Le rallye du Bitcoin en 2024 !
Poussé vers des sommets par l’élection de Donald Trump et la libéralisation attendue des cryptoactifs, le Bitcoin n’en finit pas d’étendre son champ d’utilisation, malgré les risques et les critiques.
Moribond à la même période en 2023 — aux alentours de 40 000 $ —, le Bitcoin a connu une progression exceptionnelle en deux temps sur l’année 2024 : une première envolée entre janvier et mars l’a conduit à près de 70 000 dollars, puis un sprint final lié à l’élection présidentielle américaine l’a propulsé au-delà du seuil symbolique de 100 000 dollars ! Mais l’évolution du cours du Bitcoin révèle avant tout l’extension de son domaine d’utilisation, tant au niveau des États, qui vont parfois jusqu’à en faire une monnaie officielle, que des ménages et institutions financières, voyant dans ce cryptoactif un placement à fort rendement.
Le Bitcoin, un cryptoactif volatil
Même si le Bitcoin, créé en 2009, semble ainsi avoir certaines caractéristiques d’un système de paiement, quoique non régulé par une Banque centrale, force est de constater qu’il n’est pas simple d’usage et plutôt lent. En effet, comment comparer aisément les prix des produits de la vie courante dans une telle unité ? Quant à sa très grande volatilité, qui fait certes les joies des spéculateurs en herbe ou aguerris, elle limite d’autant sa fonction de réserve de valeur. Les détenteurs de bitcoins qui en avaient acheté à la fin de l’année 2021, avant de voir fondre leur investissement de plus de moitié en quelques semaines, sont là pour en témoigner…
Souhaitant apparemment éviter l’inflation par création monétaire, le créateur, Satoshi Nakamoto, a fixé un plafond d’émission à 21 millions d’unités. Comment, dans ces conditions, répondre à une augmentation soutenue de la demande, sachant que près de 95 % des bitcoins ont déjà été émis ? La seule solution pour l’heure consiste à diviser par deux le nombre de bitcoins créés tous les 210 000 blocs minés sur la blockchain, i.e. environ tous les quatre ans : c’est le fameux « halving », dont le dernier a eu lieu au mois d’avril dernier et qui produit, en général, des effets positifs sur le cours du Bitcoin, en amont ou en aval.
Ménages et investisseurs à l’assaut des cryptoactifs
Bref, qu’on le déplore ou non, le Bitcoin est un ovni numérique, très énergivore par ailleurs, qui s’apparente moins à une cryptomonnaie et davantage à un cryptoactif risqué pour lequel il n’existe aucune Bourse officielle susceptible de sécuriser les échanges et de s’assurer de l’identité des personnes effectuant une transaction. C’est précisément ce qui plaît aux spéculateurs qui peuvent ainsi facilement opérer sur plusieurs bourses d’échanges, pour tenter d’augmenter leurs gains.
De manière plus surprenante, les ménages semblent avoir cédé aux sirènes des cryptoactifs, puisque selon la plateforme d’échanges de cryptomonnaies Gemini, 18 % des Français en détiendraient. Certes, pas uniquement du Bitcoin, même si ce dernier se taille la part de lion. Il semblerait qu’un public plutôt jeune, donc moins sensible au risque, se soit laissé gagner par les promesses de rendement mirobolant des cryptoactifs. Et depuis quelques mois, particuliers et institutionnels peuvent investir dans le Bitcoin sans avoir besoin d’en détenir directement, à la faveur d’une libéralisation des ETF (fonds indiciels cotés) décidée par le gendarme financier américain, la SEC (Securities and Exchange Commission).
Déréglementation des cryptoactifs et monnaie officielle
L’élection de Donald Trump, qui a promis de faire des États-Unis « la capitale mondiale des cryptos », durant sa campagne pour attirer à lui le vote des libertariens, et l’annonce de la nomination prochaine à la tête de la SEC d’un avocat des cryptoactifs à des fins transactionnelles (légales ?), ne sont pas étrangers au rallye de fin d’année du Bitcoin. Toute la question est maintenant de connaître l’ampleur de cette déréglementation concernant l’autorité de tutelle et l’accès au système bancaire, la faillite de certaines banques américaines trop exposées aux cryptoactifs demeurant encore dans tous les esprits…
Trump a également promis de créer une réserve stratégique de bitcoins, qui devrait, à terme, servir à rembourser la dette publique ou à diversifier les réserves de la Banque centrale (Fed), mais qui, à court terme, servira surtout de catalyseur de cours pour les cryptoactifs. À bien y réfléchir, cette idée est saugrenue à plus d’un titre. D’abord, parce que les États-Unis détiennent le « privilège exorbitant du dollar », qui leur permet de s’endetter et de rembourser dans la même devise. Ensuite, parce que la création d’un tel fonds nécessiterait de s’endetter pour acheter un cryptoactif privé et risqué, tout en l’exposant aux soubresauts d’un cours sur lequel le gouvernement n’aurait que peu d’influence. Il n’y a guère que les pays dont l’économie est chancelante (Salvador, République centrafricaine…) pour reconnaître le Bitcoin comme monnaie officielle. Quid, en effet, de la souveraineté et du pilotage de la politique monétaire avec une monnaie privée ? Quid de la stabilité monétaire ?
En voyant son évolution, l’on peine à croire que le Bitcoin était à l’origine le grand œuvre d’une mouvance libertaire, les cypherpunks…
Raphaël DIDIER