Professions
« Le rôle d’un commissaire aux comptes n’est pas de faire du conseil », Yannick Ollivier, président de la Compagnie nat…
Lors de la plénière de clôture du 76e congrès des experts-comptables, le 8 octobre dernier à Bordeaux, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, Yannick Ollivier, a dressé le bilan de santé de sa profession après le passage de la loi Pacte et insisté sur la nécessaire clarification de la répartition des missions entre les deux professions pour éviter les frictions.
« Oui, la loi Pacte est passée par là, oui, nous avons perdu des mandats. Et on reste toujours très amers sur ce sujet parce que le relèvement des seuils était purement politique, il n’avait aucun sens », a déclaré, sans détours, le président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), Yannick Ollivier, interrogé sur l’impact de cette loi sur l’ensemble de l’activité. « Mais la profession a vraiment très bien réagi et elle doit continuer à se battre. Nous restons extrêmement prudents parce que cette loi Pacte est un venin qui se diffuse progressivement. »
Un impact limité sur l’économie générale de la profession
Pour l’instant, « les chiffres parlent pour nous, positivement », s’est-il félicité. D’une part, parce que « l’économie générale de la profession de commissaire aux comptes est bonne » et son chiffre d’affaires est « plutôt en croissance », même s’il est « un petit peu en décroissance cette année ».
Ensuite, parce que la loi n’a pas provoqué l’effet de concentration redouté : qu’il s’agisse du nombre de professionnels inscrits ou de la répartition du chiffre d’affaires, « là aussi les chiffres sont plutôt favorables ». Il y a aujourd’hui près de 11 700 commissaires aux comptes, contre 11 900 avant la loi Pacte, mais « il y a toujours un peu d’érosion liée à l’évolution naturelle de la profession ».
Clarifier la répartition entre les deux professions
« Une guéguerre entre les deux professions, cela n’apporte rien, il ne faut pas se tromper d’ennemi », a-t-il répondu aux questions sur l’état des relations avec les experts-comptables. Lorsque le décret relatif aux nouvelles prestations des commissaires aux comptes est paru, « beaucoup ont crû que l’avenir du commissaire aux comptes pouvait passer par le fait d’aller grignoter du business chez les experts-comptables ».
Mais « j’ai tout de suite été très clair : le rôle d’un commissaire aux comptes, ce n’est pas de faire du conseil, ce n’est pas dans notre ADN, ce n’est pas notre histoire, ce n’est pas notre rôle sociétal, et il faut clarifier les choses ».
Une clarification qui passe, notamment, par le fait d’arrêter « de dire que nous sommes la grande profession du chiffre, ce n’est pas vrai. Nous, nous sommes à la frontière du droit et de l’économie, et nous dépendons du ministère de la Justice. Les hommes du chiffre et du conseil, ce sont les experts-comptables. »
De nouvelles missions au-delà de l’audit légal
Suite à la loi Pacte, « nous avons aussi compris que les commissaires aux comptes ne peuvent plus se laisser enfermer uniquement dans les missions d’audit légal », a expliqué Yannick Ollivier. Désormais, « le commissaire aux comptes va pouvoir répondre à un besoin de marché, avec des missions qui sont au-delà de l’audit légal, qui répondent à des enjeux de demain : les enjeux de la confiance numérique, les enjeux de la confiance RSE. C’est cette place que nous devons prendre. Et le Haut Conseil du commissariat aux (H3C) nous soutient complètement ».
Autant de missions « qui ne sont pas dans le conseil » et « qui ne viennent pas en contradiction du rôle de l’expert-comptable, au contraire ». Et de conclure : « Plus on comprendra à quoi on sert, plus on trouvera notre territoire », et « il faut que l’on redevienne des prescripteurs ».
Relèvement des seuils de certification légale : des pertes moindres qu’attendues
Le deuxième rapport annuel du Comité de suivi et d’évaluation de la loi Pacte, piloté par France Stratégie, a été publié en septembre dernier. Parmi les 23 thématiques étudiées figurent les conséquences de cette loi pour les commissaires aux comptes.
« Selon une étude de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes parue en mai 2021, les pertes d’honoraires et de mandats liées à la loi Pacte se seraient élevées à 36 millions d’euros en 2018 et à 44 millions en 2019, soit 36% d’un total d’honoraires sur les mandats concernés par la réforme s’élevant à 123 millions d’euros en 2019 », indiquent les rapporteurs dans leur synthèse.
« Ces pertes seraient toutefois inférieures à celles attendues, puisque 50% des mandats "petites entités" arrivés à échéance sont maintenus, malgré l’absence de contrainte légale. La filière semble par ailleurs s’être adaptée, en élargissant sa clientèle, notamment en direction des associations et fondations, et sa gamme de services. »