Le Calaisis cherche à rebondirdémographiquement
Le Calaisis veut devenir attractif. Côtier, traversé par des millions de voyageurs et d’autant de tonnes de marchandises, le territoire semble béni des dieux. Pourtant, il souffre depuis des lustres d’un exode urbain qui nuit notamment à une image attractive. La communauté d’agglomération du Calaisis (CAC) veut y remédier et travaille depuis quelques mois sur son programme local de l’habitat (PLH) d’où doivent être tirées des mesures propres à enrayer ce déclin démographique. Lecture et analyse.
C’est une étude de 115 pages réalisée par les services de la communauté d’agglomération du Calaisis. Portant sur les questions d’habitat du périmètre de la collectivité, le PLH couvre la période 2011-2016. Nommé “Orientations stratégiques, programme d’actions”, il n’est encore qu’un document-projet qui a défini des axes majeurs : “stimuler l’attractivité résidentielle du territoire ; territorialiser les ambitions de construction au sein du territoire ; revaloriser l’offre d’habitat privé, notamment dans le centre-ville de Calais ; mettre en mouvement l’offre locative sociale ; réaffirmer un principe de solidarité à l’égard des ménages les plus fragiles ; affirmer une ambition environnementale pour l’habitat ; et mettre l’habitat au service du développement économique du territoire”. Le PLH a pour ambition de projeter le territoire dans la prochaine décennie. Document prospectif, il doit ainsi aider les élus à prendre les décisions nécessaires pour redonner à leur territoire l’attractivité perdue depuis l’âge d’or du duty free où les Britanniques irriguaient l’économie calaisienne. Calais attirait alors.
Calais, ville repoussoir. Si tous les élus assurent qu’il fait bon vivre à Calais, les chiffres montrent sans ambiguïté l’inverse : le nombre des habitants décline (sous la barre des 80 000 habitants), le chômage de masse s’est installé (jusqu’à 19% il y a cinq ans et 16% au début de l’année). L’exode rural, la perte d’emplois industriels (notamment dans la dentelle) ont fini par faire entrer Calais dans un cycle délétère. Le document ne dément pas ce constat : “Le territoire de l’agglomération a fortement perdu au jeu des migrations résidentielles avec un déficit migratoire en augmentation depuis le début des années quatre-vingt-dix. Cap Calaisis terre d’Opale souffre en premier lieu d’un contexte socio-économique peu favorable au maintien de la population (désindustrialisation massive, perte d’emplois…) et plus spécifiquement d’un défaut d’attractivité de sa ville-centre vis-à-vis du reste du pays du Calaisis.” En effet, les villages avoisinants tels Campagne-les-Guînes, Coulogne ou Sangatte-Blériot attirent les cadres et les employés de Calais. Ce rééquilibrage au détriment de la ville-centre montre la désaffection des classes moyennes pour Calais qui, à rebours, totalise plus de 40% de logements sociaux avec des poches de pauvreté au Fort-Nieulay et au Beau-Marais qui donnent des cheveux blancs aux bailleurs sociaux.
