Le e-commerce s'enracine dans le quotidien
Avec les achats alimentaires, le-commerce est rentré dans les mœurs pour les achats du quotidien durant la pandémie. Un pas de plus, dans la banalisation de cette pratique qui compte 41 millions d'adeptes en France. Pour un chiffre d'affaires de 29,1 milliards d'euros, ce premier trimestre.
Rien n'arrête sa croissance. Au premier trimestre 2021, le e-commerce (produits et services ), a crû de 14,8%, pour atteindre 29,1 milliards d’euros. C'est le fruit de 99 millions de transactions. Le 27 mai, la Fédération du e-commerce et de la vente à Distance (Fevad), avec Médiamétrie, a présenté les grandes évolutions de 2020 et les chiffres du secteur pour les trois premiers mois de l'année. Ils sont très contrastées : les ventes en ligne de produits (techniques et électroménagers, en tête) affichent une forte croissance (+30%). Le B2B progresse de 21%. En revanche, le chiffre d'affaires des services n'augmente que de 1%. Et surtout, «ce n’est pas un bon trimestre pour le secteur du voyage, en recul de près de 50%», a souligné Marc Lolivier, délégué général de la Fevad. Côté offre, la tendance est positive : ce premier trimestre, le nombre de sites marchands a progressé de 12%, pour atteindre 177 000.
Autant de données qui témoignent de la bonne santé du e-commerce. Lequel a bénéficié de la pandémie. En effet, constate la Fevad, l'année passée, les vagues successives de confinement – avec leurs modalités diverses – ont engendré un même phénomène : «le transfert de ventes vers Internet, avec une clientèle régulière à laquelle s'ajoutait une nouvelle, qui, auparavant, commandait peu sur Internet», décrit Marc Lolivier.
Certes
à chaque fois, les réouvertures des boutiques ont déclenché un
retour de certains clients vers les circuits de distribution
physique. Toutefois, le niveau de ceux qui continuaient à commander
sur Internet restait supérieur au seuil préexistant à la fermeture
des boutiques. Les efforts des commerçants détenant aussi une
boutique physique a contribué à cette dynamique : ils se sont
adaptés, proposant des services de plus en plus performants (clic
and collect,
livraison...)
à leurs clients. Ainsi, «le
e-commerce a joué le rôle d'amortisseur économique»,
pointe Marc Lolivier.
L'essor
des produits de grande consommation
L'essor spectaculaire de la vente en ligne des PGC, produits de grande consommation, (alimentaire, pour l'essentiel) durant la pandémie, constitue un événement marquant. Dans ce domaine, «l'année 2020 a été exceptionnelle dans le monde entier. En Europe et aux USA, on a connu des croissances à deux et trois chiffres», commente Daniel Ducrocq, directeur de A3Distrib chez Nielsen. D'après cet institut d'études de marché, en 2020, par exemple, le marché des produits alimentaires en ligne a atteint 36 milliards d'euros en Europe (+65%, par rapport à l'année précédente) et 89 milliards aux USA (+125%). Résultat, le e-commerce a gagné des parts de ce marché dans lequel il restait jusqu'alors marginal.
En
France, le score est plus élevé : il atteint un foyer sur
deux, après une croissance de 13,8% par rapport à 2019. En effet,
l'an dernier, «tous
produits confondus, la courbe des ventes de produits de grande
consommation a augmenté de manière très nette, et cela se
maintient»,
note Daniel Ducrocq. Le taux de croissance s'élève à 42% pour
l'année 2020. «Nous
avons pris quatre
à cinq
années d'avance»
en terme de prise de part de marché du e-commerce. En 2018, celle-ci
se limitait à 5,3%. Elle a grimpé jusqu'à 9,4% lors du premier
confinement. Et la tendance s'est confirmée en 2021, avec une part
de marché stabilisée à 9%.
Le
télétravail, clé pour l'avenir du petit commerce ?
Autre phénomène marquant, les modalités de livraison se sont diversifiées. En France, le drive classique demeure la plus utilisée. Toutefois, «on constate une forte croissance de la livraison à domicile et du drive piéton», note Daniel Ducrocq : la première a connu une croissance de 45% et le second... de 211% ! «Le parc des drives piétons se développe (…). Il existe encore un fort potentiel sur ce circuit, car l'équipement reste faible», commente-t-il. A Paris, la ville la plus concernée par le phénomène, un habitant sur trois seulement dispose d'un drive piéton à proximité de son domicile.
Par ailleurs, la pandémie a favorisé une vague de nouvelles offres dans le secteur de la livraison express, avec de nouveaux acteurs. Une concurrence pour les petits commerces physiques ? D'après Nielsen, c'est le cas pour les produits «fond de placard» (pâtes, céréales, chocolat...). Et les chiffres de ventes le prouvent : en 2020, à Paris, les boutiques physiques à proximité d'un Leclerc Relais ont connu une baisse de 4,2% de leur chiffre d'affaires, contre +0,5% pour celles plus éloignées.
Et pour l'avenir, la pérennisation probable du télétravail constitue une nouvelle variable, porteuse d’impacts divers sur les circuits de distribution physiques. «Le télétravailleur va davantage fréquenter Internet pour ses PGC, tout en allant chercher un complément dans les commerces de proximité. Cela constitue un vrai challenge pour les hypermarchés», estime Daniel Ducrocq. Par ailleurs, l'usage accru des applications pour se faire livrer des repas pourrait représenter un relais de croissance pour les commerçants de proximité.
Au total, avec l'essor des achats de PGC, le e-commerce s'introduit un peu plus dans les pratiques d'achat du quotidien. Aujourd'hui, rappelle Jamila Yahia Messaoud, directrice de département chez Médiamétrie, 41 millions de Français sont des cyberacheteurs, soit un million de plus qu'il y a un an. Et toutes les catégories de la population sont concernées. Jamila Yahia Messaoud invite enfin à ne pas surestimer l'effet de la pandémie : «70% des cyberacheteurs déclarent qu'ils auraient fait leurs achats en ligne, même sans la crise.»