Le Congrès des maires dominé par les enjeux budgétaires

Le Premier ministre, Michel Barnier, est intervenu lors d'un Congrès des maires dominé par les enjeux budgétaires. À défaut de promettre une diminution des efforts demandés aux élus locaux, il a annoncé quelques mesures destinées à leur apporter plus de liberté.

Michel Barnier était présent au Congrès des Maires, alors que les relations sont tendus entre les édiles et l'Etat. THOMAS SAMSON / AFP
Michel Barnier était présent au Congrès des Maires, alors que les relations sont tendus entre les édiles et l'Etat. THOMAS SAMSON / AFP

Cela restera certainement l'image forte du 106e Congrès des maires qui s'est tenu ce mois de novembre à Paris : des élus, ceints d'une écharpe noire afin de protester contre l'effort de 5 milliards d'euros demandé aux collectivités locales dans le PLF, projet de loi de Finances 2025.
L'intervention du Premier ministre, qui a pris la parole en clôture du congrès, le 21 novembre, n'y a rien changé. Michel Barnier est intervenu après David Lisnard, président de l'AMF, Association des maires de France, et André Laignel, son inamovible vice-président. Toutes leurs interventions ont fait la part belle aux enjeux budgétaires. «Dans l'extrême urgence, nous sommes face à une épreuve budgétaire que nous ne pouvons pas faire autrement que de surmonter (...) ma responsabilité est de rendre ces efforts les plus justes possibles», a déclaré Michel Barnier qui a rappelé la situation financière du pays : une dette de 3 280 milliards d'euros, générant 60 milliards d'intérêts, soit «870 euros par an, par Français». Le Premier ministre a aussi déclaré qu'il avait entendu la «colère» des élus et que «le budget n'est ni parfait, ni définitif».

Toutefois, au-delà des mots, Michel Barnier avait fort peu de concessions financières concrètes à annoncer. Parmi elles, celle concernant la baisse du taux du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (TCTVA), prévue par le PLF pour les collectivités locales : le caractère rétroactif de la mesure initialement prévu ne sera finalement pas appliqué. Autre mesure, la hausse de 12 % de la cotisation employeur à la CNRACL, Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui devait se faire en trois ans, sera finalement étalée sur quatre. Autre annonce encore, le «fonds de précaution», qui concerne les plus grandes collectivités, ne sera pas utilisé pour réaliser de la péréquation.

Autant de mesures qui sont extrêmement loin de répondre aux inquiétudes et aux mises en garde exprimées par les représentants de l'AMF. Le projet de loi de Finances 2025? «Une attaque directe à la capacité d'investissement (des communes). Il y aura un effet récessif», a prévenu David Lisnard, lors de son intervention, rappelant le «rôle contracyclique essentiel» des collectivités locales qui représentent 70% de l'investissement public.

Promesses décentralisatrices

À défaut de concessions budgétaires, Michel Barnier s'est employé à afficher une proximité de vue avec les maires et à leur apporter satisfaction sur d'autres thèmes. Mais les applaudissements qu'il a recueillis semblent pour la plupart avoir mesuré un rejet, plus qu'une adhésion. Ainsi, lorsqu’il a déclaré que « vous ne m’entendrez pas dire que la France est en déficit à cause des collectivités », le Premier ministre a été vivement applaudi. C'était prendre l'exact contre-pied des propos du président de la République qui avait jugé qu'«hormis une dérive des dépenses initialement prévues qui est du fait des collectivités territoriales, il n’y a pas de dérapage de la dépense de l’État», dans un entretien au magazine L'Express, en mai dernier. Et c'était aussi répondre au ressentiment et à l'indignation des maires qui s'estiment injustement accusés d'avoir fait déraper les comptes publics. David Lisnard s'est fait le porte-voix : «Heureusement qu'on ne (… ) gère pas comme eux, qu'on ne tient pas nos boutiques et nos mairies comme ils ont tenu la France».

Par ailleurs, Michel Barnier, qui a rappelé son passé d'élu local en Savoie, s'est présenté comme un fervent partisan de la décentralisation «l'une des plus belles lois». «Les collectivités ont eu le sentiment d'être devenus des sous-traitants de l'Etat. Ce n'est pas la vocation des communes», a noté le Premier ministre. Il a annoncé plusieurs mesures allant dans le sens d'une plus grande «liberté» pour les élus locaux. Certaines de ces dispositions étaient très attendues comme l'assouplissement de la mise en œuvre de la réforme du «zéro artificialisation nette» (ZAN). Autre annonce très applaudie, la fin de l'obligation de la transposition de la compétence eau et assainissement des communes aux intercommunalités.

Michel Barnier a également annoncé plusieurs dispositions et chantiers à venir, destinés à simplifier la vie des élus locaux. Les éventuelles «surtranspositions» des directives européennes seront examinées et, si possible, allégées. Les lois deviendront «moins bavardes». Et avant qu'elles ne soient promulguées, une analyse de leurs effets sur les collectivités sera menée. Par ailleurs, le Premier ministre a accédé à une demande forte de l'AMF : l'attribution d'une sorte de pouvoir réglementaire aux collectivités. «Là où la situation est différente, la règle peut être appliquée différemment», a expliqué Michel Barnier. Autre promesse, une révision du statut de l'élu, dès le début de l'année 2025. La proposition de loi de Françoise Gatel, déjà adoptée par le Sénat, devrait être mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en février prochain.

«Je ne sais pas le temps que j'ai devant moi», a admis à plusieurs reprises Michel Barnier. Il n'en a pas moins invité les élus locaux à devenir des partenaires unis par un «contrat de confiance», afin de travailler ensemble à «relever la ligne d'horizon» sur les deux années et demie à venir. Quant aux éventuelles évolutions du PLF, c'est plutôt sur le Sénat qui va examiner le texte que les élus locaux devraient pouvoir compter.

Une bouffée d'oxygène pour les départements

«Je suis là pour vous dire que, tenant compte de votre situation très spécifique, qui n'a peut-être pas été bien vue dans les premiers scénarios budgétaires, nous allons réduire très significativement l'effort qui vous est demandé», a déclaré Michel Barnier, le 15 novembre, lors de son intervention lors du Congrès de l'association Départements de France, à Angers. L'ampleur de cette réduction n'a pas été précisée.