Le travail féminin à la peine
Les femmes ont beau représenter 48% de la population active, leur travail demeure moins valorisé que celui des hommes. Et un fossé se creuse entre des femmes très qualifiées qui s’en sortent et les autres non qualifiées, en situation de plus en plus précaire, montre une récente étude du Conseil économique, social et environnemental.
Le quotidien des femmes de ménage précaires décrit par la journaliste Florence Aubenas, dans son livre Le Quai de Ouistreham, illustre l’une des facettes de la réalité du travail au féminin étudiée par le Conseil économique social et environnemental (CESE), à la demande de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud- Belkacem. Ce 25 février à Paris, le CESE a présenté à la presse son étude “Les femmes éloignées du marché du travail”. Aujourd’hui en France, 13,5 millions de femmes sont sur le marché du travail, soit 48% de la population active. Mais ce score, plutôt élevé par rapport aux autres pays européens, masque des phénomènes inquiétants et en particulier le clivage entre des femmes en général qualifiées ou très qualifiées, qui parviennent à concilier vie professionnelle et vie familiale, et celles peu ou pas du tout qualifiées qui s’éloignent facilement du marché du travail.
“En situation de plein emploi, dans les années soixante et soixante-dix, le fait que certaines femmes se mettent à travailler donnait envie à d’autres. Il y avait une émulation entre elles. Aujourd’hui, sur un marché du travail tendu, on assiste à un décrochage, d’autant que pour un emploi peu ou pas qualifié, les employeurs préfèrent embaucher un homme qu’ils supposent plus disponible”, précise Hélène Fauvel (groupe CGT-FO), rapporteur de l’étude. Le niveau de diplôme représente, en effet, l’un des deux critères majeurs susceptibles d’éloigner une femme du marché du travail. Une étude de l’Insee, citée par le rapport du CESE, montre ainsi que les femmes peu diplômées peinent plus que les hommes à trouver un emploi et l’exercer à temps plein. En 2011, entre 20 et 29 ans, le taux d’emploi (en équivalent temps plein) chez les hommes sans aucun diplôme atteint 52%, contre 29% pour les femmes dans la même situation.
Pression à tous les étages. La manière dont est structurée la famille (nombre d’enfants, présence ou non d’un conjoint…) peut également constituer un facteur important, susceptible d’éloigner la femme du monde du travail. Mais il en existe d’autres encore. “Les freins sont surtout dans les mentalités”, constate Hélène Fauvel. Cela démarre pendant les études. Dans les filières professionnelles, “les filles sont souvent orientées vers des métiers que les stéréotypes indiquent comme féminins”, précise-t-elle. Et dans les filières générales, les filles sont sous-représentées dans les branches scientifiques. Puis, durant la vie professionnelle, les modes de garde d’enfants ne sont pas adaptés, qui ne permettent pas de les prendre en charge dans les horaires décalés. Plus largement, dans l’entreprise et dans la fonction publique, “il faudrait une meilleure prise en compte de la parentalité”, ajoute Hélène Fauvel. Car s’il existe des structures vertueuses en la matière, des pratiques qui relèvent de la discrimination et du harcèlement subsistent. “Par exemple, lors d’un entretien d’embauche, on va demander à une jeune femme si elle compte avoir des enfants”, illustre Hélène Fauvel. L’annonce d’une grossesse peut être mal accueillie et peser lourd sur le futur de la salariée. “C’est aussi le cas dans les administrations publiques, les interruptions se paient cash en déroulement de carrière et en reconnaissance professionnelle”, complète Hélène Fauvel. Même les femmes qualifiées qui mènent une carrière professionnelle a priori brillante sont donc concernées. En particulier, quel que soit le niveau de qualification, “ce sont toujours les femmes qui concilient leur vie professionnelle et familiale.” Illustration avec l’étude citée par le CESE sur les “couples à double carrière” : lorsque les deux conjoints exercent une activité professionnelle à haut niveau d’implication, des problèmes de mobilité géographique et de gestion des enfants se posent. Or, même dans ce cas le partage des tâches domestiques demeure le plus en défaveur de la femme, ce qui conduit certaines d’entre elles à freiner leur carrière. Et ces femmes témoignent aussi d’une pression sociale et familiale qui les fait se sentir… des mères indignes.