Entretien avec Yves Trocheris, CEO et fondateur de Même Pas Cap!
«Le bilan de compétences, un outil formidable pour retenir les talents»
Qu’est-ce qui pousse les Français à entamer un bilan de compétences ? Quels sont ses effets tangibles sur les parcours professionnels ? L’enquête nationale de Même Pas Cap!*, plateforme 100% digitale et organisme de formation dédié au bilan de compétences, créée en 2018, met en avant les motivations, les attentes et les résultats du recours à cet outil.
Dans quelles mesure les Français ont recours au bilan de compétences ?
Le Covid a eu un fort impact sur le boom des bilans de compétences. Ainsi, le recours a doublé ces deux dernières années. Par nécessité ou par choix, les chiffres ont explosé avec 100 000 bilans réalisés en 2022, en France, par le biais du CPF (Compte personnel de formation), contre 50 000 en 2020 (et 33 000 en 2019).
Qui sont ces adeptes du bilan de compétences ?
Nous accompagnons essentiellement des jeunes cadres ou salariés (à proportion égale 31%) entre 35 et 49 ans (52%). 89,4% des sondés sont «primo-accédants». On compte une forte proportion de femmes (80%), celles-ci ayant toujours été plus enclines à sonder le sens et à s’engager dans un processus de questionnement. En revanche, alors qu’ils en ont besoin pour sonder leurs compétences et leur juste place, les plus de 45 ans ne représentent que 19% des personnes y ayant eu recours.
Pourtant, ce sont eux qui ont particulièrement à cœur de se créer un modèle sur-mesure, en lien avec leurs dernières aspirations professionnelles pour leur dernier cycle professionnel. A noter que 83% des actifs recourant au bilan de compétences sont en poste. Nous avons démocratisé le bilan de compétences en le rendant accessible depuis chez soi, en dehors des horaires de travail. De manière générale, ceux effectués en physique s’adressent à un plus grand nombre de personnes en recherche d’emploi (ils sont seulement 16,6% chez Même Pas Cap!).
Qu’est-ce qui les pousse à en entamer un bilan de compétences ?
Une révolution s’opère dans le monde du travail et de plus en plus d’actifs se questionnent sur leur rapport au travail. De fait, les déclencheurs principaux sont la quête de sens (63%), la souffrance au travail (58,8%), l’envie d’en apprendre davantage sur soi-même (53%) ou encore la recherche d’un meilleur équilibre vie professionnelle/privée (50%). Ce qui nous alarme est le fait que la souffrance au travail soit un déclencheur pour près de 60% d’entre eux, avec des mots qui vont plus loin que «Je m’ennuie», tels que burn-out ou harcèlement. Cela démontre qu’aujourd’hui encore c’est le fait d’aller mal qui pousse à effectuer un bilan de compétences. Cette tendance est à inverser en urgence, car sonder ses aspirations en période calme évite clairement la souffrance au travail. Très loin derrière, seuls 10% des sondés effectuent cette démarche pour un meilleur salaire.
Quel en a été l’impact sur leur parcours professionnel ?
Le bilan de compétences est intégré au cœur de la quête de sens et de l’employabilité de chacun. Pour plus de 73%, il a eu un impact clair et à court terme sur leur situation professionnelle : 43% ont changé de métier, 42% ont retrouvé du sens, 31% ont opéré un changement de secteur. Ils sont également 17,5% à avoir évolué professionnellement. Mais surtout, les sondés évoquent le bien être, la quête de sens et l’alignement : 73,1% évoquent ainsi «une meilleure connaissance de moi-même», 42,4% épanouissement et quête de sens assouvie, 33,9% un meilleur équilibre vie pro/perso.
Lorsque l’on débute un bilan de compétences, nous échangeons souvent sur ce qu’est le sens et sur ce qui apporte du sens pour soi. Pour certains, il s’agit de gagner plus, de travailler moins ou plus, de faire un travail utile, de participer au changement, de travailler de n’importe où… Etre aligné avec son sens dans son job permet l’épanouissement, et ce, quel que soit son âge ou son ancienneté.
Si cet outil s’est réellement démocratisé, il reste finalement encore tabou ?
En effet, seulement 23% des sondés ont évoqué leur bilan de compétences à leur employeur. Ils font appel à ce dispositif de manière confidentielle, en autonomie, hors de leur temps de travail. D’abord parce qu’un tiers d’entre eux avaient peur de sa réaction, et 60%, car ils estimaient que cela relève plus de la sphère privée ou qu’ils voulaient «mener cette réflexion pour [se] rouvrir le champ des possibles». Si cela reste encore une démarche personnelle, une grande majorité (87,6%) estime qu’il devrait être un outil systématiquement proposé dans le parcours professionnel, au même titre que d’autres formations, comme une étape d’hygiène de vie professionnelle pour faire le point, prendre de la hauteur et in fine être plus productif.
Cela permettrait aux salariés de redevenir acteur de leur parcours professionnel et aux entreprises de renforcer l’engagement de leurs collaborateurs, d’être dans une dynamique de confiance, au service de leur bien-être et de prévenir la souffrance au travail. Il faudrait en ce sens faire prendre conscience aux DRH qu’il s’agit d’un formidable outil pour retenir leurs talents et les faire évoluer au bon moment, au bon endroit dans l’entreprise.
Pourquoi chaque actif devrait pouvoir faire un bilan de compétences, selon vous ?
Première chose, il ne faut pas attendre d’être en souffrance pour questionner ses aspirations et ne pas s’éloigner du sens que l’on souhaite donner à son parcours professionnel. Effectuer un bilan de compétences quand tout va bien évite d’entrer en état d’urgence. En outre, ce bilan est d’autant plus important pour ces jeunes générations qui connaîtront en moyenne 8 à 10 transitions professionnelles et sont toujours en recherche de plus de sens et d’alignement professionnel.
* Enquête Même Pas Cap! «Les Français et le bilan de compétences» : étude déclarative en ligne du 19 janvier au 29 février 2023 sur une base de 3 000 personnes ayant finalisé un bilan de compétences auprès de Même Pas Cap! (668 réponses analysées).