«Le nombre d'emplois liés à l'industrie hôtelière est énorme»
Lors du premier confinement, de nombreux acteurs du secteur hôtelier ont souffert. L'UMIH veut alerter sur les risques qui pèsent sur le secteur.
La Gazette : 2020 n’est décidément pas une année facile pour le secteur de l’hôtellerie-restauration. Savez-vous combien d’établissements sont concernés par une éventuelle fermeture ?
Pierre Nouchi : Nous ne pouvons pas donner de chiffres aujourd’hui, mais le nombre d’emplois que cela concerne est énorme (en 2017, la CCI régionale comptait 61 854 emplois dans le secteur, ndlr). De plus, nous avons une utilité sociale. Nous employons des gens que l’on forme et qui sortent de milieux compliqués. Ce sont des emplois de proximité, non délocalisables. Nous pourrions perdre entre 30 et 40% de corps de métier. Et puis, bien sûr, il y a les hôtels, les bars et les restaurants, mais il y a aussi les traiteurs, qui sont très mal en point par rapport à l’annulation de nombreux événements, sans oublier les boîtes de nuit, qui doivent oublier leur chiffre d’affaires cette année. Toutes vont disparaître si les choses continuent ainsi. Sans compter nos fournisseurs de boissons, de légumes, de vins… Il y a tout un écosystème autour de nous.
Les mois de mars à mai ont été difficiles. Est-ce que la saison estivale, sans compenser cette perte, a au moins été meilleure que d’autres années ?
Après la première vague, nous avons eu la chance d’avoir une période estivale quand même bonne, avec de bons chiffres, en bord de mer comme à l’intérieur des terres. Tous les acteurs ont bien fonctionné, avec notamment les offices de tourisme. Nous avons pu faire entrer un peu de trésorerie, même si la période n’a pas été de tout repos, entre les Anglais qui sont rentrés chez eux du jour au lendemain mi-août et les Belges qui ont bloqué les frontières. L’arrière-saison est plus compliquée. Le couvre-feu à 21h a été le premier couperet pour les bars. Les boîtes de nuit n’ont jamais rouvert. Et avec ces fermetures, les maisons d’hôtes, qui sont notamment réservées par certains fêtards, ont souffert. Tout cela est très compliqué à gérer au niveau du mental des professionnels.
Comment vivez-vous ce reconfinement ? Comme une trahison vis-à-vis des acteurs qui ont respecté toutes les normes sanitaires ?
Il y a eu cette période où on a respecté tous les protocoles. Les bars, hôtels et restaurants ont opéré des investissements et des aménagements. Obligatoirement, vous perdez du chiffre d’affaires : vous servez moins de tables, les chambres sont réaménagées… Bien sûr qu’on enlève le masque lorsqu’on mange, mais il n’y a pas de problèmes quand les choses sont bien aménagées. Nous aurions préféré stigmatiser les gens qui ont fait n’importe quoi plutôt que l’intégralité de la profession. Nous pensions qu’il y avait une écoute, mais pas du tout : nous négocions avec le gouvernement à Paris ; mais lorsque nous sortons de là, ils nous disent «vous fermez» ! Il y a une fronde avec les maires, heureusement qu’elle est là… Les arrêtés sont retoqués par les préfets, mais au moins il y a une action qui est menée.
Comment s’adapte-t-on à une telle situation ? Les aides proposées par le Gouvernement sont-elles suffisantes pour survivre ?
Il y a la vente à emporter, mais ce n’est pas ça qui va faire rentrer du chiffre d’affaires, c’est plus un complément qu’autre chose. Par ailleurs, nous essayons de nous organiser avec le secteur du bâtiment et les transporteurs routiers, qui ont besoin de loger leurs salariés, ainsi que de les nourrir. A côté de cela, on nous propose de négocier les loyers avec les propriétaires, mais nombre d’établissements qui louent le font à d’anciens hôteliers ou restaurateurs qui vivent de ces loyers, ce sont de petites retraites dans le secteur. Les aides qui peuvent être données sont des aides de survie. C’est une bouée. Même si le personnel est pris en charge par le chômage partiel ; il y a 2,5 jours de congés à la charge de l’employeur par mois. Cette charge est toujours donnée à l’entreprise et cela ne résout pas la question de la trésorerie. Et les indépendants ne touchent rien. Le patron n’est pas salarié. Nous voulons que les élus locaux réagissent. Nous contacterons les sénateurs, les députés… Nous allons engager un lobbying de ce côté-là.