L’aéronautique se structure en région
Malgré une fréquentation en baisse et un contexte sécuritaire sous tension, la 52e édition du Salon international de l’aéronautique et de l’espace (SIAE) du Bourget, qui s’est tenue du 19 au 25 juin derniers, s’est révélée un bon cru. Comme à chaque édition, des entreprises de la région étaient présentes, et elles étaient cette année 22 (dont 18 picardes) à investir le pavillon collectif Hauts-de-France, signe du dynamisme et de l’éclectisme d’une filière aéronautique qui se structure pour être le fer de lance de l’économie régionale.
Plus de 6 000 emplois, 100 entreprises dont des acteurs mondiaux comme Thales, Dassault, Zodiac, MBDA…, une plate-forme d’innovation robotiquecomposites (IndustriLab), sept centre de R&D, 34 sous-traitants d’envergure européenne : l’aéronautique est une filière de poids en Hauts-de-France, et le Bourget l’occasion de valoriser ce savoir-faire et cette expertise reconnue. « Il y a toujours la même effervescence au Bourget, assure Érick Maillet, à la tête de l’entreprise Aqle (spécialisées dans l’industrialisation et la production de solutions électroniques de câblages cartes et filaires) de Saint-Just-en-Chaussée et président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Picardie. De très beaux contacts ont été noués cette année, la pente est favorable. » Ce que corrobore Charles Colvez, à la tête de l’entreprise axonaise Duperrier Industrie (à Pinon), spécialisée dans la mécanique de précision : « Nous participons au Bourget chaque année en qualité de sous-traitant, c’est le lieu idéal pour rencontrer nos clients, dans des circonstances différentes, de façon moins formelle. C’est également l’occasion de constater que le conseil régional a toujours à cœur de booster le secteur. »
La pente est d’autant plus favorable que selon le président de l’UIMM Picardie, le président de région Xavier Bertrand, en visite sur le stand collectif le premier jour du salon, « sent ce qui marche et bouge en région, il a pris conscience de la particularité de la filière aéronautique et de son poids. Tout le monde a par exemple très vite identifié la particularité de Méaulte, mais l’aéronautique en région ne se limite pas aux nez avant des Airbus, le secteur profite à de très nombreuses autres entreprises. Et dans un contexte économique où l’industrie est à la peine, l’aéronautique demeure plus que jamais un secteur porteur. Dans 15 ans, le nombre de passagers va croître de 5% par an dans le monde, ajouté à un parc d’avions vieillissant, on comprend vite que la filière a de très belles perspectives devant elle… », analyse Érick Maillet.
Exigence de qualité
Les forces de l’aéronautique dans la région sont multiples : le secteur est à l’avant-garde des avancées technologiques, avec le souci du progrès continu, dicté par l’exigence de la qualité et de la précision, indispensables pour servir les clients avionneurs. Ce que confirme le responsable du service Développement économique de l’UIMM Picardie Benoît Bartoux : « L’OTD [ndlr, On Time Delivery ou taux de livraison à temps] est un indicateur prépondérant du secteur aéronautique en termes de qualité et de délais. C’est une garantie indispensable pour le client. » Et Benoît Bartoux de citer l’entreprise familiale Suma aéro-mécanique d’Albert (voir encadré), dirigée par Bruno Pezeril, qui affiche un taux d’OTD de 96%. Même exigence de qualité chez Matra Électronique (implantée dans l’Oise à Lacroix-Saint-Ouen) qui travaille pour de grands noms de la défense, de l’aé- rospatial ou du médical : « Nous faisons de l’électronique à forte valeur ajoutée, explique Giovanni Farina, directeur Business Développement chez Matra. Si l’électronique est défaillante, c’est l’ensemble de la mission qui en pâtit, nous n’avons pas le droit à l’erreur, le prix de la défaillance serait trop important, largement supérieur au coût de l’équipement. Il en va de même pour l’aéronautique, un secteur hyper compétitif, d’où notre volonté de renouveler notre offre, en proposant à nos clients une plus forte valeur ajoutée, et en positionnant Matra sur des niches. » « L’aéronautique peut tirer les autres filières, les entraîner dans son sillage, poursuit de son côté le dirigeant d’Aqle. Quel que soit le cœur de métier, les entreprises travaillant pour l’aéronautique ont un dénominateur commun : l’organisation logistique, il existe de nombreux intervenants, et tous ces acteurs doivent nécessairement se coordonner. Ce qui peut notamment passer par des actions collectives orchestrées par le Groupement des industries fran- çaises aéronautiques et spatiales (Gifas) portant par exemple sur l’amélioration du lean, de la logistique, etc. »
