La région ne sort toujours pas d’un chômage endémique
Le second volet de l’enquête 2011 relative au bilan socio-économique du Nord-Pas-de-Calais aborde les points saillants des thématiques de l’emploi, du travail et de la démographie d’entreprise. Année “terne” au mieux, au pire “sévère” pour le Nord-Pas-de-Calais tant au niveau du chômage que de la création d’entreprise.
On peut se demander si le verre est à moitié plein ou à moitié vide en regardant les chiffres de l’emploi régional en 2011. Raymond Bernard, responsable du service statistiques de l’Insee, décrit une année blanche : “Globalement, sur l’année 2011, l’emploi n’a quasiment pas augmenté. La poursuite au premier semestre de la reprise amorcée en 2010 a vu ses effets annulés par une baisse de l’emploi au cours du second semestre 2011. C’est le secteur des services qui a permis cette stabilité annuelle.” Dans le détail, on remarque d’abord que l’emploi industriel souffre toujours : hors intérim, celui-ci décroît encore, mais trois fois moins vite que l’an dernier. La région employait en 2011 près de 214 000 salariés dans l’industrie contre 216 100 en 2010. La baisse concerne les secteurs de la fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques (-1,1%), de machines ainsi que d’équipements de transport (-1,1%). Les autres produits industriels chutent de 2%. En revanche, la fabrication des denrées alimentaires (+0,7%) et celle des secteurs extractifs ou relatifs au raffinage, à l’eau ou encore à la gestion des déchets (+1,3%) gagnent un peu de terrain. En 2010, l’industrie avait perdu près de 6 500 emplois (-2,9%). L’an dernier, la région aura perdu 2 200 postes de travail. “Toutefois, le volume des suppressions s’est fortement rétracté” indique l’Insee. La décrue s’annonce moins forte dans des domaines comme celui de la fabrication des matériels de transport (construction ferroviaire, automobile, aéronautique et navale) qui voit son volume de perte en salariés “divisé par quatre” par rapport aux pertes de 2010.
Une tendance baissière et quelques secteurs épargnés. Pour autant, l’inquiétude des acteurs économiques reste grande. Elle concerne le secteur de la construction qui a affiché des pertes tout au long de l’année 2011. La tendance est alarmante si l’on s’en tient au glissement annuel avec un quatrième trimestre à -0,9%. “L’environnement économique peu favorable à l’investissement dans le bâtiment et les travaux publics n’a pas favorisé l’emploi dans ce secteur qui enregistre sa troisième année consécutive de pertes de postes”, écrit le statisticien de l’Insee. En 2011, ce secteur a perdu 1 100 postes (-1,3%) alors qu’en 2010, la chute était chiffrée à 1 960 (-2,3%). L’emploi total (intérim compris) est ainsi passé dans la région de 84 100 postes à 83 000. La baisse prévue des chantiers lancés par les collectivités et la concurrence des groupes européens n’augurent rien de bon. Les acteurs politiques sont prévenus. Les services marchands sont les seuls à s’en tirer quelque peu dans ce tableau de crise quasi générale. “Avec une progression de 0,6%, les gains d’emplois se sont nettement atténués par comparaison à l’année 2010 (+2 500 salariés contre +9 800 en 2010)” lit-on dans l’enquête. Principal responsable de cette hausse, l’emploi intérimaire qui contribue pour un quart des embauches. Autres secteurs en hausse, les activités financières, d’assurances, d’information et de communication ont soutenu la croissance du tertiaire avec une hausse de 2%. A noter également la hausse, pour la troisième année consécutive, de l’hôtellerie-restauration (+2,1% en 2011, contre +2,3% en 2010). L’été 2012 viendra probablement clore cette phase au regard du temps du mois de juillet… Le secteur des transports et de l’entreposage accuse la même baisse d’emploi en 2011 qu’en 2010 (-0,1%). Mais “ce léger recul contraste avec les fortes baisses subies depuis 2008 : -3% de baisse annuelle moyenne”. Le secteur des services s’assombrit aussi dans les sous-secteurs comme les activités culturelles et sportives : créatrices d’emploi en 2009 (+5,9%), elles chutent de plus de 2% en 2011, détruisant in fine 900 emplois, la chute des subventions des acteurs publics n’y étant pas étrangère.
