Le ferroutage, l'avenir du fret dans le Calaisis ?

Ces dernières années, la multimodalité a le vent en poupe. Après Viia qui reliait Calais à Orbassano (près de Milan) et au Boulou (non loin de Mâcon), c'est CargoBeamer qui va s'installer non loin de Calais, à Marck, pour relier l'Allemagne.

Après 8 ans, Natacha Bouchart, présidente de Grand Calais Terre et Mer et Hans-Jürgen Weiemann semblent heureux de mettre les premiers coups de pioche... © Aletheia Press / C.Escaillet
Après 8 ans, Natacha Bouchart, présidente de Grand Calais Terre et Mer et Hans-Jürgen Weiemann semblent heureux de mettre les premiers coups de pioche... © Aletheia Press / C.Escaillet

Les 18 modules de transbordement seront automatisés et pourront charger un train en 20 minutes. © CargoBeamer

Le territoire en rêvait, c’est désormais lancé ! Les travaux du terminal CargoBeamer de ferroutage vers l’Allemagne et le nord de l’Italie ont commencé. Les sept millions d’euros de financement européen l’an dernier ont bouclé le tour de table financier du projet. Place à la première phase désormais : onze mois de chantier lors desquels seront aménagés la plateforme et les infrastructures de base – deux voies ferrées de 350 m –, pour laisser place à six modules de transbordement automatisés qui chargeront les remorques sur les trains. L’entreprise lancera ensuite 12 modules supplémentaires pour arriver à son rythme de croisière en 2023.

 

Le principe

Les semi-remorques sont chargés par des modules de transbordement de façon automatisée sur les trains, à destination du nord de l’Italie et de l’Allemagne. Le site de 5,7 hectares comprendra ainsi, outre les 18 modules de transbordement (à terme), 150 places de parking pour stocker les semi-remorques en attente de chargement et de partance pour le nord de l’Italie et pour l’Allemagne. L’opération de chargement d’un train dure environ 20 minutes ; 100 wagons seront attribués à l’activité qui part de Calais et y arrive.

 

Les avantages du ferroutage

Le rail et la route ont différents avantages. Le coût sur courte distance, ainsi que la flexibilité sont à l’avantage de la route. Mais le rail est meilleur pour l’environnement. «C’est mieux d’avoir 35 remorques sur un train plutôt que sur la route, avance Hans-Jürgen Weidemann, PDG de CargoBeamer. De plus, sur les grandes distances le rail se justifie.» Il s’agit par ailleurs d’une solution pour désengorger le trafic de camions sur l’A16 à proximité de Calais, qui pèse sur l’environnement, mais qui pourrait très bien avoir aussi des conséquences économiques.

 

Un projet qui a su se faire attendre

Sur le territoire, on attendait la nouvelle depuis huit ans. Pour un élu, c’est une éternité, mais pour le secteur du rail, il semblerait que le sablier ne s’écoule pas au même rythme. «Huit ans, ce n’est rien pour les entreprises du rail, déclare le PDG de l’entreprise allemande. C’est une période courte pour réaliser des wagons, trouver des financements et réaliser des projets.» Natacha Bouchart, pour sa part, n’en était qu’aux deux tiers de son premier mandat de maire. L’édile ne cache pas, de ce fait, satisfaction : «C’était un projet difficile à monter, avec de nombreux rebondissements. Voilà huit ans que nous travaillons avec cette entreprise. Nous avons réussi à aller chercher des fonds européens (6,7 millions d’euros, ndlr), épaulés par la Région et l’État.»

 

Les coudées franches

Il y a relativement peu de probabilités que la concurrence de Viia vienne faire de l’ombre à CargoBeamer. En effet, 9 000 camions transitent chaque jour à Calais. «Si Viia, par jour, fait 35 semi-remorques et nous 35, il en reste 8 830 sur la route, résume Xavier Perrin, directeur général de l’entreprise en France. On a encore beaucoup de travail et eux aussi. On ne va pas se bagarrer beaucoup : le gâteau est énorme.»

 


CargoBeamer à Calais, les chiffres

• 20 emplois créés

• Un investissement total de 32 millions d’euros

• 18 modules de transbordement

• 100 wagons affectés au Calaisis (1wagon = 1 semi-remorque)

• Le rythme de croisière de l’entreprise devrait être atteint en 2023

• Le projet est sur les tablettes depuis huit ans

 


La Turquerie, futur “couteau suisse” de la logistique

La zone de la Turquerie, située à mi-chemin entre Calais et Marck, voit là la réalisation du quatrième projet sur son sol en l’espace de quelques mois. Une volonté forte de la part de l’Agglomération. «Il a fallu montrer aux logisticiens qu’il y avait un intérêt direct à venir dans cette zone, relate Natacha Bouchart, présidente de Grand Calais Terres & Mers. Le Brexit a permis de nous rendre plus visible économiquement. Beaucoup d’interlocuteurs ont été surpris de voir qu’il y avait autant de passage de camions par le port et par le tunnel. Nous serons, je pense, une référence en matière d’accueil logistique, mais aussi de nouvelles technologies.» En effet, l’arrivée de CargoBeamer montre que l’accessibilité, tant par la route que par le rail, ainsi que sa proximité avec le tunnel sous la Manche et le port intéressent les investisseurs. Hans-Jürgen Weidemann, PDG de l’entreprise allemande, est lui-même «convaincu que Calais est une place logistique très importante en Europe».

Par ailleurs, les terrains pour bâtir des projets d’envergure ne manquent pas sur la zone d’activités. La société RDV transport a investi 6,5 millions d’euros pour son nouveau site en novembre 2019. À noter l’implantation de Calais Truckstop à quelques centaines de mètres de CargoBeamer d’ici septembre. Fin 2020, ce sera Liqvis, filiale d’Uniper, qui ouvrira une station-service GNL. La zone sera donc bientôt un véritable “couteau suisse” logistique à quelques encablures du tunnel et du port.