La Parenthèse, 50 ans de militantisme culturel version BD

Dans les rayons, les initiés et puristes croisent les néophytes sous l’œil bienveillant des Blake and Mortirmer, Blue Berry, Buck Danny et autres Astérix et Tintin. Des valeurs refuge, des marques à dimension quasi industrielle qui ne cessent de (re)vivre à coup d’actions purement commerciales. Au cœur de La Parenthèse, librairie nancéienne de BD installée depuis 1989 au cœur de la Cour des Arts, nichée entre les rues des Dominicains et Saint-Dizier, l’important est ailleurs. 

© Emmanuel Varrier Près de 15 000 références sont présentes au sein de l’établissement nancéien.

Comme au début en 1974 où Jacques Pierre et Luce Vincent créent cette aujourd’hui institution du côté de la rue Gustave Simon puis rue d’Amerval une dizaine d’années plus tard avant de prendre possession de la base actuelle. À l’époque, la BD était souvent considérée comme un sous-genre limité à des adolescents boutonneux ou des chevelus aux idées pas si courtes que çà. Pendant ces décennies le bastion nancéien a vu passer dans ses murs tout (ou presque) ce qui fait la richesse et la force du 9^e art aujourd’hui. Margerin, Juillard, Tardi, Druillet ou encore Baru (cocorico régional) et Riad Sattouf tout récemment, la liste est longue. 

Deuxième plus vieille librairie de France, après Expérience à Lyon, La Parenthèse est bien plus qu’un lieu de vente de livres. «Nous sommes une librairie de proximité, de conseils, de partage, c’est un endroit qui a une âme et un rôle de lien social certain», explique Stéphane Godefroid, codirecteur qui a repris le navire il y a dix-huit ans. Ancien collaborateur du ministère des Finances et éditeur alternatif, il est arrivé dans l’aventure puis a repris le flambeau (avec son associé Mirko) du visionnaire Jacques Pierre.

La BD, genre littéraire à part entière

En 2005, le fondateur a ouvert une annexe ciblée sur le genre du manga, Atout Manga, une première.
«Nous dépendons de l’évolution des mœurs avec cette ouverture sur le manga, Jacques Pierre a été un précurseur.» Aujourd’hui, près de 8 000 références du genre s’additionnent aux quelque 15 000 références de l’univers BD. Découvrir, suivre les mouvements tout en défendant un modèle de librairie indépendante jugé fragile, demeure l’ADN chevillée au corps de l’équipe des sept personnes (Cécile, Angel, Adélaïde, Nicolas et Nathalie avec les deux codirecteurs Stéphane et Mirko) qui font aujourd’hui tourner l’établissement. À l’heure d’un glissement général vers le tout numérique, de l’achat compulsif via un clic, La Parenthèse revendique sa forme de militantisme. 

© Emmanuel Varrier La Parenthèse est installée depuis 1989 au cœur de la Cour des arts, entre les rues des Dominicains et Saint-Dizier.

«L’achat dans nos murs est devenu un acte militant, celui de la défense d’un modèle, d’un certain mode de vie et d’une reconnaissance de la BD comme un genre littéraire à part entière.» Un combat pour la proximité et la mise en lumière des productions alternatives qui dure depuis un demi-siècle. 

Après avoir fêté dignement cet anniversaire, le 9 novembre avec la présence d’auteurs en dédicace à l’image de Thierry Martin, Romain Dutreix ou encore Laëttitia Coryn et en cadeau à chaque client de l’album produit pour l’occasion, «La Parenthèse : 50 ans de BD !», une nouvelle page se tourne pour ce mini-havre à la gloire des bulles. «Reste à savoir si dans cinquante ans il y aura encore des libraires ?», s’interroge Stéphane Godefroid. Le combat continue...