Le Nord-Pas-de-Calais, bientôt la première région de méthanisation d'Europe ?
Faire en sorte que la totalité des besoins énergétiques soit couverte par les énergies renouvelables. Et donc diviser les émissions de CO2 par quatre et passer à l’ère post-carbone. C’est un des objectifs de la troisième révolution industrielle pour faire du biométhane l’avenir de la région.
Avec la première unité d’injection de biométhane lancée en 2011 à Sequedin, le Nord-Pas-de-Calais a été pionnier dans le domaine. Depuis, le CVO (Centre de valorisation organique) de LMCU a permis d’alimenter les bus de la Métropole en biométhane et d’économiser du gaz naturel fossile. Philippe Vasseur, président de la CCI de région Nord de France, veut passer à la vitesse supérieure : «Nous sommes engagés dans un mouvement de modernité et nous lançons un grand projet : engager la région dans une course pour occuper la première place en France et en Europe dans la méthanisation.» Les conséquences seraient colossales : disposer d’énergie renouvelable en continu (à la différence des éoliennes productrices d’électricité mais pas forcément quand il y a un besoin de consommation), valoriser les matières premières – qu’elles soient issues de l’agriculture ou de l’industrie –, et répondre à la demande énergétique d’une région très dense, que ce soit en population ou en industries. «Il y a ici l’opportunité de créer une filière complète. Il faut faire en sorte que les outils de production soient fabriqués par nos industries», poursuit le président. En février 2015, un programme similaire à Eolissima1 sera lancé en partenariat avec Pôle énergie 2020, dans un but précis : structurer la filière régionale de la méthanisation. Actuellement, trois à quatre installations par an sont accompagnées par l’ADEME Nord-Pas-de-Calais. C’est bien mais pas suffisant ! «Nous pourrions quadrupler ces installations ! 40 projets sont dans les tuyaux. Le Nord-Pas-de-Calais représente 10% des projets français, ce qui nous place en tête de classement ! Dans un scénario que nous avons établi, les énergies renouvelables représenteraient 50% du mix énergétique français d’ici 2050. Le coût des énergies et des matières premières augmente de 3% par an. Il faut donc trouver une alternative. 80 à 85% du biogaz proviendront des déchets agricoles», détaille Hervé Pignon, directeur régional de l’ADEME. Il resterait 1,5 milliard d’euros à dépenser sur les 2,5 attribués dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir… D’autant plus que cette filiale serait créatrice de milliers d’emplois en génie civil, dans les bureaux d’études ou en exploitation. «On parle de 800 000 à un million d’emplois en créations nettes, d’ici 2050 en France», poursuit-il.
Terre fertile. Quand on sait que la surface agricole représente 67% de la surface totale des deux départements, pas besoin de faire un schéma pour comprendre que l’agriculture jouera un rôle phare dans la méthanisation. Jean-Bernard Bayard, président de la chambre d’agriculture région Nord-Pas-de-Calais, a saisi ces enjeux : «Comment aller au-delà de nos friches industrielles et minières ? Il faut créer des projets de territoire, en lien avec les collectivités et les entreprises. C’est toute une filière à créer pour bâtir les schémas de demain.» Avec le CVO de Sequedin, trois sites, dont deux en construction, viennent renforcer la quantité de biométhane qui sera produite et injectée dans le réseau : le Pré du Loup énergie à Cucq, l’Unité tri valorisation matières et énergies – SYMEVAD à Hénin-Beaumont (les deux en construction) et Biogaz Pévèle à Wannehain d’ici la fin de l’année. La révolution est en marche !
- Ce programme de développement du marché de l’éolien a été lancé par la CCIR et ses partenaires. Il facilite l’accès aux marchés de l’éolien aux PME régionales.
La méthanisation en quelques mots
C’est une technologie basée sur la dégradation de la matière organique (déchets agricoles, industriels, ménagers), en conditions contrôlées et en l’absence d’oxygène. Cette dégradation aboutit, entre autres, à la production de biogaz, composé à 70% de méthane et à 30% de CO2. Cette énergie renouvelable peut être utilisée sous différentes formes : combustion pour la production d’électricité et de chaleur, injection dans le réseau de gaz naturel, production de bio GNV (gaz naturel véhicules). En Nord-Pas-de-Calais, on compte 27 installations : 6 agricoles, 12 industriels et 9 de collectivités. D’ici à 2015, la région produira et injectera 7 500 000 m3, soit l’équivalent du chauffage, de l’eau chaude et de cuisson de près de 7 000 logements basse consommation.