Le procès "Email Diamant", sur le réseau de blanchiment du "Petit Bar", s'ouvre sans Jacques Santoni

Investissements immobiliers à Courchevel (Savoie), achats de montres de luxe, comptes offshores dans des paradis fiscaux: le procès du réseau de blanchiment de la bande criminelle corse du "Petit Bar" a débuté lundi à Marseille, mais...

Des dossiers en relation avec la bande criminelle corse du "Petit Bar", le 19 février 2014 au tribunal de Marseille © BERTRAND LANGLOIS
Des dossiers en relation avec la bande criminelle corse du "Petit Bar", le 19 février 2014 au tribunal de Marseille © BERTRAND LANGLOIS

Investissements immobiliers à Courchevel (Savoie), achats de montres de luxe, comptes offshores dans des paradis fiscaux: le procès du réseau de blanchiment de la bande criminelle corse du "Petit Bar" a débuté lundi à Marseille, mais sans le chef présumé du clan, Jacques Santoni.

Connu pour trafic de drogue, extorsions et assassinats, le gang du"Petit Bar", nom d'un ancien bistrot d'Ajaccio où se réunissait ses membres, est accusé d'avoir lavé des dizaines de millions d'euros d'argent sale via Hong Kong, Singapour, le Luxembourg ou la Suisse. D'où le surnom d'"Email Diamant" donné à ce dossier par les enquêteurs, pour le pouvoir blanchisseur de ce dentifrice.

Au total, 24 personnes vont être jugées jusqu'au 16 mai par le tribunal correctionnel de Marseille, pour "blanchiment aggravé en bande organisée" pour certains, fraude fiscale pour d'autres, ou enfin "participation à une association de malfaiteurs".

Mais ce dossier tentaculaire s'est ouvert sans le principal prévenu, Jacques Santoni, alias "Tahiti", le chef présumé de la bande, tétraplégique depuis un accident de moto en 2003 et représenté par son avocate lundi matin. 

Selon l'ordonnance de renvoi devant le tribunal, longue de 934 pages, c'est lui qui aurait dirigé l'"organisation structurée et hiérarchisée" mise en place entre janvier 2018 et janvier 2021 en Corse-du-Sud, en Ile-de-France "et par lien d'indivisibilité à Hong Kong, Singapour, en Suisse et au Luxembourg".

Mettant en avant une douleur récurrente à une épaule pour son client, hospitalisé dimanche à Paris, l'avocate de M. Santoni, Me Pauline Baudu-Armand, a demandé au tribunal lundi la disjonction de son cas et son renvoi. 

Une demande immédiatement relayée par les avocats de ses deux bras droits, Pascal Porri, alias "l'ampoule", le seul des 24 prévenus à comparaître détenu, et André Bacchiolelli, dit "tête tordue". Pour eux, il serait impossible d'étudier leurs cas en l'absence de l'"acteur principal" de ce dossier.

Une quatrième demande de disjonction a été faite au nom de Jacques Pastini, membre du second cercle du "Petit Bar", en raison d'une rééducation qui lui interdirait une position assise de longue durée.

Système clanique

Jointes au fond par le tribunal, ces quatre requêtes ont été dénoncées par le parquet, pour qui la défense cherche à "obtenir le morcellement du dossier, pour le juger par petits bouts". "Dès qu'il y a une échéance judiciaire, il y a une échéance médicale", pour M. Santoni, a déploré la procureure Isabelle Candau, alors que tous les mercredis de ce procès ont précisément été neutralisés pour ces nécessités médicales.

Au delà des quatre en fuite, dont Mickaël Ettori, membre du cercle rapproché de Jacques Santoni, seuls 13 des 20 autres prévenus étaient présents lundi au premier jour de ce procès. 

Parmi eux, Sonia Susini-Santoni, présentée comme la "pierre angulaire du système clanique dirigé par son époux" Jacques Santoni, et son frère Jean-Laurent Susini. Ils sont notamment soupçonnés d'avoir aidé le chef du "Petit Bar" à blanchir deux millions d'euros grâce à un véritable gain de quatre millions d'euros au loto.

D'autres femmes seront jugées, dont Saveria Lucchini, la compagne de Michael Ettori, représentée par son avocat, et Valérie Mouren, celle de Pascal Porri, bien présente sur le banc des prévenus.

Mais "ce système mafieux" n'aurait pu "exister et prospérer sans l'intervention d'individus du monde économique", qui ont "accepté de mettre à disposition leurs surface financière et réseaux", selon les juges d'instruction.

Parmi eux, Jean-Pierre Valentini, qui a bâti sa fortune dans le négoce du pétrole et de produits miniers, ou encore Antony Perrino, poids lourd de l'immobilier en Corse et "ami d'enfance" de plusieurs membres du Petit Bar, étaient bien présents lundi à Marseille.

Si la plupart des prévenus présents ont à nouveau contesté avoir quoi que ce soit à voir avec ce dossier, ces deux hommes ont concédé de menues interventions.

"J'ai payé des fausses factures", a ainsi reconnu M. Valentini, qui nie cependant encore avoir su que ces opérations bancaires avec des sociétés chinoises pouvaient se solder par des retours de cash pour le "Petit Bar".

Perçu par les juges comme "le cheval de Troie" du Petit Bar "dans le monde des sociétés commerciales et de l'économie réelle", Antony Perrino, ex-actionnaire du journal Corse-Matin (NDLR: groupe La Provence), a reconnu son intervention dans une opération de décaissement, tout en contestant tout blanchiment au profit du clan.

Les débats reprendront mardi par l'examen de personnalité des 24 prévenus.

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