, s’était entourée de plusieurs experts qui ont balayé les différents points chauds de l’actualité. Quatre regards croisés pour décrypter la situation actuelle et imaginer celle de demain.

Communiquer pour mieux travailler

« Nous vivons une répétition du premier confinement, avec un taux d’anxiété qui a selon les chiffres de Santé publique France doublé, pour atteindre 26,7%. Couplé aujourd’hui à de la colère, une colère d’indignation – plutôt saine – et une beaucoup plus préoccupante, de frustration, ce qui se traduit parfois par des actes de transgression. Nous n’avons certes pas la main sur cette contrainte, mais nous devons modifier notre représentation du monde, ce qui va être essentiel, pour les entreprises notamment, c’est de se recentrer sur des objectifs à court terme », a commencé Laurence Petit-Dessaint, ingénieure en stratégie humaine chez Expert RH.

Pour Christine Debureaux : « Cette crise est aussi l’occasion pour l’entreprise de se réorganiser, de travailler différemment avec les salariés, les investir pour dynamiser l’activité. Le mot clé c’est la communication, au quotidien : il faut l’adapter, la rendre plus lisible et communiquer via plusieurs canaux. Les managers doivent aussi être partie prenante. » Le 13 novembre dernier, le Gouvernement a publié un nouveau protocole concernant les mesures sanitaires au sein des entreprises, avec comme nouveautés le dépistage organisé et l’incitation à communiquer avec l’ensemble de l’effectif, intérimaires et saisonniers y compris. « Aujourd’hui, les entreprises sont toutes équipées, et peuvent travailler en respectant les règles sanitaires, ce qui je l’espère va minimiser l’impact économique de ce second confinement », ajoute Christine Debureaux.

“nous devons modifier notre représentation du monde”

Le télétravail, nouvelle norme ?

Guillaume Demarcq, avocat au barreau d’Amiens (spécialiste en droit pénal chez Amarante Avocats) a évoqué de son côté le télétravail : « Une des vraies difficultés avec ce virus, c’est l’anxiété qu’il génère notamment avec les nouvelles formes de travail. Les entreprises s’inquiètent des risques psychosociaux de leurs collaborateurs qui vivent pour certains très mal le travail à distance. » La dirigeante d’Expert RH a rebondi sur cette question du télétravail : « En mars, il avait été imposé aux salariés, actuellement, certains font de la résistance et ne veulent pas se retrouver dans la même situation. C’est aux dirigeants de gérer cette situation, pour que le télétravail soit confortable, bien perçu et vécu par les collaborateurs. C’est une organisation que l’on va devoir affiner, nous ne pourrons pas vivre sur ce rythme de “stop and go” continuellement, il faudra mixer présentiel et travail à distance. » Avec au centre de ce nouveau jeu la question de la qualité de vie au travail et du bien-être des salariés.

« Le travail est un pilier essentiel d’interactions sociales, a rappelé Laurence Petit-Dessaint. Il faut donc faire en sorte qu’elles continuent d’exister, malgré la distance, c’est tout l’art subtil du management. Il faut absolument réfléchir à une autre manière de diriger, le management à distance, c’est un métier à part entière : communiquer est primordial, mais converser l’est tout autant. Une étape que l’on a tendance à sauter lorsqu’on est en télétravail. » Les managers doivent donc revoir leur posture, être davantage dans l’empathie, l’écoute et prendre en compte l’état d’esprit de leurs collaborateurs, pour évacuer un certain nombre d’éléments qui pourraient être toxiques dans la relation à l’autre et s’inscrire dans une dynamique constructive. « Il faut impulser le bon tempo et le bon rythme, à l’image du chef d’orchestre », a illustré Laurence Petit-Dessaint.

Si nombre de secteurs et métiers souffrent et auront du mal à se relever de cette crise, d’autres peuvent tirer leur épingle du jeu et se développer. C’est évidemment le cas du numérique, avec le nécessaire développement de la digitalisation, qui a fait sa percée dans le monde de l’entreprise et de la santé, avec l’explosion en seulement quelques mois des téléconsultations (20% au CHU Amiens-Picardie). « Il y a également une prise de conscience, de la question écologique. On ne peut pas dissocier ce virus du dérèglement climatique, de l’écosystème dans lequel nous évoluons. De nouveaux métiers vont émerger grâce à cette transition écologique, il va y avoir un effet rebond de cette situation, certes douloureuse, mais provisoire », poursuit Laurence Petit-Dessaint. L’entreprise va entrer dans une nouvelle ère, plus responsable, ce qui passe entre autres par la relocalisation de certains process et achats. Pour faire de cette crise une opportunité et ne pas la subir, les entreprises doivent anticiper, mettre en place des pratiques vertueuses, se transformer en profondeur et durablement pour exister sur un modèle pérenne.


Christophe Boyer chef de service Samu Smur au CHU Amiens-Picardie, est revenu sur la situation sanitaire actuelle :

« La deuxième vague est plus longue mais moins intense, les régions les plus touchées au printemps le sont aujourd’hui dans une moindre mesure, ce qui est le cas pour les Hauts-de-France. Le fort impact de mars nous a contraints à adopter rapidement les mesures d’hygiène et aujourd’hui cette éducation aux gestes barrière est acquise et nous sommes davantage protégés, d’où une circulation moindre du virus dans notre région. Il faut garder à l’esprit que nous ne maîtrisons toujours pas ce virus même si nous en maîtrisons mieux la prise en charge et les techniques médicales, il faut attendre son cycle complet pour avoir sa cartographie et voir son évolution. Les infectiologues ne sont pas surpris de la situation, depuis que le monde est monde, les virus fonctionnent de cette façon et nous apprendrons aussi à vivre avec la Covid-19 et à mieux le connaître. La difficulté actuelle, c’est que nous devons nous adapter à l’immédiateté. »