Le procès de l'attentat au marché de Noël de Strasbourg en 2018 s'est ouvert
Cinq personnes avaient été tuées froidement, en dix minutes à peine, en plein marché de Noël. Le procès de l'attentat de Strasbourg en décembre 2018, s'est ouvert jeudi à Paris, en l'absence de l'assaillant, un...
Cinq personnes avaient été tuées froidement, en dix minutes à peine, en plein marché de Noël. Le procès de l'attentat de Strasbourg en décembre 2018, s'est ouvert jeudi à Paris, en l'absence de l'assaillant, un homme radicalisé abattu après 48 heures de traque.
Dans cette affaire, quatre hommes, soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la fourniture d'armes à l'auteur des coups de feu, vont être jugés pendant cinq semaines devant la cour d'assises spéciale, composée uniquement de magistrats.
Un seul d'entre eux, Audrey Mondjehi, est toujours en détention provisoire. Les autres comparaissent libres.
Un cinquième suspect âgé de 84 ans, qui avait également été renvoyé en procès par les juges d'instruction, devrait être jugé seul ultérieurement et sur une plus courte période, en raison de son état de santé incompatible avec la durée de ce procès.
La première journée a été essentiellement consacrée au recensement des personnes souhaitant se constituer partie civile, qui se comptent par dizaines, et à la présentation générale de ce dossier.
Le soir du 11 décembre 2018, Chérif Chekatt, un homme de 29 ans, avait surgi en plein coeur du traditionnel marché de Noël de Strasbourg et ouvert le feu sur des passants en criant "Allah Akbar".
En dix minutes, il avait tué cinq personnes et blessé 11 autres. Il avait ensuite pris la fuite à bord d'un taxi.
Le chauffeur du véhicule, Mostafa Salhane, était parvenu à convaincre l'assaillant, blessé, de s'arrêter pour le soigner et avait profité d'un moment d'inattention de ce dernier pour reprendre le volant et partir en trombe vers le commissariat.
Traque
Il avait ainsi permis aux enquêteurs d'identifier le meurtrier, un multirécidiviste de 29 ans, condamné 20 fois en France pour des faits de droit commun et fiché S pour radicalisation islamiste.
Traqué pendant deux jours, Chérif Chekatt avait été repéré dans le quartier du Neudorf et tué dans un échange de tirs avec des policiers.
Le lendemain, l'attentat avait été revendiqué par le groupe Etat islamique, un acte toutefois jugé opportuniste par les enquêteurs. Une vidéo d'allégeance à l'EI avait néanmoins été retrouvée sur une clé USB au domicile de l'assaillant.
Cinq hommes ont par la suite été mis en examen dans ce dossier pour avoir fourni à Chérif Chekatt des armes.
Finalement, les juges d'instruction n'ont retenu la qualification terroriste que pour Audrey Mondjehi, un ancien codétenu de Chérif Chekatt.
Cet accusé de 42 ans est jugé pour complicité d'assassinats et de tentatives d'assassinat, notamment sur personnes dépositaires de l'autorité publique, le tout en relation avec une entreprise terroriste, ainsi que pour association de malfaiteurs terroriste. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
Selon l'ordonnance des magistrats, dont a eu connaissance l'AFP, il a joué "un rôle indispensable dans la fourniture d'une arme" à l'assaillant en le mettant en contact avec des personnes qui lui ont vendu des armes, alors qu'il "ne pouvait ignorer, voire qu'il partageait, tout ou partie des convictions radicales de Chérif Chekatt".
Agés de 34, 37 et 39 ans, les trois autres accusés, soupçonnés d'avoir participé d'une manière ou d'une autre à la fourniture d'armes, devront pour leur part répondre d'association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un ou plusieurs crimes. Ils encourent 10 ans d'emprisonnement.
Aucun élément n'a permis d'établir qu'ils avaient eu connaissance du projet terroriste du tueur, ont estimé les juges antiterroristes.
Moment clé
Invités à s'exprimer à la barre pour des propos liminaires en fin de journée, les quatre accusés ont assuré ne pas avoir imaginé ce qui allait se dérouler.
"Jamais j'aurais su que cette arme aurait pu servir à un attentat", a déclaré Audrey Mondjehi depuis le box des accusés, soulignant qu'il s'était rendu lui-même "aux forces de police".
"Je savais pas ce qui allait se passer", a dit pour sa part Frédéric B., tandis que Christian H. a insisté sur le fait qu'il n'avait "rien à voir avec cette idéologie-là, cette chose-là terroriste".
Les parties civiles voient dans ce procès une étape cruciale dans leur parcours de reconstruction.
"C'est un moment clé, c'est un moment où il y aura un avant et un après", a déclaré à la presse Me Arnaud Friederich, avocat de 15 parties civiles. "Ça fait cinq ans qu'ils attendent de partager ce moment, d'être entendus et d'avoir des explications sur l'horreur qu'ils ont vécue".
Plusieurs avocats ont réclamé la mise en place d'une "web-radio" pour permettre aux parties civiles dans l'incapacité de se déplacer à Paris de suivre le procès, comme cela avait été le cas lors du procès de l'attentat de Nice. La cour pourrait rendre sa décision lundi.
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