Innovation

Le projet de vitrage photovoltaïque "Transition" en passe de sortir du laboratoire

Une décennie après son lancement, le projet de vitrage photovoltaïque porté par le Laboratoire de réactivité et chimie des solides (LRCS), à Amiens, s’apprête à entrer dans une nouvelle phase. En 2024, il devrait sortir du laboratoire pour s’inscrire dans une démarche de pré-industrialisation. Sa mise sur le marché est envisagée pour 2030.

Frédéric Sauvage et un échantillon du vitrage photovoltaïque. (c)Aletheia press/ DLP
Frédéric Sauvage et un échantillon du vitrage photovoltaïque. (c)Aletheia press/ DLP

« Nos besoins énergétiques augmentent. Pour répondre à ce besoin, le déploiement massif des énergies renouvelables est une nécessité absolue. Sans cela, nos sociétés risquent de régresser, avec le risque de voir notre espérance de vie reculer », analyse Frédéric Sauvage, directeur de recherche au CNRS, basé à Amiens. Le solaire apparaît donc comme une solution majeure pour atteindre la neutralité carbone en 2050. « 54% de la puissance du soleil ne se voit pas, mais elle peut être captée par le photovoltaïque », explique celui qui travaille au sein du Laboratoire de réactivité et chimie des solides à l'Université de Picardie Jules-Verne.

À partir de cette réflexion, le chercheur a travaillé, à partir de 2013, sur un concept de vitrage photovoltaïque incolore. Celui-ci ne repose pas sur des métaux et des matériaux critiques (comme le silicium), mais sur des cellules à colorant invisibles obtenues grâce à une technique s’inspirant du principe naturel de la photosynthèse. Cette innovation, en plus d’être durable, offre les mêmes propriétés esthétiques qu’un double vitrage tout en produisant de l’électricité grâce au rayonnement solaire.

Des applications multiples

Après avoir validé la preuve de concept en 2017, Frédéric Sauvage a poursuivi ses recherches. « Nous avions besoin de comprendre et d’améliorer la stabilité de la méthode, nous avons donc commencé par développer de petits systèmes photovoltaïques et cela s’est avéré concluant », détaille-t-il, persuadé que toutes les surfaces vitrées peuvent être solarisées. « On peut imaginer que cette technologie soit appliquée sur tous nos écrans, ce qui permettrait d’augmenter l’autonomie des objets connectés et de réduire la taille des batteries. Il y a un vrai enjeu puisque la demande de matériaux va continuer à croître », pointe Frédéric Sauvage.

Cette innovation pourrait aussi révolutionner le secteur du bâtiment. « Un tiers de la production énergétique sert à l’alimentation des bâtiments et 40% des émissions de gaz à effet de serre sont issues de l’activité de ces derniers. La solarisation de toutes les surfaces, et pas uniquement celles des toits, peut être une réponse cohérente », note-t-il. Une maison contemporaine installée au centre de la France comprenant 50 m² de surfaces vitrées, pourrait ainsi produire 5 000 kWh par an grâce à l’énergie du solaire. De quoi faire baisser de moitié la consommation énergétique annuelle d’un foyer.

Cette innovation s’inspire directement du principe de la photosynthèse. (c)Aletheia press/ DLP

Vers une pré-industrialisation

« D’après nos calculs d’analyse de cycle de vie, le coût de ce produit serait environ 50% plus cher qu’un double vitrage », confie Frédéric Sauvage qui souhaite faire sortir cette technologie du laboratoire en 2024. « L’objectif à présent est de passer à l’étape de pré-industrialisation. Pour cela, il nous reste encore un peu de R&D. Aujourd’hui, nous sommes capables de produire un vitrage transparent de format A4. L’une des questions est de voir jusqu’où nous pouvons aller tout en conservant un bon rendement et une bonne transparence », poursuit-il.

Soutenu par des acteurs institutionnels et financiers comme la SATT Nord, Frédéric Sauvage souhaite poursuivre le développement de cette innovation dans les Hauts-de-France. Un développement qui se fera à terme en nouant un partenariat avec un verrier. « Les indicateurs sont bons, nous disposons d’une technologie différenciante où les débouchés sont nombreux. Nous devrions pouvoir réussir, mais nous avons besoin de créer l’écosystème et la chaîne de valeur propice pour faire sortir cette technologie rapidement des laboratoires », sourit Frédéric Sauvage, qui estime que la mise sur le marché pourrait intervenir avant 2030. 

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Amiens et le CNRS, des choix naturels

Après un passage aux États-Unis à l’Université de Northwestern puis à l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) sous la direction du Prof. Michael Graetzel, Frédéric Sauvage a intégré le CNRS et en particulier le LRCS, installé au Hub de l’Énergie à Amiens, en 2010. « Le choix du LRCS s’est imposé naturellement parce que je suis d’origine picarde, qu’Amiens est moteur sur le sujet de l’énergie et reconnu comme tel en France mais aussi à l’international », explique celui qui évoque également le soutien des Hauts-de-France à la recherche. Autre point déterminant, les conditions de travail offertes aux chercheurs par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). « Le CNRS permet une réelle flexibilité dans la recherche et offre le temps de développer des concepts, c’est un véritable luxe », ajoute-t-il.

Le LRCS est hébergé au sein du Hub de l’énergie dans le quartier Saint-Leu. (c)Aletheia press/ DLP

"Transition", lauréat du prix rev3

En janvier dernier, le projet "Transition" recevait le prix rev3 de la Résilience énergétique, initié par la Région Hauts-de-France. Le projet, porté par Frédéric Sauvage, est par ailleurs l’un des lauréats de l’Appel à manifestation d’intérêt (AMI) lancé par la SATT Nord, le Réseau SATT et l’Ademe. Ce dernier visait à « détecter des solutions technologiques issues de la recherche publique, capables de contribuer à la résilience énergétique avant 2030 en en prenant en compte les enjeux technologiques et humains ». Une « reconnaissance du travail effectué » pour Frédéric Sauvage qui souligne également le « formidable vecteur de communication » qu’incarne cette récompense qui permet de faire connaître la technologie bien au-delà des cercles scientifiques.