La Norvège s'accroche à ses super-riches tentés par l'exil

Si vous avancez jusqu'à la case départ, passez par le fisc: la Norvège cherche à retenir ses super-riches, entrepreneurs ou célébrités, tentés par le chemin de...

Des bateaux amarrés à la marina de Kongen à Oslo, le 25 juillet 2020 en Norvège © Odd ANDERSEN
Des bateaux amarrés à la marina de Kongen à Oslo, le 25 juillet 2020 en Norvège © Odd ANDERSEN

Si vous avancez jusqu'à la case départ, passez par le fisc: la Norvège cherche à retenir ses super-riches, entrepreneurs ou célébrités, tentés par le chemin de l'exil pour alléger leur feuille d'impôt.

L'homme d'affaires Kjell Inge Røkke, l'ex-légende du ski de fond Bjørn Daehlie, le père de l'as du ballon rond Erling Braut Haaland... Des dizaines de grosses fortunes ont quitté le pays scandinave ces dernières années. 

En cause: l'alourdissement de la fiscalité par le gouvernement de centre gauche qui, depuis son arrivée en 2021, a relevé de 0,85% à 1% le taux de l'impôt sur la fortune (1,1% pour les plus riches) et augmenté celui sur les dividendes.

"Si votre salaire est d'un million et vos impôts de trois millions, il est clair que c'est intenable", fait valoir Tord Ueland Kolstad, magnat de l'immobilier, exilé "malgré lui" depuis 2022 à Lucerne en Suisse. 

"Le système est ainsi fait qu'il confisque davantage que ce que vous arrivez à produire", ajoute le milliardaire. 

Le royaume nordique est, avec l'Espagne et... la Suisse, le seul pays d'Europe à lever un impôt sur la fortune, lequel s'applique aussi aux plus-values latentes (gains qui n'ont pas encore été concrétisés par une vente).

Pour l'acquitter, un investisseur norvégien sera ainsi poussé à exiger plus de dividendes - eux-mêmes soumis à une taxe de 37,84% - que ses homologues étrangers qui n'y sont pas soumis.

"En fait, vous n'avez que deux options: soit quitter la Norvège, soit vendre vos parts", affirme Tord Ueland Kolstad.

Rupture du contrat social

Entre 2021 et 2023, une centaine de grandes fortunes norvégiennes ont choisi la première et pris la clé des fjords pour poser leur valise, dans l'immense majorité des cas, en Suisse.

D'autres ont transféré leur patrimoine à des héritiers eux-mêmes exilés, les successions n'étant pas imposées en Norvège.

Un mini-exode que dénonce le Premier ministre travailliste, Jonas Gahr Støre.

"Quand on s'est enrichi en Norvège, qu'on y a mis ses enfants à l'école, qu'on a profité de son système de santé, roulé sur ses routes et tiré parti de sa recherche, j'estime qu'en partir, c'est une rupture du contrat social", a-t-il dit devant le Parlement.

Son gouvernement planche aujourd'hui sur un durcissement de l'"exit tax": les candidats au départ auraient jusqu'à 12 ans pour payer la taxe de sortie - également d'un taux de 37,84% - qu'il était jusqu'alors possible de contourner ou différer.

"L'objectif, c'est que les gains accumulés en Norvège soient réellement taxés en Norvège", explique Erlend Grimstad, secrétaire d'Etat au ministère des Finances.

"Nos infirmières et enseignants doivent reverser une grande partie de leurs revenus à la société sous forme d'impôts", dit-il. "S'ils voient que les plus aisés peuvent simplement éviter de contribuer en s'expatriant, cela sape la légitimité du système fiscal."

Exit tax

Pas de quoi faire retomber la colère des super-riches.

Un créateur d'entreprise, Christer Dalsbøe, a fait le buzz sur les réseaux sociaux en poussant la chansonnette pour dissuader les entrepreneurs de s'installer dans le pays.

"Ne venez pas en Norvège, on vous y taxera jusqu'à ce que vous soyez pauvres", entonne-t-il, assis au piano. "Et quand vous n'aurez plus rien, on vous taxera encore un peu." 

Pour le groupe de réflexion (libéral) Civita, le tour de vis envisagé sur l'"exit tax" vise en réalité à mettre des barrières sur la voie de sortie des millionnaires et milliardaires.

"Au lieu de s'attaquer aux motifs qui poussent à s'exiler, à savoir la pression fiscale sur les actionnaires norvégiens, on semble préférer mettre en place des obstacles réglementaires", estime Mathilde Fasting, une économiste du think tank.

A Lucerne, Tord Ueland Kolstad dit recevoir "jusqu'à plusieurs appels chaque semaine" de compatriotes venus sonder le terrain en Suisse.

"Le flux n'est pas tari. Il ne fait peut-être que commencer."

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