Ressources humaines

Le management en mal de managers

Une récente table ronde du Sénat consacrée à la mission sur «Les nouveaux modes de travail et de management» a mis en avant les enjeux en termes d'organisation de la vie de l'entreprise et du management. Avec le passage de 3 % à 30% des salariés travaillant depuis leur domicile, les chefs d'entreprise et les managers se voient investis de nouvelles missions, notamment en termes de santé et de sécurité au travail. Synthèse des échanges de la Délégation aux entreprises.

Avec le passage de 3 % à 30% des salariés travaillant depuis leur domicile, les chefs d'entreprise et les managers se voient investis de nouvelles missions.
Avec le passage de 3 % à 30% des salariés travaillant depuis leur domicile, les chefs d'entreprise et les managers se voient investis de nouvelles missions.

«Au sein des entreprises françaises, 62 % des non-managers ne désirent pas occuper ces fonctions», selon le baromètre Cegos, organisme de formation professionnelle, sur le management, indiqueMartin Richer, fondateur et dirigeant du cabinet de conseil Management & RSE. Il alerte sur le malaise grandissant de ces managers. En cause, le taylorisme et la hiérarchisation du management en France, leur pressurisation et leur trop grande charge de travail. «Le management doit cesser d'être perçu comme un agent emprisonnant les managers dans des tâches de contrôle et de reporting», poursuit-il. Fabien Gay (Seine-Saint-Denis, groupe communiste), un des rapporteurs de la mission sur les nouveaux modes de travail et de management, et leur impact sur la santé au travail,affluedans le même sens : «Des cadres m'indiquent qu'ils passent plus de temps à expliquer leur manière de travailler et à réaliser du reporting qu'à travailler ou encadrer leur équipe.» «Le management souffre à la fois d'une crise de légitimité et de désirabilité. Le chemin vers le management n'est plus désirable et désiré, voire repoussé», démontre Martin Richer. Paraphrasant la pensée de Warren Buffet :«Quand la marée se retire, nous distinguons les personnes nageant sans maillot» et «quand le télétravail se répand, alors nous observons les managers incapables d'apporter un leadership et un soutien professionnel à leurs collaborateurs», il invoque la mise sous tension de la profession avec la crise.

Dirigeants et DRH en première ligne pour refondre la fonction

Le dirigeant de Management & RSE propose de refonder le travail des managers en les formant et les faisant monter en compétences, en leur offrant une meilleure reconnaissance et en donnant plus de sens à leur travail. Et il soumet, en outre, la possibilité de créer une charte managériale sur les attendus de la fonction. Objectif : leur permettre de reprendre le rôle que le Conseil scientifique de la «Maison du management »lui a attribué, soit «l'art d'animer une équipe pour atteindre un objectif et faire progresser chacun.» Pour rendre ses lettres de noblesse à la fonction et que les managers puissent véritablement soutenir les projets de transformation des entreprises, il met également en avant le rôle prépondérant des RH. Idem du côté des dirigeants. Pour l’heure, selon une enquêteCegos, seuls 18 % des managers en France déclarent avoir suffisamment de visibilité sur la stratégie de l'entreprise et 15 % seulement se disent accompagnés par la direction des ressources humaines et leurs propres managers. «Si nous voulons que les transformations se déroulent correctement,sans créer d'externalités négatives - hausse du stress, cas de harcèlement, irritabilité, etc. -, cette chaîne doit être solidaire», affirme Martin Richer. Parmi les autres solutions avancées, il cite aussi la création d’espaces de dialogue, pour permettre aux salariés de s’exprimer sur leurs problématiques de travail.


Sortir du «fatras bureaucratique»

François Dupuy, sociologue et expert en résidence à l'École des hautes études commerciales du Nord (Edhec), se montre plus nuancé sur le rôle de l’encadrement de proximité qu’il qualifie d’«oubliés du management.»«Les managers de proximité ont dû etsu s'affranchir du«fatras bureaucratique» des entreprises,pour garantir la survie de l'activité et s'occuper de leurs collaborateurs les plus fragiles», note-t-il. Pour qu’ils puissent mener à bien leurs missions, les entreprises doivent faire face à plusieurs enjeux, et notamment leur autonomisation, en introduisant de la confiance dans le management et en remettant en cause l'utilité des fonctions support. Avec la crise, les managers de proximité ont d’ores et déjà pratiqué «la désobéissance organisationnelle», en faisant fi des processus et procédures émis par les fonctions support. «Par conséquent, nous assistons à une remise en cause de ces fonctions support, émettrices du fatras bureaucratique», a signalé le sociologue.

Charlotte de SAINTIGNON