Le Pen fait le pari d'installer l'idée d'un "ticket" avec Bardella pour 2027

Elle à l'Elysée, lui à Matignon, pour un duo "complémentaire": en laissant entendre que Jordan Bardella deviendrait son Premier ministre en cas de succès présidentiel en 2027, Marine Le Pen légitime autant sa future candidature...

Marine Le Pen et Jordan Bardella lors des Rassemblement Rencontre nationale d'été aux Arènes de Beaucaire le Gard, le 16 septembre 2023 © Pascal GUYOT
Marine Le Pen et Jordan Bardella lors des Rassemblement Rencontre nationale d'été aux Arènes de Beaucaire le Gard, le 16 septembre 2023 © Pascal GUYOT

Elle à l'Elysée, lui à Matignon, pour un duo "complémentaire": en laissant entendre que Jordan Bardella deviendrait son Premier ministre en cas de succès présidentiel en 2027, Marine Le Pen légitime autant sa future candidature qu'elle annihile quelque velléité de son poulain.

Certes, rien n'est officiel. Mais en affirmant que "oui, Jordan Bardella fera un très bon Premier ministre" devant les caméras de France 5, la triple candidate malheureuse à la présidentielle a fait un pas de plus, ce week-end, vers l'adoubement de celui qui lui a succédé à la tête du Rassemblement national l'année dernière.

Car, a-t-elle pris le soin de souligner lundi soir au 20H de TF1, elle est "la candidate naturelle de (son) camp", à la future élection suprême.

"C'est peut-être un effet d'annonce pour essayer de consolider la normalisation, la respectabilité et la légitimité de sa candidature: le message, c'est qu'on a une équipe prête au combat", décrypte l'historien et politologue Jean Garrigues.

Or, Marine Le Pen a longtemps considéré que c'était ce manque de troupes identifiées par l'opinion qui lui avait porté préjudice dans ses aventures élyséennes, l'élection en 2022 de 88 députés devant y remédier.

Si le but n'a pas été pleinement atteint avec ces parlementaires, dont l'immense majorité peine toujours à attirer la lumière, le sacre de Jordan Bardella, propulsé dès 2019 tête de liste aux Européennes - il n'avait que 23 ans - puis encouragé à prendre la tête du parti en 2022, est considéré comme un succès.

Nommer, ou presque, Jordan Bardella à Matignon "est peut-être aussi une manière d'évacuer sa candidature à la présidentielle en le cantonnant +officiellement+ à un rôle de Premier ministre", note Jean Garrigues.

Celui qui doit à nouveau conduire la liste RN aux prochaines Européennes jouit en effet d'une popularité crescendo au sein du parti à la flamme. De quoi se donner des idées? "Jordan a moins d'expérience que Marine Le Pen, il n'en a pas l'épaisseur. Il sera très jeune en 2027", faisait valoir il y a encore quelques semaines un ponte du RN pour mieux écarter toute hypothèse de candidature à la prochaine présidentielle.

Au risque que l'argument se retourne: M. Bardella, encore présenté par ses amis politiques il y a six mois comme "au début de sa carrière", "se construisant une expérience jour après jour", "sympa mais qui n'a pas encore créé le lien avec les Français", pourrait-il avoir les épaules pour diriger le gouvernement?

"Il reste quatre ans...", tente de relativiser un cacique RN.

Dauphins qui s'échouent

Lever le mystère sur l'identité de son futur Premier ministre procède en outre d'une innovation, jamais véritablement usitée sous la Ve République.

"On ne le fait pas, parce que jusqu'au dernier moment, il peut y avoir des paramètres politiques ou des affaires qui éclatent et qui pourraient mettre en péril cette candidature", rappelle M. Garrigues.

Marine Le Pen prend-elle un véritable risque pour autant? Une victoire présidentielle suppose un élargissement de sa base, s'est convaincue la finaliste malheureuse de 2022 (41,45% au deuxième tour). Or, "Jordan Bardella n'est pas sa copie conforme et fait partie des quatre responsables politiques auxquels les Français accordent le plus leur confiance", met en avant Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d'Harris Interactive.

Mieux: celui qui contrebalance l'image d'héritière de Marine Le Pen - élevée dans un manoir de l'ouest parisien - par le récit d'une enfance vécue en Seine-Saint-Denis, permet d'"encore mieux se positionner qu'elle au sein de la jeunesse", constate le sondeur.

Il marque au passage une rupture dans l'histoire de l'ex-Front national, où "le sort des dauphins" fut longtemps "de s'échouer", selon le mot de Jean-Marie Le Pen cruellement éprouvé par Bruno Mégret, Carl Lang ou Bruno Gollnisch, avant Florian Philippot ou Marion Maréchal.  

La préemption du poste de Premier ministre pose tout de même le risque "de se couper potentiellement d'alliances ou de ralliements à l'issue du premier tour de la présidentielle", observe M. Lévy. Un proche de Mme Le Pen tempère: "Elle n'est liée par rien."

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