Entretien avec Mathieu Tarnus, PDG fondateur du groupe Positive
Le groupe Positive (ex-Sarbacane) change de dimension
Avec un portefeuille de plus de 25 000 clients à travers l'Europe, le groupe Positive, fondé en 2001 à Hem, s'est fait un nom sur le marché du marketing digital. Entre sa dernière acquisition, la troisième en 3 ans et une levée de fonds de 110 M€, la firme nordiste prend son envol et ambitionne d'atteindre 100 M€ de chiffre d'affaires à horizon 2026.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais. L'année 2022 a été très mouvementée entre un changement de nom, une levée de fonds record et une
nouvelle acquisition (Marketing 1by1). Tout d'abord, pourquoi avoir
changé d'identité ?
Mathieu Tarnus. Nous existons depuis 21
ans mais nous sommes devenus un groupe que depuis quelques années. Notre stratégie consiste à grandir par build up
(croissance externe), garder nos marques sur leur cœur de
métier et les ancrer sur leur territoire. Sarbacane est
un des leaders de l'e-mail marketing en France, RapidMail,
un des leaders de l'e-mail marketing en Allemagne et Datananas,
est un des leaders de l'automatisation de la prospection commerciale.
Le changement d'identité avait pour but de laisser plus d'air à ces
marques avec une marque ombrelle qui soit neutre pour ne pas dire que
l'une des marques écrase les autres.
La levée de fonds à hauteur de 110 M€
a fait grand bruit dans le monde du digital. Quel est l'objectif de
ce tour de table ?
L'opération a été
conclue en septembre. Il ne s'agit pas d'une levée de fonds au sens
start-up, mais une levée de fonds de société établie, rentable et
qui a une stratégie de croissance externe. En général, quand on
est rentable et qu'on projette d'avoir des besoins en financement
pour croissance externe, on a pas besoin d'argent tout de suite
contrairement aux jeunes pousses qui brûlent du cash très vite.
Nous, on sait autofinancer nos projets internes par contre nous
souhaitons racheter des sociétés et ces rachats dans notre univers
sont très chers. On s'est entourés d'EMZ Partners, un grand fonds
gérant 3 milliards d'actifs qui a mis un très gros ticket dans
Sarbacane et qui croit en nous. Cette levée de fonds vient valider
notre ambition et la stratégie qu'on s'est fixé depuis 3 ans
L'objectif est de passer de 26 M€ de CA cette année à 100 M€ de
CA dans 4 ans.
Le groupe est-il en forte croissance ?
Nous réalisons 30% de
croissance en moyenne par an. En 2021, nous avons affiché une
croissance de 50% en rachetant RapidMail, ça nous a fait grandir
plus vite que les années précédentes. Chaque société est en
croissance donc l'effectif prend 10 à 15% par an. Nous sommes 170 à
l'échelle du groupe dont 100 collaborateurs chez Sarbacane. A
horizon 2026, si l'on arrive à nos ambitions, on devrait atteindre
plus de 500 collaborateurs. Aujourd'hui, j'ai plus la volonté de
construire un grand groupe que de revendre à un grand groupe.
Vous suivez une politique de croissance
externe, quelles ont été les acquisitions du groupe au cours des
dernières années ?
Nous avons fait
l'acquisition de Datananas en 2020, spécialisée en self automation,
qui vise à faciliter et automatiser la prospection commercial pour
les commerciaux. En 2021, nous avons racheté RapidMail en Allemagne
(85% du business en Allemagne, Autriche, Suisse). Récemment, nous
avons poursuivi nos acquisitions avec Marketing 1by1, une société
lilloise, ex-partenaire sur certains clients. Nous sommes très
complémentaires car ils sont spécialisés dans l'hébergement et la
structuration de data. Ils recensent toutes les sources de données
des entreprises, principalement des grands comptes du retail et du
e-commerce qui ont des sources de données très hétéroclytes. Et
nous, nous sommes là pour activer des campagnes de e-mailing.
Sarbacane est l'entité principale et
historique du groupe. Née en 2001, comment s'est-elle adaptée à
l'évolution du marketing digital ?
Sarbacane compte 25 000 clients en Europe dont 8 000 en France. Ils se répartissent ainsi : 50% en BtoB, 50% en BtoC. Nous avons de très belles entreprises de renom mais pas forcément représentatives de notre portefeuille clients car on a principalement des PME, issues de tous secteurs d'activité confondus mais aussi des collectivités et mairies (200 en France). La nouvelle version de Sarbacane Sunrise est sortie en 2018 et a fait exploser l'activité. Avec Sarbacane, les clients peuvent envoyer des campagnes d'e-mailing, de sms et mettre en place l'outil tchat pour interagir avec les clients. Au total, on évalue nos volumes à 4 milliards de mail envoyés par an et 400 millions de sms envoyés par an.
Quelle est votre stratégie à l'international ?
Le groupe Positive se
concentre sur l'Europe, qui est un très beau marché, très peu
attaqué par les acteurs américains. Le marché américain lui est
saturé. Aujourd'hui, nous avons des équipes à Hem (siège
historique), à Paris, à Barcelone mais aussi à Fribourg et Berlin
en Allemagne suite au rachat de RapidMail. On peut imaginer, à
terme, des futures implantations un peu partout en Europe. Mais il ne
s'agit pas que d'un déploiement géographique, on souhaite aussi une
diversification de l'activité. Pour l'instant, nous n'avons pas
d'outils dédiés aux réseaux sociaux. A terme, on aimerait attaquer
le messenging sur tout ce qui est réseaux sociaux, avoir un outil
publishing, pouvoir publier des messages sur tous les réseaux
sociaux de façon unifiée, simple et automatisé. On veut faire du
groupe positive, une grande plateforme de marketing digital.
On dit que la RSE est synonyme de
croissance. Vous l'avez compris depuis bien longtemps chez Sarbacane.
Nous n'avons pas attendu que le sujet soit à la mode pour mettre en place une politique RSE. Cela fait de nombreuses années qu'on est soucieux du bien-être des salariés. Sur notre site de 2 000 m² et notre terrain de 4 hectares, toutes les conditions sont réunies pour le confort des collaborateurs. Nous avons un terrain de tennis extérieur, une salle de sport avec des cours proposés, un salon pour se reposer mais également une crèche d'entreprise pour faciliter la vie des collaborateurs parents. Notre politique passe aussi par l'ouverture du capital aux salariés. Nous étions également sensibles à l'équilibre homme-femme, il y a aujourd'hui 45% de femmes dans le groupe. Quant à notre empreinte carbone, nous avons mené une étude très pointue pour évaluer notre bilan carbone. L'étude démontre qu'on consomme très peu. Toutes activités confondues, notre empreinte est très faible.
Comment voyez-vous l'avenir du mail ?
Radieux ! Je suis plus confiant sur l'avenir de l'e-mail aujourd'hui qu'il y a encore 10 ans. L'avènement des réseaux sociaux a été présenté comme la succession du mail, mais ça n'a jamais été le cas, ça a toujours été complémentaire. L'e-mail aura toujours sa légitimité : il est l'équivalent de l'adresse postale mais dans le digital. C'est un protocole standard et universel, ça ne sera jamais remplacé par autre chose. Malgré le taux de clic et le taux d'ouverture en baisse (20% aujourd'hui contre 70% il y a 20 ans), le canal e-mail est toujours l'un des canaux les plus performants en terme de retour sur investissement, bien loin devant les réseaux sociaux. Cela nous offre de belles années devant nous.