Entretien avec Grégory Mouy, président de la CRCC Hauts-de-France
"Le commissaire aux comptes apporte un regard différent et indépendant"
Depuis le 1er novembre 2020,
les Compagnies régionales des commissaires aux comptes (CRCC)
d'Amiens et de Douai ont fusionné pour donner naissance à la CRCC
des Hauts-de-France, présidée par Grégory Mouy. Une instance qui
regroupe 935 membres.
La Gazette : En tant qu'observateurs privilégiés de la vie des entreprises, quel a été le rôle des commissaires aux comptes durant la crise sanitaire ?
Grégory Mouy : Notre mission régalienne de certification des comptes comprend la procédure d'alerte, donc la détection des entreprises en difficulté. A mon sens, les commissaires aux comptes font partie des acteurs les mieux placés pour appréhender les difficultés des entreprises.
Durant la crise sanitaire, nous avons accru notre présence auprès des chefs d'entreprise dans le cadre d'une phase «zéro» de la procédure d'alerte. Phase destinée à prendre le pouls de l'entreprise.
Dans le cadre du plan de relance, nous avons été identifiés par le Gouvernement comme des partenaires principaux et nous sommes aujourd'hui toujours mobilisés, notamment en accordant des entretiens gratuits auprès d'entreprises qui n'ont ni commissaire aux comptes ni expert-comptable. Nous leur proposons de les orienter vers la procédure la plus appropriée en fonction de leur situation, de valider leurs états financiers, de valider des états prévisionnels, etc.
Et justement, selon vous, comment se
portent les entreprises ?
Il est encore tôt pour ressentir les effets de la crise, je pense que cela risque d'être visible au deuxième trimestre 2022, date à laquelle les PGE devront être remboursés.
Lors de votre assemblée générale,
fin octobre à Saint-Valery-sur-Somme, vous reveniez sur l'impact de
l'abaissement des seuils d'audits européens.
Pour l'instant, nous ne maîtrisons pas encore la déperdition des mandats suite à la loi Pacte, qui a pénalisé bon nombre de confrères. Il y a encore une continuité des mandats jusqu'à leur expiration, à savoir jusqu'en 2024. C'est à cette date seulement que nous pourrons dresser un constat complet.
Ce qui est certain, c'est que l'abaissement de ces seuils nuit fortement à l'identification des entreprises en difficulté dans lesquelles nous n'intervenons plus du fait de la baisse de ces seuils. Sentiment largement partagé par les présidents de tribunaux de commerce de la région.
La Compagnie régionale compte 935
membres. Votre profession recrute-t-elle ?
Aujourd'hui, nous avons besoin de
femmes, d'hommes et de jeunes pour dynamiser une profession
vieillissante. Mais nous souffrons de difficultés de recrutement. La
profession se mobilise, tant au niveau national que régional, pour
créer de l'attractivité. C'est par exemple le cas du Tournoi de
gestion que nous organisons le 25 novembre prochain avec l'Ordre des
experts-comptables. Ou encore d'un Tournoi d'audit que nous allons
aussi mettre en place au premier semestre 2022.
Ce manque de
renouvellement de la profession émane avant tout d'un manque de
reconnaissance.
C'est-à-dire ?
Disons que c'est historique. Et durant la crise ce manque de reconnaissance s'est encore plus fait ressentir. Mais, fort heureusement, l'image du commissaire aux comptes semble changer et on voit cette profession différemment. Nous avons une utilité et on le voit bien au travers des discours que nous pouvons avoir avec les présidents des tribunaux de commerce, les parquets, et l'ensemble des parties prenantes.
Ce déficit d'image ne vient-il pas
également d'une méconnaissance de la profession de la part du chef
d'entreprise ?
Evidemment, il y a toujours la peur de mettre un gendarme dans l'entreprise, mais il serait trop réducteur de voir le commissaire aux comptes uniquement sous cet aspect ! Dans la grande majorité des cas, les entrepreneurs sont des gens honnêtes ! Il n'y a donc pas à avoir peur de mettre un commissaire aux comptes qui va apporter, en plus de sa mission principale, un regard différent et indépendant sur la structure.
Une analyse des process de l'entité permet au dirigeant d'identifier les forces et les faiblesses de son entreprise, et cela fait partie intégrante de notre mission. Par ailleurs, nous avons une obligation d'indépendance, ce qui renforce notre jugement et notre opinion, gage de transparence et de sécurité.
Parlez-vous des nouvelles missions
sociales et environnementales que vous allez intégrer à vos
missions régaliennes ?
De plus en plus d'entités vont demander à leurs partenaires d'être certifiés ISO ou économie verte. Notre enjeu sera de mettre en place des audits dans le cadre de la RSE. Ces missions pourront nous être confiées, en complément de notre mission régalienne de certification des comptes, qui reste notre ADN. Les commissaires aux comptes sauront répondre présent à cette demande du marché.
Pour vous, le commissaire aux
comptes de demain, c'est quoi ?
Le commissaire aux comptes de demain
devra être à l'écoute du marché, en analysant les besoins, en se
formant, en s'adaptant aux mutations technologiques dans un seul but
: assurer la transparence des états financiers afin de sécuriser
l'information financière et extra financière.