Faire donc de l’aéronautique l’élément moteur et un modèle de l’économie régionale, pour tirer les entreprises des Hauts-de-France – de tous les secteurs – vers le haut… Une ambition clairement affichée par le président de l’UIMM Picardie, qui sait pouvoir compter sur le nouvel exécutif régional : « La région soutient la filière, il suffit pour s’en convaincre de regarder cette édition 2017 du Bourget, un effort certain a été consenti avec ce stand collectif renouvelé, puisqu’il regroupe des entreprises de la grande région, certains de nos confrères du Nord-Pas-de-Calais n’avaient jamais exposé sur le salon. Un mouvement a incontestablement été enclenché, ce qui a permis aux entreprises de se découvrir pour certaines. C’est l’essence même du Bourget, se rencontrer et échanger, pas dans un esprit de concurrence, mais au contraire d’entraide, pour trouver les bonnes pratiques à instaurer au service de nos clients avionneurs. »
Une filière dédiée
Érick Maillet a désormais comme mission de mettre sur pied la réalité de la filière aéronautique, preuve concrète de la vision politique de la région en la matière et qui verra vraisemblablement le jour début 2018. « Il s’agit d’un projet novateur, nous devons travailler avec les acteurs du secteur, et les institutionnels, pour regrouper les entreprises de l’aéronautique. Nous devons nous créer une image, et nous faire connaître. » Pour ce faire, la région dispose de beaux atouts, via notamment les deux métiers phares que sont les composites et l’électricité. « Nous avons de plus un œil favorable pour la mise en place de cette filière des grands noms du secteur, comme Matra, Dassault, MBDA, Thales, Airbus ou encore Zodiac, et le soutien de la région et des filières professionnelles comme celle du textile, de la chimie et de l’UIMM. Ne reste plus qu’à fédérer l’ensemble de ces forces, et donner un sens concret à la filière, c’est une belle image à proposer à la jeunesse », explique Érick Maillet.
Une belle image qui doit prendre sa source dans la formation. Si Benoît Bartoux parle de « métiers en tension, comme l’ajustage, le tournage-fraisage » et de « difficultés de recrutement et d’attractivité des métiers par manque de (re)connaissance », Érick Maillet préfère lui considérer ces bémols comme l’occasion de « faire la promotion des formations spécifiques à l’aéronautique, c’est l’assurance pour les jeunes de travailler dans un environnement de qualité, dans un secteur qui fait toujours rêver, il faut entraîner cette jeunesse dans un projet d’avenir ambitieux, et de surcroît porteur », assure-t-il, car pour lui pas de doute : « L’enthousiasme construit l’avenir, le monde bouge et l’aéronautique participe de cette mouvance, la jeunesse attend désormais autre chose du monde de l’entreprise, et nous sommes à même de lui offrir, avec en prime un sérieux objectif de vie professionnelle », sourit Érick Maillet. Benoît Bartoux rejoint le président de l’UIMM : « Il faut donner envie, nous travaillons à ce titre en partenariat avec Proméo, afin de donner plus de visibilité à nos métiers, qui sont des métiers d’avenir, et en montrer l’étendue et la complexité. C’est aussi le but du Bourget, faire découvrir les pépites de notre région, casser une image encore parfois biaisée de l’industrie auprès du grand public, promouvoir nos centres de formation. C’est la raison pour laquelle 4 000 porte-clés en forme d’avion ont été fabriqués par les apprentis de Proméo et distribués aux visiteurs, preuve concrète de notre savoir-faire », conclut Benoît Bartoux.