Le décrochage scolaire en Picardie : la lutte continue
Le gouvernement présentait fin novembre son plan de lutte contre le décrochage scolaire. En Picardie, diverses actions sont mises en place afin d'endiguer ce processus. D'autres mesures sont prévues pour la rentrée prochaine.
Chaque année en France, 140 000 jeunes sortent du système scolaire :
Un décrocheur est un jeune de plus de seize ans qui était scolarisé l’année précédente mais qui a quitté le système de formation initiale sans avoir obtenu une qualification équivalente au baccalauréat ou un diplôme à finalité professionnelle : certificat d’aptitude professionnelle (CAP), ou brevet d’études professionnelles (BEP) », déclare Gilbert Leclere, chef de service académique d’information et d’orientation de l’Académie d’Amiens et délégué régional de l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep). En France, 140 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans avoir obtenu un diplôme de niveau V ou le baccalauréat. Outre les enjeux humains, de cohésion sociale ou encore de réduction des inégalités, le décrochage scolaire a aussi des conséquences économiques. Cumulés, les coûts du décrochage d’un jeune sont évalués à 230 000 euros sur toute sa vie. Le gouvernement a donc décidé de faire de la lutte contre le décrochage scolaire, l’une de ses priorités. Des objectifs plutôt ambitieux ont été fixés par le Président de la République : celui de diviser par deux d’ici à 2017 le nombre de jeunes sortant sans qualification du système éducatif. Au niveau européen, dans le cadre de la stratégie Europe 2020, la France s’est en outre engagée à abaisser le taux de jeunes en dehors de tout système de formation et sans diplôme du second cycle du secondaire, à 9,5% d’ici à 2020.
La Picardie n’échappe pas au décrochage scolaire. « L’académie cumule un certain nombre de difficultés. Aujourd’hui, nous rattrapons le retard par rapport au national », déclare Gilbert Leclere. La pérennité de certaines mesures se trouve donc aujourd’hui renforcée par le plan de lutte contre le décrochage scolaire. Ainsi depuis mars 2011, le système interministériel d’échanges d’informations (SIEI) permet de repérer les jeunes sortis du système éducatif sans diplôme. « Le SIEI croise des bases de données au niveau national et interministériel. Deux fois par an, des listes sont transmises dans les différents départements du pays, aux responsables des plates-formes de suivi et d’appui aux jeunes décrocheurs dites PSAD », explique Gilbert Leclere. Celles-ci ont en charge la coordination des acteurs travaillant à la lutte contre le décrochage. En Picardie, il existe neuf PSAD (trois par département) avec à la tête de chacune d’entre elles, un directeur de Centre d’information et d’orientation (CIO). Leur coordination est une responsabilité partagée par les inspecteurs académiques chargés de l’information et de l’orientation et par les préfets de département. À partir du 1er janvier 2015, cette responsabilité échouera au conseil régional de Picardie. Les PSAD doivent également affiner les listes transmises par le SIEI. Il s’agit alors d’entrer en contact avec les jeunes. « Les listes sont établies à un moment donné. Certains élèves ont entre temps repris leurs études, suivent une formation ou travaillent », précise Gilbert Leclere. Pour ce dernier, il est ainsi difficile de fournir des données chiffrées sur le décrochage scolaire en Picardie. « La plupart des chiffres sont donnés à partir des listes établies par le SIEI mais lorsque l’on a fait le travail de terrain, on se rend compte que les chiffres sont en réalité réduits ». À ces PSAD viennent s’articuler depuis mars 2013, les réseaux Formation qualification emploi (Foquale), présents dans chaque bassin et pilotés par un chef d’établissement. Leur rôle est de recenser, mutualiser et développer l’offre de solutions existantes. Ils sont appuyés par des référents décrochage scolaire, nommés dans les établissements du second degré.
Actions et prévention
Les dispositifs de prise en charge dans le cadre du système éducatif existent pour éviter le décrochage. « C’est un phénomène global qui interroge l’ensemble du système éducatif et la représentation qu’ont les familles de l’école et des institutions, précise Gilbert Leclere. Il n’y a donc pas de profil type. Il y a néanmoins des facteurs favorisants : désintérêt pour l’école, absentéisme, problèmes sociaux, etc. Beaucoup décrochent après un parcours scolaire qui n’a pas été simple. Il faut alors leur redonner le goût de l’école ». En charge de ce défi : la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Ses acteurs privilégiés sont les enseignants chargés de coordination pédagogique et d’ingénieure de formation (ECPIF). « Ce ne sont pas des enseignants de discipline, indique Gilbert Leclere. Ils sont affectés dans les CIO ou les lycées professionnels. Ils reçoivent les décrocheurs dans les CIO en accompagnement individuel. Dans les lycées professionnels, ils sont chargés de la tenue des actions compétences Plus».
Ce dispositif permet aux jeunes qui ont quitté l’école de retrouver un statut scolaire. Ces derniers suivent quelques cours mais travaillent surtout sur leur projet professionnel. « 75% des élèves reprennent une scolarité pour au moins deux ans. C’est donc un véritable outil de raccrochage », déclare Myriam Menuge, adjointe au chef du service académique d’information et d’orientation. Autres solutions innovantes : les micro-lycées ouverts aux jeunes ayant décroché depuis un an. « Depuis 2013, il y a un micro-lycée au sein du lycée Montaigne-Delambre d’Amiens. Un autre s’est ouvert cette année à Soissons au lycée Léonard de Vinci. Enfin en 2015, un projet est à l’étude pour l’Oise ». Au total, 637 jeunes en décrochage scolaire ont bénéficié de ces dispositifs en 2013. En ce qui concerne les nouvelles mesures prévues par le plan de lutte contre le décrochage scolaire, le numéro unique d’assistance et d’information permettant aux familles de trouver des réponses rapides est déjà en activité dans l’académie. La semaine de la persévérance scolaire sera organisée l’an prochain. Enfin, l’académie travaille actuellement avec la région sur le développement du service civique pour les décrocheurs. « La question du décrochage scolaire est fondamentale, insiste Gilbert Leclere. Aujourd’hui, la tendance est à l’élévation des compétences. Toutes les statistiques le prouvent : l’insertion sans diplôme est extrêmement difficile ».