«L’entrepreneuriat est le dernier ascenseur social»
Depuis 12 ans, Alexia Noyon dirige le projet de renaissance de la Chartreuse de Neuville-sous-Montreuil, dont les travaux sont en cours depuis quelques années. Un chantier de haut vol, un projet immobilier qui permet le sauvetage de l’édifice, des activités qui foisonnent et d'ambitieux événements : la chartreuse revit, notamment par ses Rencontres annuelles. Cette année, la 7e édition réunira près de 500 personnes venues phosphorer sur l’esprit d’entreprendre.
La Gazette : Comment évoluent les Rencontres annuelles ? De quoi va-t-on parler cette année ?
Alexia Noyon : C’est un mélange de public/ privé, d’associatif, avec une participation plus importante des jeunes des territoires. Nous travaillons sur la génération future. Nous avons besoin d’expériences, mais aussi de l’enthousiasme décalé des jeunes. L’année 2019, c’est la question du développement inclusif. La grande question de nos sociétés, c’est l’exclusion sociale en plus de l’exclusion environnementale. Notre mission reste identique : œuvrer à une société plus inclusive et porteuse d’avenir, permettre à chacun d’entreprendre et de trouver sa place. C’est un enjeu qui paraissait utopique mais dont tous les décideurs se saisissent aujourd’hui.
L’inclusion, le sujet brûlant de l’exclusion sociale et environnementale émaillent les débats aujourd’hui. Le ressentez-vous aussi ?
Tout à fait. Le dernier G7 à Biarritz en a fait état longuement. Certains grands groupes comme Danone s’y mettent clairement avec “One Planet Business For Biodiversity” qui entraîne 18 entreprises pour la protection de la biodiversité. Voyez aussi ce que l’Association progrès management (APM) met en place avec son incubateur d’initiatives sociétales et entrepreneuriales.
Pourquoi promouvoir (encore) l’esprit d’entreprendre ?
Parce que d’abord l’entreprise au sens large, ce sont des créations d’emplois. C’est aussi permettre de choisir sa vie. Ce n’est pas forcément dans une entreprise au sens restreint. L’esprit d’entreprendre vaut pour la vie. Notre visée, c’est d’outiller les gens pour l’entrepreneuriat. C’est ça l’inclusif. En France, l’entrepreneuriat est le dernier ascenseur social. La micro-entreprise et l’auto-entrepreneuriat sont devenus un moteur d’inclusion sociale même s’il manque des mesures d’accompagnement, notamment pour les jeunes et les plus fragiles.
Entreprendre, c’est prendre des risques, et d’abord celui d’échouer. Cela reste-t-il un problème en France ?
C’est l’objet d’une partie de la journée des Rencontres annuelles : le regard sur l’échec. Dans les pays de l’OCDE, la France se classe 28e sur ce chapitre. C’est culturel, mais le regard commence à changer. Dans le monde anglo-saxon, les banques prêtent souvent plus facilement à des entrepreneurs qui ont échoué.
Entreprendre, c’est être un peu fou aussi. Comment l’illustrez-vous ?
Nous recevons Yves Marre à ce sujet. C’est l’histoire d’un ancien steward d’Air France choqué par la disparition des péniches. Il parvient à en sauver une à Conflans-Sainte-Honorine, la retape et l’emmène au Bangladesh pour en faire un navire-hôpital. Il en est à sa cinquième péniche et va nous raconter cela le 3 octobre prochain, ainsi que ses autres projets.
On parlera aussi des femmes, du changement d’échelle…
Michel Hervé, dirigeant du groupe éponyme (3 000 salariés et 500 millions d’euros de chiffre d’affaires dans les secteurs de l’énergie, de la construction et des services), viendra nous parler des paliers à passer pour grandir, et aussi pourquoi. En France, nous créons beaucoup d’entreprises, mais c’est le changement d’échelle qui fait aujourd’hui défaut. Entreprendre au féminin demeure une question sociétale cruciale parce qu’elle va avec le sens qu’on met dans entrepreneuriat ; ce sont souvent les femmes qui éduquent les enfants à l’apprentissage de l’échec. Nos Rencontres débouchent souvent sur des projets que nous menons tout au long de l’année ou d’autres projets de nos partenaires auxquels nous ne sommes pas forcément associés. Nous semons…