La rédaction en grève du JDD en passe de battre le "triste record" d'i-Télé
La rédaction du JDD doit entrer ce week-end dans son deuxième mois de grève, surpassant le mouvement de 31 jours mené en vain par les journalistes d'i-Télé en 2016, mobilisés comme elle contre...
La rédaction du JDD doit entrer ce week-end dans son deuxième mois de grève, surpassant le mouvement de 31 jours mené en vain par les journalistes d'i-Télé en 2016, mobilisés comme elle contre les ingérences présumées du milliardaire Vincent Bolloré.
"On préférerait ne pas avoir à battre ce record-là", avait déploré récemment auprès de l'AFP Sarah Paillou, journaliste du JDD, en référence à la plus longue grève jamais connue par une chaîne privée en France.
"Mais je suis impressionnée par la capacité de résistance de la rédaction", avait ajouté la reporter, dont le journal sera absent des kiosques pour le cinquième dimanche d'affilée. Un fait inédit en 75 ans d'existence.
Vendredi, la rédaction a, comme chaque jour depuis le 22 juin, voté massivement la poursuite de sa grève pour empêcher l'arrivée à sa tête de Geoffroy Lejeune, l'ancien directeur du magazine d'extrême droite Valeurs Actuelles, et réclamer des garanties d'indépendance juridique et éditoriale.
Beaucoup voient dans la nomination de M. Lejeune la main du milliardaire ultra-conservateur Vincent Bolloré, dont le groupe Vivendi doit absorber Lagardère, propriétaire du JDD, de Paris Match et d'Europe 1.
enjeu démocratique
La situation du JDD rappelle ainsi les grèves d'Europe 1 en 2021 et d'I-Télé (devenu CNews, propriété de Vivendi), en 2016, conclues à chaque fois par des départs massifs.
De quoi remettre à l'agenda politique la question de l'indépendance des médias.
Des députés de huit groupes politiques (hors RN et LR) ont notamment présenté mercredi une proposition de loi sur le sujet, tandis que l'Elysée a officialisé le lancement en septembre d'états généraux de l'information, attendus depuis un an.
"C'est important pour nous" parce qu'il s'agit d'un "enjeu démocratique", avait commenté une journaliste, sous couvert d'anonymat, en marge d'un rassemblement de soutien qui a réuni mercredi une centaine de personnes, dont des représentants politiques et syndicaux, près du Palais-Bourbon.
Mais "le sauvetage ne viendra pas du politique en ce qui concerne notre cas particulier", avait-elle concédé, invoquant le "tempo" trop lent de la législation.
Pour l'instant, les grévistes interrogés assurent n'avoir "aucune information" sur un dispositif de sorties individuelles, issue probable au regard des précédents conflits ayant opposé des rédactions au "rouleau compresseur" Bolloré.
Des discussions sont, en revanche, en cours autour d'une charte, au coeur des garanties d'indépendance réclamées par les grévistes.
lourdes pertes
Sollicité par la rédaction pour la conception de ce texte, l'avocat Jean-Pierre Mignard réfléchit à "l'organisation d'une procédure de désignation (d'un directeur de rédaction) commune à l'actionnaire et aux journalistes", explique-t-il à l'AFP.
"Cela me semble mille fois plus intelligent, si un patron veut le succès de son entreprise", assure-t-il.
Pas sûr que les intérêts économiques priment dans ce bras de fer. Selon une évaluation interne, rapportée par un journaliste qui a souhaité rester anonyme, l'arrivée de Geoffroy Lejeune, soutien d'Eric Zemmour à l'élection présidentielle, pourrait faire perdre 60% de revenus publicitaires au titre et se traduire par un effondrement des ventes.
Le coût de la grève pèse déjà lourd: chaque non-parution du journal entraînerait 500.000 euros de pertes, d'après un chiffre dévoilé par le quotidien Le Monde et évoqué par "une membre de la régie publicitaire en tout début de mobilisation", a dit à l'AFP le journaliste du JDD, Guillaume Caire.
Les grévistes, qui découvriront ce mois-ci l'impact du mouvement sur leur fiche de paie, pourront commencer à puiser dans une caisse de grève de plus de 70.000 euros, avait affirmé dans la semaine Sarah Paillou.
Difficile de savoir quand sortira le prochain numéro du JDD.
Geoffroy Lejeune, qui doit succéder à Jérôme Béglé, attendu le 1er août à la tête de Paris Match, n'a pas encore eu l'occasion de voir comment fonctionnait la rédaction.
S'il a été aperçu dansant début juillet à un pot dans les locaux de Lagardère, les festivités initialement prévues le 10 septembre pour la sortie du 4.000e numéro du JDD ont elles déjà été annulées, selon un journaliste.
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