Trois scénarios, un chemin médian pour le territoire. Comme de coutume dans ce type d’étude, les rédacteurs du PLH envisagent des scénarios dont le dernierforme la moyenne des deux autres. Le premier, dit “tendanciel”, est calqué sur les projections démographiques de l’Insee. Défavorables au Calaisis à l’horizon 2020, celles-ci pronostiquent la perte annuelle d’habitants à 300 (soit 120 ménages). “Dans cette perspective, le principal moteur de la demande en logement resterait le desserrement des ménages (vieillissement, décohabitation engendrant un rythme estimé entre 350 et 400 nouveaux ménages par an…)”, estime le documentprojet. Concrètement, les nouveaux ménages seraient âgés et constitués de personnes isolées. Conséquence : peu de constructions neuves, des arbitrages complexes avec les autres communes du pays du Calaisis, une perte de dynamisme probable et un vieillissement de sa population… A contrario, le second scenario parie sur une “attractivité résidentielle immédiate” grâce à un objectif ambitieux de constructions : 650 logements supplémentaires par an sur l’ensemble du territoire. Mais les responsables de l’étude n’y croient guère. “Si ce scenario peut apparaître séduisant (…), il s’avère, en termes opérationnels, peu réaliste pour une échéance courte, tempèrent-ils. Il suppose, en effet, de tabler sur un changement profond et rapide de l’image du territoire que seul un projet de développement économique de grande envergure serait à même d’instaurer aussi à court terme.” Le territoire en manquerait donc malgré les annonces d’aménagement de la grande zone d’activité économique de la Turquerie, de celui du quartier portuaire qui pourrait accueillir un casino et de nouvelles résidences… Exception faite des villes comme Sangatte- Blériot qui voit grimper sensiblement le nombre de ses habitants grâce à la construction d’un nouveau quartier et d’une plaine de loisirs dotée d’un golf conséquent.
Le scénario retenu. Enfin, le troisième scénario – retenu – consiste en une “attractivité ciblée à long terme”. Solution intermédiaire recommandée par les auteurs du rapport, ce scénario repose “sur une stratégie de valorisation de potentiels d’attractivité résidentielle (permettre à des ménages du territoire d’y rester mais aussi d’en attirer de nouveaux)”. Cap Calaisis veut parier sur un déficit résidentiel vis-à-vis du reste du bassin d’habitat d’environ 50 à 70 ménages par an : “Il s’agit principalement de primo-accédants à revenus modestes ou intermédiaires dont il serait possible de limiter l’hémorragie par le développement de l’accession sociale à la propriété.” Autre source d’attractivité, les seniors à revenus intermédiaires et élevés, naturellement attirés par le littoral. Conséquence mécanique, l’adaptation des logements avec services proches, voire hauts de gamme et sécurisés. Ce scénario se traduit par le développement de l’offre de logements estimés à 575/an sur la durée du PLH (six ans). D’où une hausse démographique attendue d’environ 75 ménages/an. En complément, il faudra intervenir massivement sur le parc existant : “remise en location des logements vacants, remise à niveau du parc existant en déshérence, production d’une offre de logements à loyer modéré dans le parc privé”. Pour ce faire, le PLH reprend les aides disponibles de Cap Calaisis, notamment pour les primo-accédants dont le rapport montre l’explosion de l’exode hors territoire communautaire : dans son plan d’action, la communauté d’agglomération estime un objectif quantitatif, en direction de cette population, de 85 logements/an sur la période du PLH. Le soutien afférent qu’elle entend consacrer à son plan d’action sera compris entre 8 000 et 10 000 euros/logement. Ce soutien financier pourra être octroyé via des subventions d’équilibre “à des opérations en faisant la demande” ou, “plus en amont, minoration du coût d’acquisition de foncier à destination de futures opérations intégrant de l’accession sociale à la propriété”.
Du logement social hors villecentre. Calais concentre plus de 40% de logements sociaux. Et la majorité municipale entend bien que les autres communes du territoire communautaire prennent leur part et rattrapent leur retard… Marck et Coulogne ont respectivement 11,2 et 10,2% de logements sociaux sur leur périmètre ; ils devront faire des efforts pour soulager Calais… La négociation entre élus sera un combat. Pour en sortir, le PLH entreprend un virage dans la construction de logements sociaux : “Sur la durée du PLH, l’objectif de production de logements locatifs sociaux à l’échelle de Cap Calaisis est de 824 logements répartis à 44% sur Calais (soit 360 logements) et 56% (soit 464 logements) sur les quatre autres communes de l’agglomération.” Cette répartition doit mieux fixer les populations et rendre plus homogène l’ensemble du territoire. Plus largement, la politique de l’habitat dans le Calaisis devra aussi prendre en compte les capacités de financement des collectivités et des bailleurs sociaux qui comptent et recomptent leur capacité à investir.