Entreprises

Le retour au réel économique

La fin de la «trêve» olympique décrétée va progressivement nous replonger dans les affaires nationales, réalités économiques en tête. Où en sont les défaillances d’entreprises ? Les créations ? Comment s’en sort la Moselle ? Éléments de réponse à quinze jours de la rentrée. Laquelle ne sera pas un long fleuve tranquille.

Le brouillard institutionnel actuel et les incertitudes économiques persistantes donnent peu de lisibilité aux chefs d'entreprise.
Le brouillard institutionnel actuel et les incertitudes économiques persistantes donnent peu de lisibilité aux chefs d'entreprise.

«Trêve», «parenthèse enchantée». Les termes utilisés pour évoquer, un peu pompeusement, la période des Jeux olympiques de Paris que nous venons de vivre avaient quelque chose se situant entre une nécessaire «pause» collective quant au climat anxiogène et de morosité dans lequel était plongé notre pays depuis des mois, conséquence directe des incertitudes socio-économiques et du contexte politique bloqué, et le déni dans lequel finalement nous nous sommes ouatés durant deux semaines. Les exploits de nos champions fêtés, la performance de l’organisation de Paris 2024 unanimement saluée, l’atmosphère festive partagée et communicative, nous ont fait oublier pendant quelques jours une réalité qui va revenir toquer à nos portes dans de brefs délais.

Augmentation des défaillances

Ainsi, nous allons retrouver les mêmes ingrédients qui ont précédé les joutes olympiques, avec le mur de la dette à affronter en fil rouge. Si le Baromètre national des entreprises, réalisé par le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, Infogreffe et Xerfi Spécific, sur le premier semestre 2024 laisse apparaître le portrait d’un entrepreneuriat français stable, il ne cache pas un contexte économique tendu par la contraction de la demande et l’explosion des entreprises en difficulté. Si les retombées de Paris 2024 laissent entrevoir une éclaircie, la faiblesse du pouvoir d’achat des ménages et les investissements des entreprises ne dessinent pas des semaines et des mois à venir réjouissants. Les entreprises enregistrent des niveaux historiques de procédures collectives. Elles s’établissent en hausse de 20,5 %, avec 30 406 procédures enregistrées. Les secteurs des activités immobilières, de la construction et du transport sont les plus impactés. Notamment en raison de la hausse du coût des matières premières et de la crise l’énergie. Les redressements judiciaires connaissent la plus importante progression, avec une hausse de 66,1 % sur les six premiers mois de l’année comparativement à la même période 2023. Les liquidations judiciaires augmentent de 10 % et concernent quelque 22 000 entreprises. Soit presque les deux tiers de l’ensemble des procédures collectives enregistrées sur les six premiers mois 2024. Le phénomène est également observé en Moselle. En cumul glissant, le nombre de défaillances d’entreprises par date de jugement était de 650 en juin dernier. Soit + 8,88 % pour le même mois un an plus tôt. Et surtout, + 75,1 % par rapport au mois de juin 2022. Surtout, la dégradation se voit visiblement sur les données trimestrielles qui nous ramènent sur des niveaux défaillances d’avant pandémie. La courbe indique le dépassement du logique rattrapage venu après la période Covid.

Une Moselle créatrice dynamique

Le Bilan national des Entreprises mettait en évidence une contraction du nombre de créations d’entreprises (+ 5,4 %). Si les résultats du premier semestre 2024 montrent une légère hausse de la création (+ 9 % à un an d’intervalle), elle relève d’un rattrapage lié aux dysfonctionnements de la nouvelle plateforme en charge du traitement des immatriculations. La tendance est celle d’un retour relatif au niveau des années précédentes. Cela touche la plupart des secteurs d’activité, à l’exception de l’hébergement et de la restauration (- 15 %), sans doute en raison du manque de main-d’œuvre. La construction (- 8 %) et les activités immobilières (- 8 %) sont en recul. Sous le prisme mosellan, la création reste régulière. 5 934 entreprises lancées au premier semestre 2021, 5 697 en 2022, 5 700 en 2023 et 6 251 en 2024 (soit + 9,67 % par rapport à 2023). Les outils performants d’appui et d’accompagnement des porteurs de projet présents sur le territoire départemental ne sont pas étrangers à ce dynamisme. En Moselle, on créait 4 151 entreprises sur les six premiers mois de 2021. C’est 50 % de plus trois ans plus tard. Quelques autres éléments à avoir en tête. Pour savoir d’où on repart après cette «trêve» olympique : lors du premier trimestre 2024, les radiations sont repartis sur des hausse limitées (+ 2,5 %), avec une augmentation des cas de radiation volontaire (+ 6,6 % en un an). Ces dernières représentent plus d’un cas de radiation sur deux (54,5 %). Enfin, si le secteur des activités immobilières connaît l’une des hausses les plus faibles en termes de création et l’un des taux de procédures collectives les plus élevés, il s’en sort mieux quant aux radiations : elles reculent de 20 %. Voilà donc un panorama entre gris clair et gris foncé à l’approche d’une rentrée qui sera marquée du sceau de beaucoup d'incertitudes. Quinze jours de soleil olympique n’ont finalement pas chassé les nuages s’amoncelant au-dessus de notre économie. Loin de là.

«On aurait bien aimé prolonger le rêve olympique, mais le retour au réel économique se fait jour.»