Le Ceti tisse sa renommée annoncée
Il a vocation à devenir “le” centre d’innovations textiles de référence en Europe et pourquoi pas… dans le monde ! Pour ce faire, il a été doté de machines “extra-ordinaires”, uniques au monde, capables de fabriquer les textiles de demain. Le Ceti (Centre européen des textiles innovants) résonne déjà du bruit de ces machines en cours de test, à découvrir lors de l’inauguration officielle le 10 octobre, mais sur lesquelles La Gazette lève d’ores et déjà le voile.
Initié par le pôle UP-tex (et par André Beirnart plus particulièrement), le Ceti est un complexe unique au monde, “un vaisseau amiral ou bien une Ferrari”, aime à le décrire Stephan Vérin, délégué à l’international d’UP-Tex, adepte des comparaisons très parlantes. Pourquoi ? Pour de nombreuses raisons, liées à sa mission, ses acteurs, sa localisation, son histoire, son équipement.
Par sa mission d’abord. Il doit favoriser l’innovation, par la recherche appliquée. Pour ce faire, il fait se rapprocher les universités, les laboratoires et les industriels en créant des liens avec les marchés pour pouvoir inventer des matériaux d’avenir. Conséquences : les acteurs du Ceti sont donc déjà tous très différents, d’origine locale, mais aussi nationale et internationale, à l’image de ce mélange recherché de savoirfaire croisés. L’Europe, l’Etat, les collectivités territoriales, la SEM Ville renouvelée, l’Union, la Caisse des dépôts et Batixia en sont les cofinanceurs. L’Ensait, HEI, l’Ecole des mines de Douai, l’IFTH, l’université Lille1, l’UIT Nord et Clubtex en sont les partenaires historiques. Avec eux, le Ceti participe à un réseau actif tissé avec les chercheurs des grandes écoles, les universités et les pôles de compétitivité UP-tex, Techtera et Pôles fibres naturelles.
Pour mieux réunir tout ce monde (UP-tex, l’IFTH, Clubtex, le Pôle d’excellence textile, Innotex se sont déjà installés dans les bureaux dédiés), rien de mieux qu’un nouvel ensemble architectural polyvalent, dans un quartier lui-même en gestation qui va grandir avec lui, au carrefour de trois villes : le site de l’Union. Les deux bâtiments imaginés du Ceti par Luc Saison sont déjà architecturalement audacieux de l’extérieur, avec leur peau comme la trame d’un tissage multicolore. Mais c’est encore mieux à l’intérieur. Tout a été conçu pour recevoir et faire fonctionner dans des conditions optimales, sur 8 000 m2, les bijoux du Ceti : les 15 machines de pointe et les laboratoires high-tech.
Des machines high-tech, uniques au monde. Une quinzaine de machines, toutes fabriquées sur mesure par les leaders mondiaux du secteur, ont été installées au cours de l’été dernier. La plupart sont encore en test, dans un bruit assourdissant. “Il nous faut les approprier avant qu’elles ne puissent l’être par les industriels intéressés”, confie Simon Frémeaux, responsable non-tissé. “Tout comme les prototypes de Formule 1, ce sont des bêtes de course qui ont besoin de quelques tours de circuit”, commente Stephan Vérin avec toujours beaucoup d’à-propos.
L’outil de filage permet de développer les nouvelles fibres haute performance de demain, destinées aux marchés de l’ultrafiltration, des dispositifs médicaux et des textiles intelligents. “Cette machine permet de fabriquer un filage tricomposant – c’est-àdire que chaque filament peut avoir trois composants différents et pas forcément textiles – à 36 filaments chacun”, explique Mélanie Monceaux, responsable extrusion filage.
Elle insiste aussi sur une autre machine, une extrudeuse qui permet de fonctionnaliser la matière. “Il s’agit là de donner une fonction particulière à la fibre directement. C’est une grande nouveauté, ajoute Stephan Vérin. Car depuis 20 ans, les innovations sont toujours en aval de ce processus : c’est le tissu que l’on fonctionnalise. Ici, on travaille en amont : c’est la fibre qu’on fonctionnalise.” Et d’insister sur le potentiel de ces machines : “Elles permettent de faire des innovations pour les dix années à venir, car la technologie des tricomposants est tout juste émergente.” Il résume ce procédé révolutionnaire en une formule choc, à vocation médicale, dont il a le secret : “ici, on ne fait plus du soin mais de la thérapie génique” !
Une troisième machine, énorme, qui tient toute la place dans la grande salle centrale de 2 700 m2 sur 10 m de haut, déclenche aussi l’enthousiasme des ingénieurs textile. Il s’agit d’un outil dédié au non-tissé voie fondue. La machine, fabriquée par le constructeur américain Hills, a été conçue spécialement pour le Ceti, avec des combinaisons technologiques uniques au monde encore une fois. “Elles permettent de développer de nouvelles matières, en petites quantités et en petites largeurs afin de pouvoir faire des prototypes au moindre coût”, souligne Simon Frémeaux. “Ces machines sont comme les outils du cuisinier qui fait ses essais dans une cuisine pour mettre au point une recette avant de la diffuser à grande échelle de façon industrielle”, explique encore Stephan Vérin avec le pouvoir évocateur qu’on lui connaît.
Des marchés nouveaux au croisement de nombreux secteurs industriels. Cet équipement unique au monde (“il existe bien un autre lieu, en Allemagne, mais il ne propose que des machines monocomposants”, cite Stephan Vérin) de 15 machines permet de travailler sur 160 configurations différentes, avec des matières différentes et un nombre de combinaisons décuplés. “Le champ des possibles est très très large”, s’enthousiasme Simon Frémeaux. L’ingénieur et ses collègues ont les yeux qui brillent tout autant que les industriels qui viennent visiter le site lorsqu’ils évoquent les potentialités extraordinaires du Ceti. Citant les industries pétrochimiques et les fabricants de biopolymères, Simon Frémeaux les imagine travailler ici, ensemble, pour mettre au point de nouvelles fibres. Mais ils ne sont pas les seuls concernés. “Les fabricants d’additifs peuvent aussi être intéressés, tout comme les utilisateurs finaux pas seulement issus du textile mais de l’industrie du métal, par exemple, pour créer des matériaux tactiles avancés”, ajoute-t-il. Les textiles innovants touchent en effet déjà de nombreux secteurs comme la santé/ hygiène, la protection, les sports et loisirs, le bâtiment, les transports. Les possibilités sont donc immenses. “Tout est encore à inventer. On attend le Thermolactyl ® du XXIe siècle !”, résume Stephan Vérin en souriant.
La deuxième phase d’installation des nouvelles machines (des outils pour le non-tissé voie sèche) est prévue en janvier 2013 avec, entre autres, le rapatriement des machines de l’IFTH sur le site du Ceti. Mais d’ores et déjà l’équipement est d’envergure internationale. “Nous avons la vocation d’être dans le top 5 mondial pour la recherche textile”, affirme le délégué à l’international d’UPtex. Les délégations de 20 nationalités différentes attendues pour l’inauguration sont de bon augure.