Retour sur les Rencontres nationales du transport public
Le transport public cherche de nouvelles ressources
Aux Rencontres nationales du transport public (RNTP), qui ont rassemblé plus de 6 000 congressistes à Clermont-Ferrand du 17 au 19 octobre, les débats ont surtout porté sur le financement du secteur. Le versement mobilité, impôt pourvoyeur de financements, peut-il être augmenté ?
«Oui, j’ai bien vu les petites briques qui s’empilent». Le ministre Clément Beaune commente l’infographie qui s’affiche sur l’écran, lors d’un débat avec les représentants du secteur du transport public. Les élus (Groupement des autorités responsables des transports, Gart) et les opérateurs (Union des transports publics, UTP), rassemblés lors des Rencontres bisannuelles du secteur, à Clermont-Ferrand, cherchent, avec cet empilement stylisé, à figurer le «mur d’investissement» auquel ils sont confrontés.
Même si la transition écologique est officiellement une priorité du gouvernement et que les transports collectifs, urbains et interurbains, en sont un maillon essentiel, l’argent manque. Le secteur attend un «choc d’offre», selon l’expression consacrée. En février, Elisabeth Borne avait annoncé le déblocage de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire d’ici 2040. «J’aimerais les voir», lâche Louis Nègre, maire de Cagnes-sur-Mer (Alpes-Maritimes) et président du Gart, face au ministre des Transports. La veille, alors que Clément Beaune n’était pas encore arrivé en Auvergne, Louis Nègre s’était fâché : «Quand il a fallu soutenir les automobilistes, du jour au lendemain, l’Etat a débloqué 7 milliards d’euros. Pourquoi fait-on cela pour les uns et pas pour les autres ?».
Face à ces réclamations, Clément Beaune, souriant et toujours attentif à ses interlocuteurs, ne semble pas déstabilisé. Il évoque les «services express régionaux métropolitains» (Serm), nouveau nom des «RER», destinés à une dizaine de grandes villes, confirmés en septembre par Emmanuel Macron, le projet de «billet unique» valable sur tout le territoire ou le pass national «à l’allemande» à un prix modique, dossiers qu’il porte auprès de ses collègues du gouvernement. Mais, dans le fond, «c’est l’offre qui prime», finit par reconnaître le ministre. Et Bercy qui décide. Magnanime mais un peu déçu, Louis Nègre «reconnaît que le ministre se bat».
Le vrai coût de la mobilité
Les Rencontres nationales du transport public (RNTP), qui ont réuni entre 6 000 et 8 000 participants, se sont concentrées sur le financement du secteur. «Il ne sert à rien d’acheter les meilleurs trains du monde si on n’a pas un bon réseau. Certaines caténaires ont 70 ans», rappelle Jean-Pierre Farandou, PDG de la SNCF. Or, «si on n’investit pas dans l’année qui vient, cela ne se verra pas tout de suite, mais dans la décennie qui suit», ajoute-t-il.
Certains continuent de regretter la taxe poids-lourds, dite « écotaxe », abandonnée en 2014 par la ministre d’alors, Ségolène Royal. «Cela aurait rapporté un milliard d’euros par an, qui auraient pu être investis dans le réseau ferroviaire», observe Alexandre Gallo, PDG de l’entreprise de fret ferroviaire DB Cargo. En Allemagne, une taxe équivalente, appelée «Maut», «rapporte 8,3 milliards par an, pour la route et le fer », précise-t-il.
Plutôt que de pleurer sur le lait renversé, Hiba Farès, présidente de RATP Dev, une filiale du transporteur parisien dédiée aux activités internationales, insiste sur le vrai coût de la mobilité. «En France, le voyageur ne contribue aux transports urbains qu’à hauteur de 25%, contre 40% dans les autres pays d’Europe, et même 70% à Londres», rappelle-t-elle. La responsable plaide pour une indexation régulière des prix des tickets et abonnements sur le coût de la vie, ce que les collectivités rechignent à faire depuis vingt ans. «Tout augmente, et en comparaison, le coût de la voiture aussi», argumente-t-elle, en précisant que «l’acceptabilité du voyageur dépend de la qualité du réseau».
Le Medef contre l’impôt
L’avenir du transport urbain dépend aussi du sort du versement transport, cet impôt assis sur la masse salariale qui finance les transports publics et dont le taux ne peut dépasser les 2% dans les plus grandes agglomérations, hors Ile-de-France. La région capitale a obtenu, fin septembre, un relèvement de l’impôt pour financer son propre «mur d’investissement», le fonctionnement du supermétro Grand Paris Express et la rénovation du réseau actuel, sans augmenter excessivement le prix du pass mensuel. Le Gart insiste pour que les autres régions aient droit au même traitement. Marie-Ange Debon, présidente de l’opérateur Keolis et de l’UTP, prône une augmentation «raisonnable» du taux maximal, en soulignant «les entreprises ont bénéficié de 10 milliards d’euros de réductions d’impôts ces dernières années».
Le Medef, où la présidente de Keolis occupe paradoxalement des responsabilités, considère depuis longtemps que le versement mobilité pèse sur les comptes des entreprises. L’organisation patronale a profité du congrès de Clermont-Ferrand pour publier dans Les Echos une tribune dont le titre, «Impôts ou avenir, il faut choisir», ressemble à une déclaration de guerre au versement mobilité. Le patronat refuse l’augmentation de l’impôt dans les régions hors Ile-de-France et demande un droit de regard sur la manière dont les réseaux sont structurés, dans la mesure où les employeurs contribuent, «à hauteur de 10,7 milliards d’euros en 2022», à les financer. «Les réseaux sont davantage organisés en fonction des déplacements scolaires que selon les trajets des actifs», reconnaît d’ailleurs Hiba Farès, à la RATP.
Mais, même s’ils étaient financés à hauteur des ambitions, les transports collectifs demeurent fortement concurrencés par la route. Faut-il encore renforcer le réseau routier national, qui bénéficie principalement à la voiture individuelle, et construire de nouveaux axes, à l’instar de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres amplement contestée, et désapprouvée par l’Autorité environnementale ? Interrogé, Louis Nègre assure prudemment qu’il ne veut pas «opposer les modes». Marie-Ange Debon se contente de rappeler que «nous avons besoin des routes pour faire circuler nos cars et nos bus». Certes, mais en faut-il vraiment davantage ? Le secteur du transport public n’ose pas se prononcer sur ce sujet qui implique son avenir.