Le verre plombé par la crise sanitaire
La pandémie a affecté le secteur du verre. La vallée de la Bresle entre les Hauts-de-France et la Normandie, abrite 70 entreprises occupant environ 7 500 personnes. L’une d’elles, Verescence à Mers-les-Bains, s’apprête à licencier…
La Covid continue de faire des victimes directes et indirectes. Dans la vallée de la Bresle, 70 entreprises de la Glass Vallée attendent impatiemment qu’une activité normale reprenne son cours et que les ventes de flacons de parfums de luxe repartent à la hausse. Elles produisent plus de 70% de la production mondiale pour la parfumerie, les spiritueux ou la pharmacie. Les plus grands noms, Guerlain, Dior, Chanel font appel à ce savoir-faire unique. Tous les professionnels s’accordent à dire, qu’à cause de la fermeture des duty free dans les aéroports, l’activité a baissé de 30%.
« On ne comprend pas »
Forcement, une telle réduction a un impact sur toutes les entreprises du secteur. Chez Verescence à Mers-les-Bains (200 millions de flacons par an), 70 licenciements concernant des personnels administratifs viennent d’être annoncés. Un vrai coup de massue alors que le gouvernement a déployé tout un arsenal de mesures pour éviter des plans sociaux, comme par exemple le chômage partiel de longue durée. Et ce d’autant que l’usine est aussi spécialisée dans la cosmétique.
« Nous sommes 820 dont 400 en fabrication, explique le cégétiste Ludovic Krzyworzeka, secrétaire du comité de groupe et du comité social et économique central. Depuis le début de la crise, on n’a plus fait appel à près de 80 intérimaires. Résultat, 8 lignes sur 11 tournent. On ne comprend pas pourquoi la direction se précipite aussi vite car ce qui repart en premier en fin de crise, c’est le luxe. »
Entre les grands verriers de la vallée, la guerre des prix du flacon fait rage. Là aussi, Ludovic Krzyworzeka se montre craintif : « Nous demandons à l’État de geler le prix des flacons pour qu’il n’y ait pas un effet d’aubaine pour les grands donneurs d’ordre comme LVMH, L’Oréal… Savez-vous que sur une bouteille de parfum à 100 euros, le prix du flacon décoré ne représente que 3 à 5 % ? Le plus cher, c’est le marketing ! »
« Ce qui repart en premier en fin de crise, c’est le luxe »
À Abbeville, Verescence Somme, la filiale dédiée au décor occupant environ 250 salariés est « très bien chargée car quasiment tout le travail a été internalisé. Je pense que les sous traitants doivent tirer la langue », souligne le cégétiste.
Pas de visibilité
Il ne croit pas si bien dire. À la SA Pariche, à Bouillancourt-en-Sery, 117 salariés, qui assure du parachèvement sur verre (laquage, dépolissage…), le moral n’y est pas : « Nous allons terminer l’année avec une baisse de 30% de l’activité, se désole Bruno Douville, le président du directoire de l’entreprise, qui vient de se remettre d’un important incendie survenu en juin 2018. Nous avons fait appel au chômage partiel et un accord de flexibilité du temps de travail a été mis en place. Avant, nous avions de la visibilité à plusieurs mois maintenant c’est à quinze jours. »
SA Pariche s’est adaptée à cette nouvelle donne qui risque de durer : « Les grands verriers préfèrent internaliser pour protéger leurs salariés. Nous les remercions de nous donner encore du travail. Mais j’avoue que tout cela est vraiment très angoissant… D’autant que nous ne savons quand la situation va redevenir normale… »
Jennifer Lefebvre est à la tête de Jenniver, deux entreprises de tri, dont l’une se trouve au sein de Verescence, client qui représente 80%, de son activité, et occupe 115 personnes, dont la moitié à Mers-les-Bains : « De mars à juin, la crise a été pénalisante, j’ai dû recourir au chômage partiel, confie t-elle. Depuis la rentrée, tout va bien alors que les prévisions n’étaient pas optimistes. C’est vraiment un partenariat avec Verescence. J’ai conscience d’être privilégiée. La verrerie va fermer deux semaines en fin d’année, l’activité va baisser sensiblement. Je vais de nouveau remplir un dossier de chômage partiel. Ca va être compliqué de garder cinq salariés en contrat à durée déterminée, car on n’a pas de visibilité. »
Présidente de la Glass Vallée (24 entreprises au conseil d’administration), Valerie Tellier remue ciel et terre pour défendre sa filière : « Ce qui ne va pas, c’est la parfumerie, pointe-t-elle. Il y a un manque de visibilité. Les entreprises de tri, de prototypage, les fabricants de moules… tous souffrent. Les verriers ne se rendent pas compte de la situation de leurs sous-traitants, surtout que l’on est sur de l’industrie complexe. Maintenant, il nous faut être écolos, respecter les normes et vendre peu cher. Le chômage partiel de longue durée c’est bien et pas bien à la fois car on doit s’engager avec un accord d’entreprise à ne pas licencier mais qui saura ce qui va se passer dans les six mois… »