Le réseau Initiative France promeut des entreprises durables

Rachid Badouri se transforme à l’envi avec force, mimiques et gesticulations. Tour à tour Michael Jackson, italian lover gominé, rappeur ou organisateur de soirées latinos, le danseur hors pair enflamme la scène avec une énergie débordante et une tchatche dévastatrice. Personnage incontournable du spectacle, le père de l’humoriste débarque souvent pour reprocher à son fils de négliger ses racines marocaines au profit d’une vie québécoise trépidante. Choc des cultures et des générations garanti.

Quoi de commun entre un producteur de produits bio et congelés pour bébés, un autre de caviar, un charpentier et une entreprise qui innove dans les dispositifs lumineux ? Toutes ont été jugées “remarquables” par le réseau Initiative France, association de financement et d’accompagnement de jeunes entreprises. A ce titre, ces sociétés peuvent prétendre à un “prêt d’honneur Initiative remarquable”, qui devrait aller de 5 000 à 25 000 euros, dispensé par l’association. Le 24 février, lors d’une conférence de presse à Paris, Initiative France présentait le dispositif en compagnie de la BEI (Banque européenne d’investissement), qui lui accorde sa garantie. Aujourd’hui, dix entreprises ont été sélectionnées.
Côté financement, Initiative France a recueilli 3,8 millions d’euros auprès de l’épargne solidaire. Pour la suite, l’association espère être en mesure de distribuer 5 à 6 millions d’euros, chaque année. Car “il existe un potentiel élevé d’entreprises remarquables. (…) Beaucoup de projets remarquables naissent, mais ils ne sont pas identifiés, alors que ce sont de très bons projets”, estime Louis Schweitzer, président d’Initiative France. De fait, au démarrage du projet des entreprises “remarquables”, les plates-formes locales de l’association ont identifié jusqu’à 200 initiatives qui leur semblaient remplir les critères demandés. Ceux-ci, énumère Louis Schweitzer, concernent “l’innovation technologique, sociale, un attachement particulier au développement durable, écologique ou en termes d’implantation locale”. Les produits bio qui ont failli boire le bouillon. Dans le Lot-et-Garonne, c’est par exemple le cas de Yooji. La société figure parmi les entreprises “remarquables” et, à ce titre, a obtenu un prêt d’honneur d’Initiative France. Un dénouement qui a sauvé la société du naufrage, à en suivre son fondateur, Frédéric Ventre, venu témoigner lors de la conférence. L’entreprise commercialise des produits bio surgelés destinés aux enfants à partir de 6 mois. Elle achète ses matières premières, comme les légumes, “le plus possible en France, mais on ne trouve pas forcément tout” raconte le dirigeant. Le reste des aliments provient d’autres pays européens. Le conditionnement du produit, en galettes renfermées dans des sachets souples, colle aux tendances sociétales qui consistent à préparer soi-même ses repas, à nourrir son enfant avec des produits sains et à gaspiller le moins possible : on décongèle uniquement la dose d’aliment que l’on souhaite consommer. Créée en 2012, l’entreprise compte 16 salariés et table sur environ 70 d’ici cinq ans. Cette trajectoire prometteuse a pourtant failli se terminer au tribunal du commerce. En effet, en matière de trésorerie “on risquait la panne sèche”, raconte Frédéric Ventre. Malgré des “preuves de marché”, aucun investisseur ne voulait soutenir le pari à long terme de création d’une nouvelle marque nationale sur ce marché très concentré de l’agroalimentaire. “Investissement matériel et main-d’oeuvre : les investisseurs financiers n’aiment pas. (…) Je n’avais pas pensé d’obtenir aussi peu d’écho dans la sphère financière”, confirme Frédéric Ventre, surpris par le manque d’enthousiasme des banquiers alors qu’il avait pourtant fait sa carrière dans la finance avant de créer sa société… Le prêt d’honneur de France Initiative permettra à l’entreprise d’attendre fin mars, date à laquelle devrait arriver un apport de fonds propres par un investisseur qualifié d’“atypique” par Frédéric Ventre.

Plusieurs outils pour améliorer le financement des PME. Au delà de cette démarche spécifique en direction des entreprises dites “remarquables”, c’est tout particulièrement au problème de financement des entreprises naissantes que s’attaque Initiative France. Depuis 1985, le réseau des quelque 230 associations locales dispersées sur le territoire accompagne la création et la reprise d’entreprise et les finance via des prêts d’honneur à taux zéro, sans garantie personnelle, sur une durée de trois à cinq ans. Surtout, ces prêts (8 000 euros en moyenne) permettent en général de déclencher des prêts bancaires complémentaires. C’est ainsi que, d’après les données de l’association, en 2012, aux 159 millions d’euros de prêts d’honneur qu’elle a accordés, se sont associés 1 004 millions d’euros de prêts bancaires. Pour les entrepreneurs, “cela donne des plans de financement qui vont de 50 000 à 240 000 euros”, précise Louis Schweitzer. En 2012, l’association a contribué à la création ou reprise de plus 16 000 sociétés, pour un total de 337 140 emplois. Les porteurs de projet, qui, dans trois cas sur quatre, sont des demandeurs d’emploi, sont également suivis dans leur activité, par exemple par des dispositifs de parrainage. Au bout de trois ans, dans 86% des cas le créateur est toujours à la tête de son entreprise. “Le mécanisme aide à la pérennisation des entreprises”, estime Louis Schweitzer. Quant à la BEI, elle dispose elle aussi d’outils destinés à aider les PME, tout particulièrement depuis la crise de 2008. Sa filiale, FEI (Fonds européen d’investissement), a été spécifiquement créée dans ce but. “La première priorité, c’est de financer 21,3 milliards de prêts et garanties aux PME à travers l’Europe, et 2 milliards pour les PME en France”, précise Philippe de Fontaine Vive, viceprésident de la BEI. Sur ces 2 milliards, plus de la moitié est distribuée via les banques françaises, et notamment bpifrance. Un peu plus d’un demi-milliard d’euros transite via le fonds. Une partie de la mission consiste à “apporter des garanties aux banques qui ont des garanties prudentielles exigeantes”, explique Philippe de Fontaine Vive. C’est aussi dans le cadre de ce fonds que la BEI a noué sa convention de partenariat avec Initiative France. “Aller vers les toutes petites entreprises constitue un enjeu majeur. (…) Nous avons donc cherché comment atteindre les petites entreprises qui le méritent”, précise Philippe de Fontaine Vive.