Entretien avec Charles Basset, vice-président de l’Ordre des experts-comptables Hauts-de-France
La pénurie de collaborateurs, enjeu stratégique pour les experts-comptables
C’est l’une des principales problématiques à laquelle se heurte la profession : la pénurie de collaborateurs. Pour inverser la tendance, le Conseil national de l’Ordre des experts-comptables a élaboré une feuille de route en janvier 2021, déclinée en quatre axes prioritaires : l’alternance, l’orientation, la réorientation et la fidélisation. Rencontre avec Charles Basset, vice-président de l’Ordre des experts-comptables Hauts-de-France et président du comité Attractivité au Conseil national de l’Ordre.
La Gazette : L’alternance est une pratique déjà très répandue dans votre profession. Sur quels points allez-vous mettre l’accent pour la renforcer ?
Charles Basset : C’est vrai que notre profession fait figure de modèle en matière d’alternance, avec un ascenseur social qui fonctionne également à plein régime. Mais il faut pousser le curseur encore plus loin : un jeune sur deux effectue son alternance en entreprise et non en cabinet d’expertise comptable, nous devons communiquer davantage et renforcer les liens avec certaines filières, notamment universitaires, menant à nos métiers.
Pour accélérer ce mouvement, l’Ordre a lancé l’opération "1 collaborateur – 1 apprenti", avec comme objectif de former le futur collaborateur à ses valeurs et à sa culture, de renouveler les équipes et de responsabiliser les salariés en poste, ce qui permet aussi de les fidéliser.
L’orientation est également un des axes majeurs de votre feuille de route. Quelles actions avez-vous mises en place pour pallier la pénurie de collaborateurs ?
L’objectif premier, c’est de communiquer ! Nous avons reformulé nos fiches métiers, lancé des vidéos, nous sommes aussi présents sur Instragram et nous avons créé le site Internet Rejoins les experts pour présenter les différents postes existants en cabinet – collaborateur comptable, chef de mission, gestionnaire de paye, responsable juridique, etc.
Les métiers de l’expertise comptable sont extrêmement variés, nous devons casser cette image galvaudée et erronée de l’expert-comptable en costume cravate, penché sur les chiffres et ne sortant jamais de son bureau. Notre profession est soit méconnue, soit mal connue… Nous devons absolument en redorer le blason, en premier lieu auprès des jeunes, d’où les Tournois de gestion et de finance que nous organisons au niveau national et régional.
L’Ordre a signé une convention avec les IUT suite à la réforme qui a donné naissance au Bachelor universitaire de technologie (BUT). Nous allons coconstruire avec les équipes pédagogiques leurs travaux pratiques, pour que les étudiants puissent les mener au sein de nos cabinets en qualité de chefs de mission. C’est une grande victoire… Nous allons faire le tour des IUT de France d’octobre à décembre pour aller à la rencontre des étudiants et leur présenter nos métiers et les promouvoir. Un label "École de la profession" a en parallèle vu le jour.
L’idée, c’est d’attirer les jeunes dans la filière comptable et, une fois qu’ils l’ont intégrée, de les inciter à rejoindre des cabinets d’expertise comptable. Nous plantons aujourd’hui des graines, qui vont germer dans trois/quatre ans.
Avez-vous des métiers particulièrement en tension ?
Nous manquons vraiment de collaborateurs comptables confirmés et de gestionnaires de paie. Ce sont les deux principaux métiers exercés dans les cabinets.
La réorientation est également une des pistes envisagées pour faire bouger les lignes. Comment se structure-t-elle ?
Avec la préparation opérationnelle à l’emploi collective (POEC) notamment, qui se traduit par une formation de trois mois via un stage en cabinet. Nous avons surtout créé et développé une nouvelle formation qui va voir le jour dans plusieurs établissements de la région à la rentrée prochaine, au lycée Saint-Vincent-de-Paul à Beauvais et au lycée Saint-Rémi - Amiens [ndlr : et à Saint-Quentin en septembre 2023] : un bachelor collaborateur comptable, en douze mois et en alternance. Il s’adresse à des jeunes souhaitant travailler à l’issue de leur formation ou à des personnes en reconversion professionnelle. Par la suite, nous mettrons en place ce même type de formation, pour le métier de gestionnaire de paie.
L’Ordre a également la volonté de fidéliser davantage ses collaborateurs…
Oui, nous avons notamment publié des vidéos pour faciliter l’intégration des nouveaux collaborateurs, leur présenter l’environnement d’un cabinet d’expertise comptable, rappeler les bases de la déontologie, etc.
Si vous aviez un message à délivrer ?
Pas une de mes journées ne ressemble à une autre, c’est un métier vraiment passionnant. L’expert-comptable est chef d’entreprise au service des entreprises, aux missions et aux clients variés. Avec en prime de réelles perspectives d’évolution, quel que soit le diplôme. Cette pénurie de collaborateurs est un vrai enjeu stratégique, dans une période où l’expert-comptable devrait être de moins en moins dépendant de ses prérogatives d’exercice, pour se concentrer sur le développement de missions annexes et connexes. Il faut trouver des solutions rapidement, et nous y travaillons tous ensemble.