4e baromètre des risques de la supply chain
La supply chain bousculée par les risques mondiaux
Pandémie, guerre russo-ukrainienne, incertitudes économiques… les risques qui pèsent sur la supply chain, de natures diverses, sont nombreux et se combinent parfois entre eux. Le cabinet de conseil et d’études KYU décrypte les inquiétudes des décideurs.
En matière de risques, la pénurie ne menace pas. Le cabinet de conseil et études KYU, spécialisé dans la performance des opérations et la gestion des risques, publiait récemment son «4e baromètre des risques de la supply chain». Dans cette période de crises qui s’enchaînent et mettent à rude épreuve la supply chain des entreprises, 58% des répondants à l’étude (responsables de la supply chain, des achats ou des risques) ont subi plus de 10 crises majeures (2022). Dix risques, de nature et d’origine diverses, sont identifiés comme particulièrement inquiétants. Sur ce podium, les trois premières places sont occupées par le «manque de capacitaire», la hausse des coûts et les attaques cyber.
Le premier risque comporte plusieurs facettes. Première d’entre elles, «ce risque réside dans le fait que les fournisseurs ne disposent pas de la capacité industrielle pour répondre à la demande, par manque de main-d’œuvre ou de matière première», explique Thibaud Moulin, associé du cabinet KYU. En particulier, les difficultés actuelles de recrutement de leurs sous-traitants préoccupent les donneurs d’ordre qui doutent de la capacité des premiers à être réactifs, en cas de montée en puissance de la demande. Deuxième facette du risque capacitaire, sur le plan matériel, «pour certains composants clés, comme les semi-conducteurs, les problèmes que nous avons connu en 2022 vont continuer en 2023», prédit Thibaud Moulin. En effet, les besoins se multiplient dans quasiment tous les secteurs de l’industrie, l’Internet des objets rendant les puces électroniques indispensables. «Or, il va falloir encore trois ou quatre ans avant que les plans européens et américains produisent leurs effets», complète l’expert.
Cyber maillon faible
Le deuxième grand risque identifié par le baromètre réside dans la hausse des coûts liée aux crises énergétique, climatique et géopolitique. De fait, il s’est déjà pleinement matérialisé avec la forte hausse de l’inflation (9% en Europe). Elle a notamment touché les industries qui ont des supply chains très énergivores, à l’image de la métallurgie, la chimie, ou l’agroalimentaire, qui sont touchés de plein fouet. «Les fournisseurs n’ayant pas nécessairement la capacité de faire absorber les hausses des coûts par les grands donneurs d’ordre (…), on pourrait enregistrer une hausse des défaillances en 2023, ce qui est inquiétant pour l’industrie, dont certains fournisseurs pourraient disparaître», note Thibaud Moulin.
Le troisième risque identifié est celui des attaques cyber. En effet, si les donneurs d’ordre ont réalisé des investissements technologiques massifs et formé leurs salariés, il leur reste deux points faibles. Tout d’abord, «dans des rangs plus éloignés de la supply chain, de plus petites entreprises ne disposent pas des infrastructures nécessaires à se protéger. Un maillon de la supply chain pourrait se faire attaquer et en être impacté. La fréquence des attaques cyber fait craindre des arrêts et des perturbations», dévoile Thibaud Moulin. Autre faiblesse possible des grands donneurs d’ordre : des attaques sur la supply chain informatique qui dépend de fournisseurs hébergés dans le cloud.
Demande et offre... rien n’est certain
Nouvel arrivé dans le Top 10 des risques, celui «géopolitique», a déjà généré d’importantes perturbations. Par exemple, en raison du conflit russo-ukrainien, «l’approvisionnement de titane a dû être sécurisé pour l’industrie aéronautique», remarque Thibaud Moulin. Plus problématique encore, le conflit ukrainien agit comme un «révélateur», estime-t-il. «Les entreprises nourrissent de l’inquiétude par rapport aux tensions possibles en mer de Chine, entre la Chine et les USA à propos de Taïwan. Pour l’économie mondiale, les impacts potentiels d’une telle crise seraient plus importants que le conflit russo-ukrainien : Taïwan produit 65% des semi-conducteurs dans le monde», signale l’expert.
Au cinquième rang des risques vient celui de la logistique, marquée par une «pénurie mondiale» de main d’œuvre. «il manque 2,6 millions de chauffeurs dans le monde», note Thibaud Moulin. La «volatilité de la demande» constitue le sixième risque redouté : en effet, il rend difficile la prévision et a conduit les entreprises à réaliser des stocks, lesquels ont aujourd’hui atteint un niveau record.
D’autant que le 7e risque identifié réside dans la «rareté des ressources». En effet, si en Europe et plus particulièrement en France, le tissu industriel a été protégé durant la pandémie, ce n’est pas le cas partout : des fournisseurs ont disparu. «Cela complexifie la mise en œuvre d’une stratégie de résilience , pour les entreprises qui cherchent à trouver de nouvelles sources d’approvisionnement dans un marché contraint», décrypte l’expert.
Les risques de demain ?
D’après le baromètre, le climat constitue le 8e risque identifié. «La prise de conscience de ce risque est de plus en plus forte, avec en 2022, des crises très importantes qui ont impacté des entreprises», remarque Thibaud Moulin. La pandémie arrive derrière, en neuvième position. En effet, si elle a perdu de sa virulence en Europe, elle continue de susciter l’inquiétude. «Le virus n’est pas totalement éradiqué, et en particulier, sa réapparition en Chine inquiète. Ce risque est moins prégnant qu’au pic de la pandémie, car les entreprises ont appris à vivre avec, à s’adapter, mais il demeure conséquent», résume-t-il.
Il l’est plus, en tout cas, aux yeux des entreprises, que celui de la controverse lié à des sujets de RSE, responsabilité sociale d’entreprise, qui reste stable. «Cela pourrait sembler étonnant, car les exemples sont de plus en plus connus. Et par exemple, en matière de pollution environnementale, un tel sujet rejaillit de façon importante sur l’image de l’entreprise avec des conséquences sur sa valorisation». Néanmoins, ce risque est pour l’instant considéré comme «à fort impact, mais à fréquence relativement basse», conclut Thibaud Moulin.