Le tourisme, poison ou opportunité pour l’écologie ?

La France est devenue la deuxième destination mondiale du tourisme à vélo. Environ 12 000 km de véloroutes et voies vertes sont aménagées avec de véritables itinéraires, comme le long du canal de Bourgogne.
La France est devenue la deuxième destination mondiale du tourisme à vélo. Environ 12 000 km de véloroutes et voies vertes sont aménagées avec de véritables itinéraires, comme le long du canal de Bourgogne.

Montagnes de déchets, consommation d’eau élevée… le tourisme pèse sur l’environnement. Mais quand les visiteurs s’inquiètent de plus en plus de l’impact de leurs vacances sur la nature, les professionnels du secteur suivent. Un récent rapport du ministère de l’Environnement dresse un tableau contrasté des dynamiques en action.

D.R.

La France est devenue la deuxième destination mondiale du tourisme à vélo. Environ 12 000 km de véloroutes et voies vertes sont aménagées avec de véritables itinéraires, comme le long du canal de Bourgogne.

Plus de 40 milliards d’euros de recettes… S’il est indéniable que le tourisme rapporte à la France, combien pèse-t-il sur l’environnement? En mars dernier, dans un rapport consacré à “la fonction touristique des territoires : facteur de pression ou de préservation de l’environnement”, le ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, en charge des Relations internationales sur le climat, dresse un constat contrasté. En toile de fond, la préoccupation est devenue mondiale : 2017 a été proclamée année internationale du tourisme durable par l’ONU (Organisation des Nations unies). Et l’enjeu est particulièrement sensible pour la France. En effet, le pays, qui a accueilli 84,5 millions de touristes étrangers en Métropole en 2015, s’est fixé des objectifs ambitieux : en attirer 100 millions par an, d’ici à 2020. Or, “les déplacements touristiques, transports aériens ou routiers, contribuent aux émissions de gaz à effet de serre et dégradent la qualité de l’air.(…) Le développement des hébergements touristiques occasionne une artificialisation des sols et entraîne un accroissement des pressions sur les ressources naturelles”, souligne le rapport. L’impact est d’autant plus puissant que l’activité touristique se concentre sur deux mois (juillet et août). Durant cette période, des visiteurs affluent sur des territoires limités, souvent faiblement peuplés le reste du temps, et qui, pour certains, développent des infrastructures au détriment de territoires agricoles et de forêts. Dans les communes où le tourisme est très important, les taux de prélèvement en eau potable, par exemple, illustrent les effets négatifs de cette activité. Cas extrême, dans les communes dont l’intensité touristique est supérieure à 1 000 lits pour 100 habitants, les volumes pré- levés en eau sont trois fois supérieurs à la moyenne nationale par habitant! En cause, notamment, les activités sportives et de loisirs liées à la fréquentation touristique, comme l’arrosage des golfs, le remplissage des piscines, la production de neige artificielle, mais également la consommation par les services d’hébergements et de restauration… Autre exemple de surconsommation des ressources liée au tourisme, celle de l’électricité. Elle aussi croît fortement, pour répondre aux besoins de confort des visiteurs (climatisation, chauffage, télévision…). En parallèle, la production de déchets augmente aussi nettement dans ces communes.

Quand marketing et vertu écologique vont dans le même sens.

Pourtant, l’ensemble des parties prenantes de l’activité touristique, publiques et privées, se montrent de plus en plus sensibles à la dimension environnementale, induisant des effets bénéfiques pour la nature. Principaux intéressés, les touristes vont jusqu’à en faire un critère de choix de leur destination. C’est ce que révèle l’Eurobaromètre de 2016, selon lequel plus de la moitié des Européens enquêtés affirme avoir pris en compte au moins un aspect environnemental, en tête desquels la présence d’un label environnemental, pour choisir leur destination de vacances en 2015. En face, partout sur le territoire, certains acteurs publics et privés s’emploient à promouvoir des pratiques touristiques qui préservent l’environnement. Côté secteur public, par exemple, les espaces protégés (Natura 2000, parcs nationaux, réserves naturelles…), qui contribuent à l’attractivité des communes touristiques les abritant, sont préservés. “La pression touristique est maîtrisée en recourant aux protections foncières, à travers notamment l’acquisition de sites par les conservatoires du littoral et d’espaces naturels”, note le rapport. Exemple : entre 2012 et 2015, les surfaces acquises par le Conservatoire du littoral ont augmenté de près de 20 %, passant de près de 130 000 à plus de 150 000 hectares. Le volume de surfaces acquises par les conservatoires d’espaces naturels aussi a augmenté sur cette même période.

Autre tendance constatée par le ministère de l’Environnement, le “développement de l’itinérance douce”, à vélo, à pied, à cheval ou par le fleuve : aujourd’hui, aussi sous l’impulsion des puissances publiques, la France est devenue la deuxième destination mondiale du tourisme à vélo, après l’Allemagne. Environ 12 000 km de véloroutes et voies vertes sont aménagées. De véritables itinéraires, comme la “Vélodyssée” (littoral Atlantique), “la Loire à Vélo” ou le “Tour de Bourgogne à vélo” ont été mis en place. Et le public adhère : en 2014, plus de 9 millions de Français ont réalisé un séjour au cours duquel ils ont pratiqué vélo ou VTT. Du côté du secteur privé, enfin, les professionnels du tourisme sont nombreux à déployer des démarches qualités pour réduire les pressions environnementales générées par leurs activités. Labels, marques et certifications pullulent… Et l’affichage environnemental, par exemple, se développe, notamment en matière d’hébergements touristiques. Ces derniers s’engagent par exemple à économiser l’énergie, à diminuer leur consommation d’eau, à acheter local ou bio, à ne pas utiliser de produits phytosanitaires… Au total, l’Ecolabel européen “Service d’hébergement touristique” regroupe aujourd’hui 358 établissements certifiés en France, un chiffre qui a fortement augmenté depuis dix ans et qui place l’Hexagone en tête du palmarès européen. Pour autant, il concerne ne concerne encore que moins de 1% des hébergements touristiques marchands dans le pays. D’autres labels plus confidentiels existent aussi, comme le label “Grand site de France”, créé par l’État en 2002 et qui regroupe 15 territoires possédant des paysages remarquables. Exemple : la Baie de Somme, avec ses 2 millions de visiteurs par an. Autre exemple, créé en 1985, le label Pavillon Bleu, qui distingue les communes et ports de plaisance menant une politique de développement touristique durable. Il a été décerné à 400 plages en 2016, plaçant la France au deuxième rang mondial, derrière l’Espagne.