L’emploi des jeunes toujours en berne. “Les gains d’emploi ont été à peine plus soutenus dans le département du Pasde- Calais (+0,2%) que dans le département du Nord”. Conséquemment aux offres et aux tendances décrites précédemment, le marché du travail dans la région doit faire dresser nombre de cheveux sur la tête des responsables politiques et économiques. “Après une hausse de 12 600 demandeurs d’emploi au cours de l’année 2011, le Nord-Pas-de-Calais compte désormais 331 200 demandeurs d’emploi, ce qui est un record (…) depuis 1997.” Bruno Clément-Ziza, cadre de la Direccte Nord-Pas-de-Calais, donne le ton. Maigre consolation, la région a gagné moins de demandeurs d’emploi en 2011 que la France métropolitaine (+3,9% contre +5,5%). Autre (maigre) consolation, le nombre de demandeurs d’emploi supplémentaires en 2011 reste inférieur que la hausse de ces mêmes demandeurs en 2010, dont le chiffre avait culminé à 17 700. Depuis 2008, le cycle de cette hausse se confirme même s’il semble ralentir par rapport aux chiffres moyens nationaux. Deux éléments sont à mettre en perspective quand on observe les chiffres : le chômage des jeunes est particulièrement important et l’intérim devient la règle. “Plus souvent en intérim ou CDD, les jeunes (et en particulier les jeunes hommes) avaient subi le choc économique de la mi-2008 plus lourdement que les autres. Dans ces circonstances, ils ont bénéficié prioritairement d’un certain nombre de mesures politiques d’emploi dont les effets se sont additionnés avec la reprise de l’emploi intérimaire.” Dans ce schéma, les moins de 25 ans ont souffert dans les premiers mois de 2009 avant de connaître une légère amélioration en 2010 (réduction de 3% des chômeurs de cette catégorie) puis ont replongé à la fin de l’an dernier (+1 000 chômeurs) en même temps que les chiffres de l’intérim. Pourtant, sur l’ensemble de l’année 2011, “l’effectif des jeunes à la recherche d’un emploi aura diminué de 1%”, soit 700 personnes, alors qu’au plan national, le chômage des jeunes a crû de 2,5%. Mais “le bilan régional ne suffit pas à gommer le chômage structurel des jeunes en région qui représentent 19,4% des demandeurs d’emploi contre 15,1% en France métropolitaine”.
Un écart structurel qui perdure avec le reste de la France. Il ressort globalement des statistiques régionales que la hausse des demandeurs d’emploi est particulièrement sensible : leur effectif atteint 114 000 fin 2009, en hausse annuelle de 23%, puis 133 000 fin 2010 (+17%) et enfin 140 900 fin 2011 (+6%). Les chômeurs inscrits depuis plus d’un an sont proportionnellement plus nombreux en région qu’en France (42,5%, contre 46,9%). Pire, les chômeurs de longue durée (inscrits depuis plus de deux ans) voient leur nombre exploser avec une hausse de 13% (soit 8 400 personnes). Le chômage régional est structurel. Contre ce fléau, les dispositifs d’aide au retour à l’emploi sont désormais unifiés à travers le Contrat unique d’insertion (CUI) “décliné dans le secteur marchand en Contrat initiative emploi (CIE) et dans le secteur non marchand en Contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE)”. A la fin de l’année dernière, 22 000 des 33 000 bénéficiaires de ces contrats aidés étaient des demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an au Pôle emploi. Les chiffres du chômage régional affichent une légère diminution du taux à 12,7% de la population active, tout en restant supérieurs au taux national situé à 9,4%. L’écart de 3,3 points reste inchangé depuis près de 30 ans. La région détient le record de France métropolitaine derrière le Languedoc-Roussillon. En zoomant sur certains de ces territoires, on constate que le Calaisis occupe toujours la dernière place (16,2%) tandis que la Flandre-Lys (7,9%) s’en sort mieux. Au final, “44% de la population régionale (soit près de 2 millions de personnes) vit dans un territoire où le taux de chômage dépasse les 14%”…
Le pli de la création n’est pas encore pris. En face de ces chiffres pour le moins inquiétants, l’Insee dresse aussi le bilan “démographique” des entreprises régionales, “mitigé” selon Elisabeth Vilain, du service statistiques de l’Insee régional. Comme le reste du pays, la région a “bénéficié” du statut de l’auto-entrepreneur (13 812 créations) même si elle fait moins bien qu’en 2010 (-12%). L’engouement s’est fortement atténué et masque très probablement des raisons tenant lieu à des licenciements et à des externalisations des donneurs d’ordre. “Ce sont les activités artisanales et libérales qui permettent de maintenir un tel niveau de création sous le régime de l’auto-entreprise. Les premières ont concerné 7% d’auto-entreprises de plus qu’en 2009, et les secondes, 10% de plus. (…) En revanche, les activités commerciales ont généré moins de projets qu’en 2009 (-9%) et 2010 (-16%).” La problématique du plafond du chiffre d’affaires n’y étant certainement pas pour rien. En dehors de l’auto-entreprenariat, la région a vu naître 10 613 entreprises en 2011, traduisant une baisse de 1,5%. Cette décrue est comparable au plan national. Dans la région, les entreprises individuelles ont chuté de 11,9% tandis que les autres ont crû de 3,3%. En comptabilisant les auto-entrepreneurs, la région a pu bénéficier de près de 25 000 nouveaux projets de création en 2011 (-8% par rapport à 2010). Son retard sur les autres régions demeure, même si la baisse régionale est moindre que dans toutes les autres régions françaises. Enfin, la baisse des créations touche presque toutes les activités.