L’agriculture arrive sur le marché du carbone

La société de conseil agronomique belge Soil Capital lance un programme de rémunération de la captation et du stockage du carbone dans le sol. Visant les agriculteurs français et belges, elle compte ainsi valoriser les démarches vertueuses de protection des sols grâce au financement par des entreprises, notamment agroalimentaires. Un vrai «marché» du carbone...

Certaines pratiques agricoles permettent d’améliorer la structure du sol et favorisent ainsi la captation et le stockage du carbone. (© Aletheia Press / BD)
Certaines pratiques agricoles permettent d’améliorer la structure du sol et favorisent ainsi la captation et le stockage du carbone. (© Aletheia Press / BD)

 

Et si l’agriculture prenait une place centrale sur le marché des certificats carbone ? C’est en tout cas le pari de l’entreprise belge Soil Capital. Spécialisée dans le conseil agronomique, elle vient de lancer le premier programme international de rémunération carbone pour les agriculteurs. «C’est une idée que nous avions dès 2013 lors de la création de l’entreprise, raconte Chuck de Liedekerke, directeur et cofondateur de Soil Capital. Elle voit le jour aujourd’hui.» Le système peut paraître complexe. Des entreprises (dans l’idéal du secteur agroalimentaire) achètent des certificats carbone à Soil Capital, pour réduire virtuellement leur empreinte carbone. Ces certificats sont revendus aux agriculteurs engagés dans le programme. Ces derniers doivent s’engager pour au moins cinq ans et sont accompagnés par Soil Capital pour réduire leur propre empreinte carbone.

«La solution est sous nos pieds»

Ce qui est plus facile pour des agriculteurs que pour d’autres chefs d’entreprise… «Les sols vivants sont en mesure de répondre à l’enjeu majeur du réchauffement climatique, assure Nicolas Verschuere, cofondateur de Soil Capital et agriculteur en Belgique. En effet, l’agriculture régénérative (ou de conservation des sols, ndlr) permet à un exploitant de stocker plus de gaz à effet de serre qu’il n’en émet : la solution est sous nos pieds !» Ce mode de production agricole se base notamment sur une couverture permanente des sols par des végétaux, et un travail minimaliste du sol. Grâce à la photosynthèse et au maintien d’un environnement stable et riche pour la microfaune et microflore du sol, elle favorise largement la captation du carbone sous forme d’humus ou sous forme de micro-organismes… Sans compter l’intérêt pour la gestion du ruissellement, ou même pour le portefeuille des agriculteurs, qui voient leurs charges réduire considérablement.

Au moins 27,50€ par tonne de CO2 stockée par hectare

Les agriculteurs engagés dans le programme (et donc dans une démarche de captation du carbone) seront audités régulièrement pour mesurer la quantité de carbone stockée sur leur exploitation. Un calcul qui se fait grâce au Cool Farm Tool, un outil développé par des universitaires, dont le protocole est validé par la norme ISO 14064-2, et qui devrait à terme se rapprocher du label bas carbone français. «Sur une exploitation de polyculture, on estime à 2 tonnes de carbone par hectare et par an la capacité de stockage, précise Chuck de Liedekerke. A 27,50€ (tarif minimum) le certificat équivalent à 1 tonne de CO2 stockée pendant 1 an, on arrive à un revenu complémentaire annuel de 5 500€ pour 100 ha de cultures.» Un revenu duquel il faudra toutefois retirer l’adhésion au programme de 980€ par an, et qui ne sera payé qu’à hauteur de 80%. Une réserve d’assurance de 20% est en effet retenue et ne sera libérée qu’entre les années 11 à 15.
Selon Soil Capital, vingt agriculteurs ont déjà rejoint le programme. Côté acheteurs, Cargill, acteur mondial de l’industrie agroalimentaire, et IBA, société belge de technologies médicales, se sont engagées avec l’achat de certificats.