Le Congrès des maires dominé par les enjeux budgétaires
Le Premier ministre, Michel Barnier, est intervenu lors d'un Congrès des maires dominé par les enjeux budgétaires. À défaut de promettre une diminution des efforts demandés aux élus locaux, il a annoncé quelques mesures destinées à leur apporter plus de liberté.
Cela restera certainement l'image forte du 106e Congrès des maires qui s'est tenu ce mois de novembre à Paris : des élus, ceints d'une écharpe noire afin de protester contre l'effort de 5 milliards d'euros demandé aux collectivités locales dans le PLF, projet de loi de Finances 2025.
L'intervention du Premier ministre, qui a pris la parole en clôture du congrès, le 21 novembre, n'y a rien changé. Michel Barnier est intervenu après David Lisnard, président de l'AMF, Association des maires de France, et André Laignel, son inamovible vice-président. Toutes leurs interventions ont fait la part belle aux enjeux budgétaires. «Dans l'extrême urgence, nous sommes face à une épreuve budgétaire que nous ne pouvons pas faire autrement que de surmonter (...) ma responsabilité est de rendre ces efforts les plus justes possibles», a déclaré Michel Barnier qui a rappelé la situation financière du pays : une dette de 3 280 milliards d'euros, générant 60 milliards d'intérêts, soit «870 euros par an, par Français». Le Premier ministre a aussi déclaré qu'il avait entendu la «colère» des élus et que «le budget n'est ni parfait, ni définitif».
Toutefois,
au-delà des mots, Michel Barnier avait fort peu de concessions
financières concrètes à annoncer. Parmi elles, celle
concernant la baisse du taux du Fonds de compensation pour la taxe
sur la valeur ajoutée (TCTVA),
prévue
par le PLF pour les collectivités locales : le caractère
rétroactif de la mesure initialement prévu ne sera finalement pas
appliqué. Autre mesure, la hausse de 12 % de la cotisation
employeur à la CNRACL, Caisse
nationale
de retraites
des agents
des collectivités
locales,
qui
devait
se faire en trois ans, sera finalement étalée sur quatre. Autre
annonce encore, le «fonds
de précaution»,
qui concerne les plus grandes collectivités, ne sera pas utilisé
pour réaliser de la péréquation.
Autant
de mesures qui sont extrêmement loin de répondre aux inquiétudes
et aux mises en garde exprimées par les représentants de l'AMF. Le
projet de loi de Finances
2025?
«Une
attaque directe à la capacité d'investissement (des communes). Il
y aura
un effet récessif»,
a prévenu David Lisnard, lors de son intervention, rappelant le
«rôle
contracyclique essentiel»
des collectivités locales qui représentent 70% de l'investissement
public.
Promesses
décentralisatrices
À défaut de concessions budgétaires, Michel Barnier s'est employé à
afficher une proximité de vue avec les maires et à leur apporter
satisfaction sur d'autres thèmes. Mais les applaudissements
qu'il
a
recueillis
semblent
pour la plupart avoir mesuré un rejet, plus qu'une adhésion. Ainsi,
lorsqu’il a déclaré que «
vous ne m’entendrez pas dire que la France est en déficit à cause
des collectivités »,
le Premier ministre a été vivement applaudi. C'était prendre
l'exact contre-pied
des propos du président
de la République qui avait jugé qu'«hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du
fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de
la dépense de l’État»,
dans un
entretien au magazine
L'Express,
en
mai dernier.
Et c'était aussi répondre au ressentiment et à l'indignation des
maires qui s'estiment injustement accusés
d'avoir fait déraper
les
comptes publics. David Lisnard s'est fait le porte-voix :
«Heureusement
qu'on ne (… ) gère pas comme eux, qu'on ne tient pas nos boutiques
et nos mairies comme ils ont tenu la France».
Par
ailleurs, Michel
Barnier, qui a rappelé son passé d'élu local en Savoie,
s'est présenté comme un fervent partisan de la décentralisation
«l'une
des plus belles lois».
«Les
collectivités ont eu le sentiment d'être devenus des sous-traitants
de l'Etat.
Ce n'est pas la vocation des communes»,
a noté le Premier ministre. Il a
annoncé plusieurs mesures allant dans le sens d'une plus grande
«liberté»
pour les élus locaux. Certaines de ces dispositions étaient
très attendues comme l'assouplissement
de la mise en œuvre de la réforme du «zéro
artificialisation nette» (ZAN). Autre annonce très applaudie, la fin de l'obligation de la
transposition de
la compétence eau et assainissement des communes aux
intercommunalités.
Michel Barnier a également annoncé plusieurs dispositions et chantiers à venir, destinés à simplifier la vie des élus locaux. Les éventuelles «surtranspositions» des directives européennes seront examinées et, si possible, allégées. Les lois deviendront «moins bavardes». Et avant qu'elles ne soient promulguées, une analyse de leurs effets sur les collectivités sera menée. Par ailleurs, le Premier ministre a accédé à une demande forte de l'AMF : l'attribution d'une sorte de pouvoir réglementaire aux collectivités. «Là où la situation est différente, la règle peut être appliquée différemment», a expliqué Michel Barnier. Autre promesse, une révision du statut de l'élu, dès le début de l'année 2025. La proposition de loi de Françoise Gatel, déjà adoptée par le Sénat, devrait être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en février prochain.
«Je ne sais pas le temps que j'ai devant moi», a admis à plusieurs reprises Michel Barnier. Il n'en a pas moins invité les élus locaux à devenir des partenaires unis par un «contrat de confiance», afin de travailler ensemble à «relever la ligne d'horizon» sur les deux années et demie à venir. Quant aux éventuelles évolutions du PLF, c'est plutôt sur le Sénat qui va examiner le texte que les élus locaux devraient pouvoir compter.
Une
bouffée d'oxygène pour les départements
«Je suis là pour vous dire que, tenant compte de votre situation très spécifique, qui n'a peut-être pas été bien vue dans les premiers scénarios budgétaires, nous allons réduire très significativement l'effort qui vous est demandé», a déclaré Michel Barnier, le 15 novembre, lors de son intervention lors du Congrès de l'association Départements de France, à Angers. L'ampleur de cette réduction n'a pas été précisée.