Le pittoresque marché flottant de Curaçao renaît avec la réouverture des frontières avec le Venezuela

Pendant quatre générations, les Cordero ont rejoint depuis le Venezuela l'île voisine de Curaçao pour vendre des fruits et légumes sur le pittoresque marché flottant de Willemstad. Après la fermeture des frontières qui a mis fin à la tradition...

Vue aérienne du marché flottant et des bâtiments coloniaux de la vieille ville de Willemstad, capitale de l'île de Curaçao, dans les Caraïbes néerlandaises, le 14 mars 2024 © Federico PARRA
Vue aérienne du marché flottant et des bâtiments coloniaux de la vieille ville de Willemstad, capitale de l'île de Curaçao, dans les Caraïbes néerlandaises, le 14 mars 2024 © Federico PARRA

Pendant quatre générations, les Cordero ont rejoint depuis le Venezuela l'île voisine de Curaçao pour vendre des fruits et légumes sur le pittoresque marché flottant de Willemstad. Après la fermeture des frontières qui a mis fin à la tradition, le marché renaît lentement et leur espoir avec.

Dans un contexte de grave crise sociale et politique et de tensions dues à la non-reconnaissance par une partie de la communauté internationale de la réélection du président vénézuélien Nicolas Maduro, le pays avait fermé en 2019 sa frontière avec Curaçao.

La crise diplomatique avait signifié la fermeture soudaine du pittoresque et coloré marché de l'île caribéenne appartenant aux Pays-Bas, mais autonome. 

Les autorités des deux pays sont parvenues en avril 2023 à un accord pour la réouverture progressive des frontières. Depuis, l'emblématique marché de la capitale de l'île renaît.

"Nous avons ce qu'il y a de mieux" sur ce marché, dit un vendeur à une femme qui s'enquiert du prix des avocats, non loin d'un couple de touristes.

Le marché a été lancé en 1918 au moment de l'ouverture d'une raffinerie de pétrole à l'origine d'un certain développement économique. Depuis toujours, ses stands sont tenus par des Vénézuéliens qui restent à Willemstad deux mois environ avant de rentrer chez eux. D'autres partent alors les remplacer. 

Très dur

"Ca a été très dur", assure René Cordero, 32 ans, évoquant la fermeture de ce marché dit flottant car même s'il est sur la terre ferme, les marchandises arrivent sur des petits bateaux amarrés à côté de chaque stand. 

René Cordero et son père Ramon ont tenté de rejoindre les Etats-Unis à la recherche de meilleures conditions de vie. Après avoir traversé sept pays, il sont cependant revenus au Venezuela en raison de la politique d'immigration plus stricte du président Joe Biden. Leur retour a coïncidé avec la réouverture des frontières.

L'économie vénézuélienne s'est effondrée en dix ans, contraignant plus de sept millions de vénézuéliens à l'exil.

"La réouverture (des frontières) a été une très bonne nouvelle pour tous, Vénézuéliens et Curaciens, car elle crée des sources de revenus pour tout le monde", assure René Cordero, dont le père, le grand-père et même l'arrière-grand-père ont travaillé sur le marché. 

Entre 2010 et 2019, le Venezuela et les trois îles de l'archipel limitrophe composé des îles de Curaçao, Aruba et Bonaire, ont connu un chiffre d'affaires commercial moyen compris entre 200 et 300 millions de dollars par an.

Symbole de la fratérnité

"Les bateaux de croisière passent à proximité, ce qui nous aide beaucoup", souligne René Cordero. Curaçao a accueilli en 2023 plus de 500.000 touristes, selon l'office de tourisme de l'île aux eaux turquoises de 150.000 habitants. 

Le soleil n'est pas encore levé que Ramon Cordero installe son étal. "J'ai fait mon premier voyage à 16 ans avec mon père", se souvient-il.

Le bateau de la famille, le Francisca I, est amarré juste derrière. Il leur permet de rejoindre l'île en huit heures depuis La Vela de Coro, dans l'État de Falcon, dans le nord du Venezuela. 

"Ici, les prix sont un peu plus intéressants qu'au supermarché et tout est frais", se réjouit Carlos Veris, un habitant de Curaçao qui fait son marché en compagnie de sa femme.

Le marché n'a cependant pas retrouvé son activité d'avant la fermeture des frontières. Sur la trentaine de petits bateaux vénézuéliens qui approvisionnait par la mer le marché, il n'en reste plus que six. 

Une plaque offerte en 2007 par la raffinerie de pétrole de Willemstad célèbre toutefois dans une rue proche la tradition de ce lieu insolite : "Ce marché flottant est depuis près d'un siècle un symbole de la fraternité de deux peuples voisins et frères".

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