Le port du Havre veut créer un appel d'air vers le fluvial

Le 17 mars avait lieu la pose de la première pierre du nouvel aménagement du port du Havre : une chatière qui permettra aux barges fluviales d'accéder aux terminaux maritimes.

La nouvelle digue devrait être opérationnelle au 1er semestre 2027 et permettra aux barges fluviales d'accéder aux terminaux maritimes sans passer par la mer. (© Aletheia Press / B.Delabre)
La nouvelle digue devrait être opérationnelle au 1er semestre 2027 et permettra aux barges fluviales d'accéder aux terminaux maritimes sans passer par la mer. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Augmenter "instantanément" de 50 % le volume de conteneurs empruntant la voie fluviale au Havre. Voilà l'objectif ambitieux que se fixe Haropa en entamant la dernière phase du projet Port 2000 : l'ouverture d'une chatière amenant un accès fluvial aux terminaux portuaires et dont la première pierre a été posée le 17 mars. Ce projet est "cité dès 1997, lors de la déclaration d'utilité publique du Grand port maritime" a rappelé Hervé Morin, président de la Région Normandie, principal financeur de l'aménagement.

"Le fameux chaînon manquant dans le grand projet fluvial initié avec Port 2000", insiste Jean-Benoît Albertini, préfet de Région. 1 800 mètres de digue vont ainsi être bâtis, "modifiant une fois encore la géographie du Havre" relève Édouard Philippe, maire de la ville. Il aura donc fallu 30 ans pour voir aboutir ce projet. Et il a, depuis, pris une nouvelle dimension stratégique, avec l'objectif de décarbonation du transport de marchandises. Le transport fluvial est, en effet, jugé quatre fois plus efficace et cinq fois moins émetteur de carbone que le transport routier.

Décarboner, mais surtout augmenter le trafic

De g. à dr. : Daniel Havis, Hervé Morin, Edouard Philippe, Benoît Rochet, Jean-Baptiste Gastine, Hubert Dejean de la Batie lors de la pose de la première pierre de cet aménagement attendu de longue date. (© Aletheia Press / B.Delabre)

Mais outre le report modal, cet aménagement doit aussi augmenter le trafic global sur le port du Havre. Edouard Philippe envisage même atteindre 10 millions de conteneurs par an, quand le trafic actuel avoisine les 3 millions de boîtes. "Cette chatière va permettre d'aligner Le Havre sur les plus hauts standards européens", martèle Benoît Rochet, le tout nouveau président du directoire de Haropa Port. Et, ajoute Daniel Havis, président du Conseil de surveillance, cette "clé de la mise en place d'un corridor vert va permettre de développer une économie décarbonée tout le long de l'axe Seine."

De quoi aussi anticiper l'ouverture du canal Seine Nord Europe, qui lui reliera la région parisienne aux grands ports du nord, parmi les principaux concurrents du port du Havre. Une opportunité plus qu'une menace selon les opérateurs havrais qui, globalement, se félicitent de voir le réseau fluvial renforcé. "Les gens vont sur la route par défaut", assure ainsi David El Bez, directeur Terminal Investments chez TIL, la filiale de MSC qui exploite 16 portiques sur le terminal de Port 2000. "Mais la massification du transport passe par le fluvial. Et cette chatière va créer un important appel d'air vers le fluvial. C'est un élément que nous avons planifié dans notre projet (900 M€ d'investissement au Havre, ndlr)."

197 millions d'euros engagés

Budgétisé 120 millions d'euros avant le Covid, le projet pèse désormais 197 millions. La faute à l'inflation, mais aussi à quelques recours administratifs, notamment. Au point que le tour de table n'est pas tout à fait bouclé, comme l'a admis Hervé Morin. Haropa Port finance un tiers de l'enveloppe sur ses fonds propres (82,45 millions). Et les pouvoirs publics prennent largement leur part : 86,1 millions pour la Région, 3,6 millions pour l'État et 10 millions d'euros pour l'Europe (qui avait initialement bloqué une enveloppe de 25 millions, remise en cause par les retards du projet). Les fonds restants devraient être levés dans les prochaines semaines.

Les travaux, eux, débutent. Ils commencent par la dépollution pyrotechnique du site. 7000 cibles dont une centaine de munitions sont envisagées par Terelian le groupement mandataire du marché de travaux. Une fois acquis ce prérequis estimé à six mois, les travaux en "dur" devraient débuter pour une mise en service prévue au 1er semestre 2027. La construction de la digue sera accompagnée de mesures environnementales, notifiées par arrêté préfectoral en juin 2023. Elles comprennent la création d'une zone humide de plus de 10 hectares et l'effacement de digues de calibrage obsolètes qui perturbent le fonctionnement hydromorphologique de l'estuaire.

Pour Aletheia Press, Benoit Delabre