L’affichage environnemental au fond du placard ?
L’affichage environnemental systématique et obligatoire sur les produits ? Ce n’est pas pour demain. La plupart des entreprises qui ont commencé à expérimenter ce processus, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, ne sont pas pressées de voir le dispositif complet se mettre en place.
Informer le consommateur sur l’impact environnemental des produits qu’il achète, en indiquant sur l’étiquette l’impact cumulé sur la nature de chacune des étapes de leur vie, de la production au recyclage. L’idée d’expérimenter ce processus avait été lancée lors du Grenelle de l’environnement. «La volonté était de répondre à ce qui était ressenti comme une attente du consommateur, et de faire face à une situation où des affirmations environnementales qui ne reposaient sur aucune méthode fleurissaient», rappelle Jean-Paul Albertini, Commissaire général au Développement durable (CGDD), lors de la table ronde organisée par la Commission du Développement durable, qui s’est tenue le 12 juin dernier au Sénat. Étaient notamment présents plusieurs représentants des quelque 170 entreprises de secteurs divers qui ont participé à l’expérimentation de l’étiquetage environnemental. Cette expérience constitue «la démonstration que c’est possible et que c’est intéressant. Les entreprises, dans la grande majorité des cas, disent que cela leur a permis d’améliorer leurs processus». Le dispositif de l’expérimentation avait été établi sur une base très ouverte en termes de méthodes d’évaluation du coût environnemental et de critères affichés.
Des entreprises peu convaincues
«L’analyse du cycle de vie vient du monde industriel. Appliqué à l’agriculture, c’est complexe. L’impact écologique des ruminants se situe pour 90 % à la ferme. Donc, la marge de manoeuvre sur le temps de transport est de 10 %. Un ruminant a un cycle de vie long et a beaucoup d’impacts, car il émet du méthane. Cela inquiète pour le bio, car la vache bio apparaît très impactante pour l’environnement», illustre la représentante de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (INTERBEV). Au rayon des cosmétiques, on n’est pas beaucoup plus emballé par les résultats de l’expérimentation. Exemple : le shampoing. «L’impact environnemental n’est pas tant dans le produit, mais combien dans l’énergie que va utiliser le consommateur pour rincer ses cheveux», estime Virginie d’Enfert, directrice des affaires économiques, environnementales et internationales de la Fédération des entreprises de la beauté (FEBEA). Résultat : l’étiquetage ne serait pas d’un intérêt fondamental. Autre souci pour la FEBEA, «ce sont des projets qui engendrent des coûts extrêmement importants. Il y a aussi un coût humain, un investissement en temps important. Dans l’industrie cosmétique, ce sont plus de 90 % de PME qui ne peuvent pas mobiliser une personne sur ces dossiers. Aujourd’hui, nous sommes très clairement pour une démarche qui reste sur la base du volontariat ». Bref, quel que soit le secteur, c’est peu dire que les entreprises ne se ruent pas sur l’affichage environnemental. «Le rapport ne proposera pas une généralisation avec obligation à très court terme, mais une démarche progressive, fondée sur le volontariat, avec des méthodes énoncées par les pouvoirs publics», reconnaît Jean-Paul Albertini. Ce qui n’est pas du goût de Gaël Virlouvet, responsable Économie de France Nature Environnement, «à l’heure où la consommation est responsable des deux tiers de notre impact sur l’environnement, l’affichage environnemental à de nombreux avantages. Il sensibilise les acteurs et renforce le lien de confiance avec les consommateurs, il est temps de passer à la généralisation et ne pas attendre 2020. Il ne faut pas s’arrêter au volontariat qui va placer la France en retard par rapport à ses voisins européens, alors qu’elle avait justement pris de l’avance sur le sujet».