Largo Winch, aventurier de l'économie
Une exposition est consacrée à la bande dessinée Largo Winch, véritable phénomène éditorial, à Citéco à Paris. Ou comment apprendre l'économie en se distrayant...
Douze millions d'albums vendus en France : il n'est pas abusif de dire que Largo Winch, la bande dessinée crée par Jean Van Hamme (Éditions Dupuis), contribue à la culture économique des Français. C'est à ce titre que Citéco, la Cité de l'économie à Paris, lui consacre une exposition, Largo Winch, l'aventurier de l'économie, jusqu'au 12 février 2022. Petite, mais dense, l'exposition explore ce phénomène éditorial unique, relatant son histoire et dévoilant le travail de ses artisans. Comme Philippe Francq, dessinateur de talent, adepte de la «ligne claire» de l'école belge, précise et sobre : pour chaque album, il se rend dans les villes concernées, prend des milliers de photos. De nombreuses planches originales sont exposées, illustrant son travail.
Mais c'est surtout les multiples facettes du monde de la grande entreprise qu'explore l'exposition. A commencer par les personnalités qui peuplent cet univers. Le héros, Largo Winch, est un orphelin du Monténégro adopté par un riche homme d'affaires. Un destin qui lui vaut de se retrouver, à 26 ans, à la tête du fameux groupe W, empire de 562 sociétés. Et c'est à travers le regard d'un homme généreux, animé de bons sentiments que Jean Van Hamme a choisi d'aborder ce monde. Celui-ci est aussi composé de personnages nettement moins nobles, des administrateurs « félons » qui peuplent le « big board » de la holding du groupe, dont on découvre le fonctionnement, mais aussi des fonctionnaires corrompus ou des concurrents sans scrupules...
La géographie de la finance
L'économie a aussi sa géographie : ce sont des villes qui constituent des centres névralgiques du monde des affaires, où Largo Winch se rend en jet privé... Spectaculaires, hautes de plus de deux mètres, les reproductions agrandies des dessins de Philippe Francq (Hong Kong , New York...) immergent le spectateur dans ces mégalopoles. Celui-ci s'informe aussi, grâce aux fiches pédagogiques – également présentes dans les autres sections de l'exposition – New York, par exemple, constitue la plus grande place financière du monde, une capitalisation boursière de quelque 25 000 milliards de dollars, en 2020.
La dimension éthique des affaires est aussi largement questionnée : «Je ne licencie pas mes salariés pour augmenter mes marges, je ne délocalise pas mes usines, cela me donne le droit de m'exprimer», déclare Largo Winch, Mais rien n'est simple... Si l'homme d'affaires évite de travailler dans des pays ouvertement dictatoriaux, que faire, face au jeu trouble d'agents d'Etat qui défendent officiellement les droits de l'homme, mais les piétinent quand leurs intérêts sont en jeu.... Là aussi, l'exposition éclaire le sujet, via des fiches détaillées sur le blanchiment d'argent ou les mécanismes des sociétés écran. Et enfin, la transformation des équilibres géopolitiques impacte les affaires : le groupe W doit faire face à un monde bien plus complexe que celui bipolaire de la guerre froide, avec notamment, l'essor de la Chine. Comme les entreprises du monde réel...