Environnement

Le pôle expérimental de l’Institut technique de la betterave de Laon cherche des alternatives aux néonicotinoïdes

Depuis deux ans, le pôle expérimental de l’Aisne, unique en France, multiplie les essais sous serre pour trouver de nouveaux moyens de lutte contre les pucerons verts, responsables de la jaunisse de la betterave.

Ghislain Malatesta, le directeur du pôle expérimental, explique le fonctionnement des plantes compagnes pour lutter contre les pucerons. ©Aletheia Press/ E.Castel
Ghislain Malatesta, le directeur du pôle expérimental, explique le fonctionnement des plantes compagnes pour lutter contre les pucerons. ©Aletheia Press/ E.Castel

D’ici quelques jours, les agriculteurs vont semer les graines de betteraves dans les champs. Ces semis ne seront cette fois pas enrobés de néonicotinoïdes. Ces insecticides permettent de protéger la plante des pucerons verts, responsables de la jaunisse de la betterave. Mais, surnommés "tueurs d’abeilles", ils ont été interdits d'emploi en 2018 par l’Union européenne, laissant les producteurs sans vraies solutions. Au point que les surfaces emblavées se sont effondrées, mettant aussi en danger la filière sucrière. Dernière victime en date le groupe Tereos qui a annoncé l’arrêt de la production sucrière sur son site d’Escaudœuvres, dans le Nord.

Il y a donc urgence à trouver des alternatives, et c’est ce sur quoi travaille le pôle expérimental de l’Institut technique de la betterave (ITB), à Laon. Un pôle unique en France, qui se trouve naturellement dans l’Aisne, premier département français producteur de betteraves, avec 70 000 hectares par an.

Des milliers de pucerons verts en élevage

Dans une serre de 230 m2, les chercheurs de l’ITB réalisent depuis deux ans, des essais différents. « Nous cultivons les betteraves sur des tablettes, explique Ghislain Malatesta, le directeur du pôle. L’avantage de la serre par rapport au plein champ, c’est que l’on peut faire plusieurs séries par an, entre cinq et six. »

Les betteraves poussent dans des caisses d’un mètre carré, entourées de cages insect proof, des grandes moustiquaires, qui empêchent les pucerons verts de s’échapper. Car ce sont eux qui apportent la maladie de la jaunisse à la betterave, et ils sont au centre des essais. Dans de grandes bulles, totalement hermétiques, des milliers de pucerons sont élevés pour ensuite être introduits dans les différents tests. « Nous mettons les pucerons sur les plants et nous essayons différents produits de biocontrôle, qui s’appuient sur des mécanismes naturels pour défendre les plantes », poursuit Ghislain Malatesta.

La serre de 230 m² permet de conduire entre cinq et six essais par an. ©Aletheia Press/ E.Castel

L’intérêt des plantes compagnes

Autre essai : les plantes compagnes, par exemple l’avoine ou la féverole. « Elles ont un effet leurre, et perturbent les pucerons qui ne vont pas sur les betteraves », précise l’agronome. Jusqu’au stade "4 feuilles" des betteraves, cette technique fonctionne très bien, en revanche, quand la betterave grandit, elle n'est plus efficace. Il faut donc ajouter du produit aphicide pour tuer les pucerons. « Nous remarquons également que ces plantes compagnes peuvent ralentir la croissance de la betterave, c’est toute la difficulté que l’on a pour trouver le bon moment pour détruire les plantes compagnes, pour qu’il y ait le moins d’impact possible sur les rendements. » D’autres tests sont réalisés avec de la chaux ou des huiles essentielles dont l’odeur pourraient repousser les pucerons...

Pour l'instant, donc la solution miracle n'a pas été trouvée pour remplacer les néonicotinoïdes. Mais un ensemble de techniques pourrait y parvenir. Il faudra encore deux ou trois ans pour qu’elles soient utilisées dans les champs, selon Ghislain Malatesta, car il faut encore que leur efficacité soit démontrée dans des tests grandeur nature.

Une dérogation annulée

Malgré l'interdiction européenne des néonicotinoïdes, les agriculteurs français ont pu les utiliser encore après 2018. En effet, en 2021, la France a autorisé une dérogation et ce, après une année 2020 catastrophique où la jaunisse a ravagé les cultures entrainant une baisse moyenne de rendements de 30%. Mais en début d’année, l’Hexagone a été contraint par la cour européenne de justice d’interdire définitivement ces néonicotinoïdes. L'urgence à trouver des alternatives n'en est que plus grande.