Selon la Fédération nationale des usagers des transports
«Le voyageur ferroviaire doit se comporter en expert»
Difficultés à trouver l’information, prix incohérents, services défaillants… Une étude effectuée pour la Fédération nationale des usagers des transports (Fnaut) liste les dysfonctionnements subis par les voyageurs et réclame une «convention collective de l’usager».
Pour
s’informer sur la circulation des trains régionaux dans la région
Hauts-de-France, il faut consulter le site Passpass.fr. Pour les
transports de Normandie, région voisine, c’est Atoumod qu’il
faut télécharger. Plus au sud, en Pays de la Loire, l’application
s’appelle Destineo, et en Nouvelle-Aquitaine, c’est Modalis. Le
voyageur qui ne serait pas familiarisé avec ce marketing y perd
littéralement son latin. Seules quelques rares régions ont inscrit
leur nom, ou une consonance ressemblante, dans le système
d’information multimodal disponible sur smartphone :
Ile-de-France Mobilités, Breizhgo, Oura (Auvergne-Rhône-Alpes).
Parallèlement,
Ouigo, le service «à bas coût» de la SNCF déployé
pour un nombre toujours plus élevé de destinations, dispose de sa
propre application, où ne figure aucune correspondance avec les TER.
Des acteurs indépendants, comme Rome2Rio
ou Google Maps et, dans les
grandes villes, Citymapper,
dirigent le voyageur, mais celui-ci n’a aucune garantie d’y
trouver l’exhaustivité des solutions. Ces constats déplorables
sont issus d’une étude effectuée pour la Fédération nationale
des usagers des transports (Fnaut) par Patricia Pérennes, de la
société de conseil Trans-Missions.
«On attend du voyageur qu’il raisonne en expert de
l’organisation du transport ferroviaire», observe la
consultante, elle-même utilisatrice régulière des transports
publics.
Les
dysfonctionnements sont multiples, et désespérants. Un usager
prenant le train à Dordives (Loiret) pour
Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne) ne peut acquérir de
billet, ni en gare, ni en ligne. Il est condamné à attendre, à
bord, le contrôleur qui lui facturera le titre trois fois plus cher.
En Ile-de-France, un service d’assistance aux personnes en fauteuil
roulant est disponible, mais ne fonctionne pas entre midi et 14
heures. Lorsqu’un trajet comprend deux TER et qu’ils sont
supprimés, la SNCF ne prévoit pas la prise en charge d’une nuit
d’hôtel, au contraire des voyageurs
qui ont recours à un TGV. Le numéro d’urgence commun à la SNCF
et à la RATP, le 3117, contact avec les pompiers ou les services
médicaux, ne fonctionne pas pour Trenitalia,
dont les trains circulent pourtant sur le territoire français.
Yield management pour les TER
Aussi surprenant que cela puisse paraître, en-dehors des grandes gares, toutes les correspondances en car ne sont pas affichées sur les écrans lumineux. Selon Patricia Pérennes, la SNCF privilégie les autocars mis en place en substitution à des services ferroviaires et néglige ceux qui étaient, avant 2017, affrétés par les départements. Toujours dans les gares, les guichets, fermés l’essentiel du temps, sont remplacés par des distributeurs automatiques… qui fonctionnent de manière aléatoire. Car une machine doit
être
rechargée en papier et en encre, et il faut pour cela des agents
disponibles, y compris le long d’une ligne longue de plusieurs
centaines de kilomètres, comme dans le Massif central entre
Clermont-Ferrand et Béziers (Hérault). Les voyageurs perdus peuvent
s’adresser à un agent, s’ils en trouvent un. Certains d’entre
eux sont coopératifs, d’autres moins. Patricia Pérennes dénonce
«le ton condescendant et paternaliste» qu’elle
a parfois entendu : «Sur le train, c’est écrit
Intercités. Mais en réalité, c’est un TER, vous devriez le
savoir».
La tarification est complexe à comprendre, notamment parce que les trajets peuvent être proposés par des entreprises de transport, comme la SNCF, mais aussi par des collectivités locales, les régions, qui mènent leur propre politique tarifaire. En Occitanie, un billet pris le jour-même pour un TER entre Cahors et Caussade, distantes de 38 kilomètres, coûte 4 euros, alors que dans le Grand-Est, le billet entre Joinville et Saint-Dizier, 32 kilomètres, est vendu 5,70 euros. Les régions ne rechignent pas non plus à pratiquer le «yield management», qui vise à proposer des prix différents en fonction du taux de remplissage, afin de maximiser la recette par voyageur transporté.
Ainsi, résume
Patricia Pérennes, on attend non seulement du voyageur qu’il
connaisse précisément les limites des régions et les réformes
territoriales successives, mais aussi qu’il «lise la
presse économique», afin de s’informer d’un éventuel
rachat d’un opérateur par un autre. La complexité de
l’information et de la tarification risque d’être renforcée
avec l’ouverture à la concurrence, puisque chaque opérateur
pourrait développer ses propres outils de vente.
Pour
«renverser la perspective au profit du voyageur»,
la Fnaut propose au ministère des Transports une «convention
collective de l’usager». Parmi les 23 «exigences»
des représentants des voyageurs figure la création d’un «guichet
unique» ou d’un billet flexible permettant de monter à
bord de tous les trains effectuant le même trajet, TGV, Intercités,
TER, voire RER. Les usagers réclament également l’acceptation des
tarifs sociaux sur l’ensemble du réseau et une harmonisation des
dédommagements en cas de retard. Selon la Fnaut, ces demandes ne
sont pas des «revendications catégorielles»,
mais visent à «simplifier l’accès au train et la
compréhension de son fonctionnement pour le plus grand
nombre». Pour beaucoup de trajets, la voiture apparaît
comme beaucoup plus simple que le train...