Le maire Sobianine: un technocrate poutinien chargé de faire régner le calme à Moscou

Réélu sans surprise dimanche, le maire de Moscou Sergueï Sobianine est un fidèle du président Poutine avec une mission : dans la capitale, tout doit se dérouler sans accroc même en cas de crise, qu'il s'agisse de manifestations d'opposition, de la...

Le maire de Moscou Sergueï Sobianine, le 20 juin 2023 à Moscou © Mikhail METZEL
Le maire de Moscou Sergueï Sobianine, le 20 juin 2023 à Moscou © Mikhail METZEL

Réélu sans surprise dimanche, le maire de Moscou Sergueï Sobianine est un fidèle du président Poutine avec une mission : dans la capitale, tout doit se dérouler sans accroc même en cas de crise, qu'il s'agisse de manifestations d'opposition, de la pandémie de Covid-19 ou aujourd'hui du conflit en Ukraine.

Visage de pierre et cheveux blancs, cet homme réservé de 65 ans qui dirige la plus grande ville d'Europe depuis presque 13 ans, est un pur produit de l'élite technocratique poutinienne. 

Sa principale mission depuis 18 mois est de maintenir Moscou à flot et les Moscovites sereins en pleine tempête, malgré les sanctions qui affectent l'économie, la mobilisation militaire, la répression de l'opposition et les drones ukrainiens qui atteignent la capitale de plus en plus régulièrement.

Sa réélection dimanche était par avance acquise, aucun débat ni opposant pour lui faire face n'ayant été autorisé dans la mégalopole qui fut longtemps le plus grand réservoir de voix pour les détracteurs de Vladimir Poutine.

Lorsque le président russe a ordonné la mobilisation de centaines de milliers de Russes pour aller combattre en Ukraine, provoquant un exode vers l'étranger, c'est le maire de Moscou qui a rassuré les Moscovites, un mois plus tard, en leur annonçant que pour eux, c'était déjà fini.

C'est avec le même flegme qu'il minimise le danger des drones qui atteignent Moscou de plus en plus souvent, ne provoquant jusqu'ici que des dégâts mineurs. 

Il évite aussi soigneusement de s'exprimer sur l'offensive en Ukraine et ses conséquences, préférant parler en termes généraux, des efforts faits pour minimiser son impact sur la vie de ses administrés. 

"Malgré un grand nombre de difficultés, de problèmes et de crises que nous sommes en train de vivre dans le pays, nous gagnons, nous surmontons ces problèmes et nous devenons plus forts", a-t-il affirmé, lors d'un forum municipal en août. 

Pour la politologue Tatiana Stanovaïa, la capacité de M Sobianine à garder la main sur cette ville de 13 millions d'habitants, centre d'influence où sont concentrées les élites et les principales branches du pouvoir russe, revêt une importance cruciale pour Vladimir Poutine. 

"Pour garder le contrôle, il faut être très prudent avec les Moscovites. Mieux vaut ne pas les irriter", explique Mme Stanovaïa, interrogée par l'AFP.

Autonomie politique

Né dans un village de la région de Khanty-Manssiïsk, au fin fond de la Sibérie, M Sobianine a brièvement travaillé comme ingénieur dans une usine de l'Oural, avant d'entamer dans les années 1980 une carrière administrative. 

Avant d'être élu maire de Moscou en 2010, il a dirigé de 2001 à 2005 la région de Tioumen, en Sibérie, riche en pétrole, puis de 2005 à 2008 l'administration présidentielle de Vladimir Poutine.

A la différence de la plupart des membres de l'entourage du président russe, ex-agent du KGB, le maire de Moscou n'a lui pas de lien direct avec les puissants services spéciaux. 

"Il bénéficie d'une sérieuse autonomie politique", estime Mme Stanovaïa, avant d'ajouter qu'il ne manifeste aucune soif de pouvoir au-delà de ses fonctions actuelles, car "ceux qui travaillent avec Poutine ne peuvent pas avoir d'ambitions politiques".

En tant que maire, Sergueï Sobianine n'aborde pas les sujets politiques délicats. Il se positionne en gestionnaire efficace : fermeture de marchés criminalisés, grands projets d'infrastructures, développement des transports en communs, constructions de parcs et terrains de jeux... Ses apparitions publiques les plus fréquentes sont à l'occasion d'inaugurations de stations de métro ou de cliniques municipales.

Répression

Se posant en manager moderne, il a aussi lancé la numérisation de la ville, le réseau municipal de vélos et trottinettes électriques et organise la destruction d'immeubles soviétiques délabrés pour laisser place à des tours modernes. 

Pendant la pandémie de Covid-19, M Sobianine avait été le premier responsable russe à mettre en place le port du masque, les quarantaines et un confinement strict.

Mais l'image de modéré qu'il cultive a de réelles limites. En 2019, la police de la ville réprime sévèrement les manifestations d'opposition. Rebelote en 2022, lorsque des milliers de moscovites sont arrêtés pour avoir protesté contre l'assaut contre l'Ukraine.

Quatre adversaires avaient été autorisés à affronter M. Sobianine dans les urnes mais peu connus et qui ont à peine fait campagne. 

"Les élections municipales de 2023 sont organisées de telle façon que peu importe comment tu votes, tu votes pour Poutine", avait résumé sur les réseaux sociaux l'opposant, Alexeï Navalny, emprisonné depuis plus de deux ans.

Cela contraste fortement avec 2013, année où M. Navalny avait pu se présenter contre M. Sobianine.

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