Conjoncture

Le rebond des ouvertures de procédures en Moselle

Le nombre de défaillances d’entreprises en Moselle augmente depuis plusieurs mois maintenant, avec un rebond sur ce premier trimestre. Ce début d’année est en effet teinté de gris clair gris foncé en la matière. Quelles perspectives à venir ? Éléments de réponse.

La fonction de chef d'entreprise a actuellement tout de celle du marin naviguant  par gros temps : anticiper les obstacles et maintenir quoi que vaille le bon cap.
La fonction de chef d'entreprise a actuellement tout de celle du marin naviguant par gros temps : anticiper les obstacles et maintenir quoi que vaille le bon cap.

Liquidation judiciaire, redressement judiciaire, jugement de clôture. Ce triumvirat est le corpus sémantique d’une entreprise en défaillance. Situation qui intervient quand elle ne peut plus faire face à ses dettes. En France, comme en Moselle d’ailleurs, les défaillances d’entreprises étaient tombées à des niveaux historiquement bas en 2020 et 2021, avant de repartir en 2022 : 42 500 procédures avaient été ouvertes en France sur l’ensemble de l’année dernière, soit + 50 % sur un an, selon Altares.

Sous assistance étatique économique...

En Moselle, l’année 2022 se terminait avec 452 procédures ouvertes, contre 332 un an plus tôt, soit + 36 %. Nous demeurons cependant en dessous du niveau d’avant pandémie (713 procédures ouvertes en 2019 dans le département). La casse est relativement limitée, même si elle n’est pas à négliger. D’autant plus que le nombre de défaillances poursuit sa progression amorcée à l’automne 2021, selon la Banque de France. En France, sur les douze derniers mois (entre mars 2022 et février 2023), on dénombre 43 886 défaillances contre 29 124 un an auparavant. Ce mouvement de remontée est commun à l’ensemble des secteurs de l’économie et plus prononcé pour les PME. Le nombre de défaillances reste à un niveau sensiblement inférieur au niveau moyen vu sur la période 2018-2019, avant la crise sanitaire (59 342 défaillances). Les défaillances avaient fortement reculé à compter du début de la crise sanitaire, à la suite des modifications temporaires des dates de caractérisation et de déclaration de l’état de cessation de paiements, puis aux mesures publiques de soutien en trésorerie permettant d’éviter cet état de cessation de paiements.

L'effet «quoi qu'il en coûte»

En cette fin de premier trimestre 2023, la Moselle n’échappe pas à ce phénomène de hausse continue des défaillances. Avec 60 défaillances, ce mois de février est l’un des plus importants en la matière depuis plusieurs mois. Cela aura indubitablement un impact sur les données globales des trois premiers mois de l’année 2023. Clairement, ce premier trimestre, avec déjà plus de 150 défaillances, sera le moins favorable depuis l’apparition de la crise pandémique, par rapport à ses devanciers (127 en 2020, 117 en 2021 et 125 en 2022). Certes, loin des statistiques de la période 2013-2019 où le nombre de défaillances se situait dans une fourchette de 240-250. Ce regain de défaillances en Moselle s’explique par deux facteurs conjugués : la levée progressive des aides publiques, même si le «quoi qu’il en coûte» n’est pas totalement évanoui, et le regain des prix de l’énergie ajouté à l’inflation générale qui pèse sur les trésoreries. Un contexte inflationniste jamais vu depuis 40 ans. En France, plus de 46 000 entreprises ont été sauvées de défaillances grâce au «quoi qu’il en coûte». Sans ces aides financières, ces défaillances auraient explosé. Même topo pour l’espace mosellan.

Des crises succèdent à la crise...

La pandémie s’estompant (mais ne disparaissant pas), l’État a réduit progressivement son soutien financier. Mais la guerre en Ukraine est vite arrivée, avec pour conséquences la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Conséquence directe : les entreprises qui avaient regagné un peu de trésorerie se trouvent de nouveau fragilisées. C’est là un retour à la réalité : beaucoup de sociétés restent d’une santé financière précaire. Surtout les plus petites. Dans ce paysage, il y a les perspectives de remboursement des prêts garantis par l’État (PGE). Aucun territoire n’est épargné. Les secteurs les plus touchés sont le commerce, l’automobile, la restauration, les services aux entreprises et l’agriculture. Les TPE et les jeunes entreprises sont les plus fragilisées. Beaucoup de sociétés présentées aujourd’hui défaillantes ont été créées il y a moins de cinq ou six ans. Les semaines, les mois à venir seront très significatifs. Si l’on ne peut avancer raisonnablement  le scénario d'un cataclysme économique, on se gardera de tomber dans un déni d’optimisme qui ne serait pas la réalité…