Le recyclage des déchets d'appareils électriques usagés progresse fortement
Avec 460 000 tonnes de déchets d’appareils électriques usagés collectés et traités en 2015, le taux de recyclage a fortement augmenté, annonce Éco-systèmes. L’organisme, chargé de cette mission, travaille également à l’éco-conception des produits.
Un bond en avant. 460 000 tonnes de déchets d’équipements électriques et électroniques, DEEE, ont été collectées et traitées en France en 2015, soit 25% de plus que l’an dernier. Le taux de collecte atteint ainsi 43,8%, taux supérieur à l’objectif réglementaire européen, fixé à 40%. C’est ce qu’a annoncé Éco-systèmes, organisme chargé par les pouvoirs publics d’organiser la collecte, la dépollution et le recyclage des DEEE, lors d’une conférence intitulée “Bilan 2015 et perspectives 2016”, le 4 février à Paris. « Nous sommes largement en tête des grands pays européens », s’est félicité Christian Brabant, directeur général d’Éco-systèmes. L’an dernier, l’organisme a recyclé l’équivalent de 9 kg par habitant, contre 7,4 en 2014. Les flux proviennent de différents canaux. « Les collectivités demeurent le canal majoritaire, avec 60% de la collecte », rappelle Christian Brabant. En 2015, elles ont collecté 240 000 tonnes, soit 7% de plus que l’année précédente. Deuxième canal de collecte le plus important, celui des distributeurs, qui ont, eux, récupéré 113 000 tonnes, un chiffre en augmentation de 4%, après une baisse de quelques années.
Développement de nouveaux canaux de collecte
Ces professionnels ne collectant que lorsqu’ils récupèrent un produit au moment où ils en vendent un autre, l’évolution correspond logiquement à une reprise des ventes. Quant à la filière de l’économie sociale et solidaire, elle a collecté 23 346 tonnes de DEEE, un chiffre qui a diminué de 3% depuis l’an dernier. En plus de ces circuits déjà rodés, Éco-systèmes a continué à déployer trois nouveaux canaux de collecte, qui, au total, ont drainé 50 000 tonnes de déchets. Pour l’essentiel, ces derniers sont passés par les entreprises de recyclage de métaux. L’an dernier, Éco-systèmes a noué des contrats avec 313 de ces sites, dans le cadre d’une convention mise en place avec la Fédération des entreprises du recyclage (Federec). Le dispositif a en particulier permis une forte augmentation de la collecte des déchets des artisans installateurs, comme les appareils encastrables de cuisine, appareils de chauffage ou les sanitaires. « C’est un ajout considérable », commente Christian Brabant. Deuxième dispositif, celui destiné à capter les petits appareils ménagers des particuliers qui terminent trop souvent à la poubelle ou remisés au fond d’un placard : aujourd’hui, 5 000 magasins disposent de “meubles verts”, en libre accès, dédiés à la dépose des déchets. Résultat, en deux ans, le recyclage de ces déchets a augmenté de 30%, estime Éco-systèmes. L’organisme a mis sur pied des campagnes d’information à destination du grand public. En 2015, plus d’un million de visiteurs sont venus sur le site www.eco-systèmes. fr. Et l’opérateur entend poursuivre ses campagnes : il y a une « grosse transformation mentale à faire » pour passer du service public au magasin, en matière de recyclage, estime Christian Brabant. Troisième dispositif en cours de déploiement, enfin, celui de la collecte de proximité. Le principe : dans les centres urbains qui ne disposent pas de déchetterie à proximité, des récoltes de déchets sont organisées, lors de rendez-vous mensuels. Après une première expérience, dans le 11e arrondissement parisien, menée avec Emmaüs, le dispositif a essaimé sur d’autres sites, à Lyon, et Toulouse, par exemple. Au total, en 2015, 300 opérations ont été menées qui ont permis de rencontrer 25 000 personnes. « Cela commence à prendre son essor (…). Cela apporte un vrai service aux habitants », juge Christian Brabant.
Des industriels utilisent des plastiques recyclés
L’autre volet de l’activité d’Écosystèmes réside dans la recherche de solutions pour remettre sur le marché les matières recyclées, dans une démarche d’économie circulaire. Exemple, un projet mené depuis 2012 avec le groupe SEB et Veolia. À Angers, l’entreprise dispose d’un site qui peut traiter 15 000 tonnes de plastiques durs par an. Il s’agit de les recycler, puis, de les retraiter pour les rendre utilisables pour les industriels. « Le plastique est un sujet prioritaire », rappelle Marianne Fleury, spécialiste du traitement de déchets chez Éco-systèmes : ce matériau pèse pour environ un tiers des petits appareils ménagers. Or, ces appareils « contiennent tout ce que l’industrie de la plasturgie a pu imaginer », détaille Marianne Fleury : résines, additifs, formulations… Bref, la diversité de ces composants, parmi lesquels certains qui ne peuvent être réutilisés, comme des retardateurs de flamme bromés, polluants, rend leur recyclage complexe. Et pour les professionnels, re-proposer ensuite ces matériaux sous une forme exploitable pour les industriels ajoute une difficulté supplémentaire : il faut répondre à un cahier des charges, par exemple sur les qualités de résistance du matériau, et ce, dans le cadre des critères légaux concernant la toxicité… De plus, il faut être en mesure d’assurer l’approvisionnement régulièrement. Côté industriel, « le projet a été complexe à lancer (…) il a fallu rassurer, expliquer », en interne, témoigne Ingrid Tams, responsable de l’environnement chez SEB. La marque, qui revendique des valeurs environnementales, se lance dans l’éco-conception, en utilisant des matériaux recyclés dans la fabrication de ses produits. « C’est viable aussi d’un point de vue économique (…) On pense que le consommateur va s’y intéresser », précise la responsable. Mais la marque a du s’adapter pour mettre en œuvre ces nouveaux dispositifs : si, dans son cahier des charges, elle n’a pas fait de concessions sur les qualités même du matériau et sa conformité réglementaire, il lui a fallu s’adapter à la couleur – sombre. Autre adaptation indispensable, celle des machines et process de production. En effet, « cette matière ne s’injecte pas tout à fait de la même façon que celle utilisée précédemment », commente Ingrid Tams. Pour l’avenir, l’utilisation de matériaux recyclés pourrait induire l’investissement dans un appareil de production qui instaurerait cette démarche en mode standard. Actuellement limitée à quelques produits, l’éco-conception ferait alors « effet boule de neige », commente Ingrid Tamps.
Anne DAUBRÉE