La protection de l'environnement littoral et marin par le juge judiciaire

Près de quinze ans après son naufrage, le pétrolier Erika continue de faire couler de l'encre. La jurisprudence qui s'en est suivie a alimenté les débats d'un colloque à Boulogne-sur-Mer organisé par le Campus de la mer, avec le soutien de la Société française pour le droit de l'environnement, sur le thème : la protection de l’environnement littoral et marin par le juge judiciaire.

De gauche à droite, Marie-Pierre Camproux, Catherine Roche, le procureur général de Douai Olivier de Baynast, le substitut de la Cour d’appel d’Amiens Jean-Philippe Rivaud, et Fabienne Fiasella.
De gauche à droite, Marie-Pierre Camproux, Catherine Roche, le procureur général de Douai Olivier de Baynast, le substitut de la Cour d’appel d’Amiens Jean-Philippe Rivaud, et Fabienne Fiasella.

Maître de conférences à Poitiers, Catherine Roche est revenue sur le «grand arrêt»de la Cour de cassation (25 septembre 2012) qui a décidé qu’une pollution grave affectant les eaux territoriales de la France ressortait de la compétence de ses tribunaux, même si elle était causée par un naufrage survenu dans la ZEE. En droit de l’environnement, il fait du dommage écologique une source de compétence internationale de la loi française, tandis qu’en droit maritime il ressuscite partiellement la jurisprudence Lotus (Cour permanente de justice internationale, 1927) qui donnait compétence, en cas d’abordage, à l’Etat dont le navire avait été victime. Concrètement, cet arrêt a confirmé la condamnation de Total à l’amende maximale (375 000 euros) et rajouté sa responsabilité civile. «Il constitue une avancée audacieuse, souligne Marie-Pierre Camproux, secrétaire générale de la Société française pour le droit de l’environnement, car il consacre le principe de la réparation d’un préjudice écologique collectif, distinct d’un simple dommage environnemental à autrui. Les modalités de sa mise en œuvre restent toutefois à trouver et il faudra encore de l’audace aux magistrats et aux juristes. Le législateur doit prendre le relais en s’inspirant des pistes qui ont été avancées.»

D.R.

De gauche à droite, Marie-Pierre Camproux, Catherine Roche, le procureur général de Douai, Olivier de Baynast, le substitut de la cour d’appel d’Amiens, Jean-Philippe Rivaud et Fabienne Fiasella.

Des condamnations prononcées. Parallèlement, la France, pour mieux lutter contre les rejets illicites en mer, s’est dotée en 2001-2002 de six juridictions spécialisées (Le Havre, Brest, Marseille, Fort-de-France, Saint-Denis, Saint-Pierre-et-Miquelon). «Cette création était rendue nécessaire par la technicité du contentieux et la multiplicité des sources de la législation, rappelle Fabienne Fiasella, substitut général près la cour d’appel de Rennes, mais aussi pour permettre une concertation avec les autres acteurs de l’Etat en mer, comme le préfet maritime.» Les progrès techniques des moyens de  détection et la mobilisation de moyens supplémentaires (Marine nationale, Douanes), conjugués à l’efficacité de la procédure et à l’aggravation des sanctions encourues, ont été efficaces. «De 2003 à 2013, sur une quarantaine d’infractions relevées sur le ressort de Brest, précise la magistrate, on dénombre 29 condamnations, 3 décisions de relaxe, 3 classements sans suite, 3 décisions d’abandon des poursuites et une dénonciation officielle à l’Espagne. Le total des amendes prononcées est de 14 millions d’euros, celui des cautions de 11 millions.» Résultat : on assiste à une baisse très significative des infractions relevées en Atlantique : sept en 2005, deux en 2010, une en 2011, une en 2012 et zéro en 2013. Même si la vigilance sera toujours nécessaire.