La Turquie commémore le "séisme du siècle" avec chagrin et colère
La Turquie commémore jeudi le tremblement de terre du 6 février 2023, qui a englouti près de 60.000 vies et transformé des villes...
![Des zones de construction (en haut) de l'agence turque de logement public (TOKI )et la vieille ville d'Antakya, le 29 janvier 2025, à l'occasion du deuxième anniversaire du tremblement de terre qui a dévasté le sud-est de la Turquie et le nord de la Syrie © Ozan KOSE](/thumbs/1368×1026/articles/2025/02/36X77WN.jpg)
La Turquie commémore jeudi le tremblement de terre du 6 février 2023, qui a englouti près de 60.000 vies et transformé des villes entières en champs de ruines.
Dès 4H17 (01H17 GMT), l'heure exacte de la secousse d'une magnitude de 7.8, les proches des victimes et les rescapés se sont retrouvés dans plusieurs villes dévastées, dont Adiyaman et Antakya dans le sud-est du pays, la vieille Antioche particulièrement meurtrie, pour se souvenir de ces terribles minutes qui ont emporté leur vie.
Le séisme, ressenti jusqu'en Egypte, a fait s'écrouler des milliers d'immeubles dans un grand quart sud-est de la Turquie, prenant au piège en pleine nuit leurs habitants endormis.
"Deux ans ont passé mais c'est toujours la même émotion, nous la vivons comme au premier jour. Rien n'a changé", confie à l'AFP Emine Albayrak, 25 ans qui s'est jointe au rassemblement d'Antakya.
"Ca fait deux ans mais c'est comme si c'était hier. La vie continue, mais comment?", lâche Hümeysa Bagriyanik, 18 ans. "Je me sens étrangère dans ma propre ville, elle est rasée, je ne reconnais rien, aucune des rues que j'emprunte".
Des incidents ont éclaté dans Antakya, traditionnelement frondeuse, quand la foule qui voulait avancer vers le centre-ville a été bloquée par les barricades et les charges de la police. Selon les médias locaux, trois personnes ont été arrêtées.
"Vous nous envoyez du gaz, allez-vous aussi arroser nos morts?" a crié la foule en colère, en réclamant la "démission du gouvernement".
volonté d'acier
Dans un message posté sur X à 4H17 exactement, le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a qualifié le drame de "catastrophe du siècle", a appelé ses concitoyens à la "patience": "Je prie Dieu d’avoir pitié de chacun de nos 53.537 frères et sœurs perdus. Je souhaite encore une fois patience aux familles et à notre nation".
Le chef de l'Etat qui se rendra à Adiyaman dans la journée, promet aussi de poursuivre les efforts de construction "avec beaucoup de travail, de sueur, de courage et une volonté d’acier jusqu’à ce que nos villes soient pleinement rétablies".
Deux ans après, 670.000 personnes vivent toujours dans des conteneurs, attendant pour beaucoup d'être tirées au sort pour pouvoir emménager dans des appartements construits par l'Etat.
Près de 201.500 nouveaux logements ont été livrés dans la vaste région affectée par le séisme, et plus de 220.000 autres doivent l'être encore d'ici la fin de l'année, selon le ministère de l'Urbanisme.
"Partout où je vais, le premier endroit que je regarde est le plafond. Je me demande s'il s'effondrera et si je resterai coincée sous les décombres", a confié à l'AFP Sema Genç, 34 ans, une rescapée relogée de la province d'Hatay.
Unique survivante de sa famille, elle se dit toujours "en colère" contre l'entreprise qui a construit son ancien immeuble, qui s'est écroulé sur elle et ses proches.
A ce jour, 189 personnes, reconnues pour beaucoup coupables de "négligences" dans la construction des bâtiments, ont été condamnées à des peines de prison. Et 1.342 procès impliquant 1.850 prévenus sont en cours, selon le ministère turc de la Justice.
- promesses non tenues-
Özgür Özel, le chef du Parti républicain du peuple (CHP), principale formation de l'opposition turque, présent dans un cimetière d'Adiyaman mercredi a dénoncé "les promesses non tenues" de M. Erdogan, qui s'était engagé au printemps 2023, en pleine campagne présidentielle, à reconstruire plus de 300.000 logements en un an.
M. Özel a aussi évoqué les séismes à répétition en mer Egée, près de l'île grecque de Santorin, qui font redouter depuis plusieurs jours une secousse d'ampleur qui pourrait affecter le sud-ouest de la Turquie.
Mardi, le ministre turc de l'Urbanisme, Murat Kurum, a mis en garde contre les conséquences d'un "Big One" à Istanbul, la plus grande ville du pays, dont les rives sud ne sont distantes que d'une quinzaine de kilomètres de la faille nord-anatolienne.
En 1999, une rupture sur cette faille avait provoqué un séisme de magnitude 7,4 qui avait tué 17.000 personnes, dont un millier à Istanbul. Or nombre d'immeubles de la mégapole ne répondent toujours pas aux normes antisismiques.
"Istanbul n'aura pas la force de résister à un nouveau tremblement de terre" d'ampleur, a prévenu mardi le ministre turc, estimant que "des millions de nos frères et sœurs stambouliotes vivent dans 600.000 logements qui pourraient s'effondrer".
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