La neutralité carbone, un engagement avant tout territorial
La salle comble était bien le signe que les acteurs économiques ont envie de s'engager dans la transition agro-écologique. Plus de 300 participants étaient venus au Village by CA Nord de France pour la toute première édition de CarbonConnect, sous la houlette de l'entreprise lilloise TerraTerre.
Si Mathieu Toulemonde, fondateur de TerraTerre, avoue que l'idée de créer cet événement était à l'origine «saugrenue», force est de constater que le collectif lui a donné raison. Et le carbone – dont nous sommes tous composés à au moins 20% – a cristallisé toutes les attentions le 5 mai dernier, avec une mise en lumière particulière sur les défis et les opportunités pour le monde agricole. Alors que l'agriculture pèse seulement 2% du PIB, elle concentre 20% des émissions de gaz à effet de serre.
«Les
agriculteurs sont les premiers témoins et acteurs des changements
climatiques. Ils ont un vrai rôle : être moins émetteurs dans
leurs modèles de production avec des process plus efficaces et
résilients. Notre objectif, c'est d'atteindre la neutralité carbone
en 2050», a témoigné
Marie-Thérèse Bonneau, présidente de France Carbone Agri Associé
qui soutient plus de 1 200 agriculteurs dans leur volonté de
transition.
200
projets labellisés «Bas Carbone»
Dans
une région où les deux tiers du territoire sont des surfaces
agricoles – et qui font des Hauts-de-France l'une des régions les
plus agricoles de France –, l'enjeu est énorme mais il est surtout
collectif. «L'agriculteur
a tout intérêt à produire ce que l'économie régionale peut lui
acheter. Les Hauts-de-France disposent de terres arables qu'on nous
envie. Mais la sécheresse gagne d'année en année et il faut
prendre soin de notre agriculture», martèle Marie-Sophie Lesne, vice-présidente à la Région en charge
de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la pêche.
D'ores
et déjà, 200 projets
régionaux ont reçu le label «Bas Carbone»,
lancé par le Gouvernement en 2019 et qui certifie des projets de
réduction d'émission de gaz à effet de serre et de séquestration
carbone dans plusieurs secteurs, dont l'agriculture. La Région
finance quant à elle des actions à hauteur de 300 000 € par an
mais veut aller plus loin : «Dès
l'an prochain, une prime sera mise en place pour les agriculteurs
désireux de s'engager dans un nouveau modèle de production. C'est
un changement de pratiques : dans les premières années, il peut y
avoir des productions difficilement maîtrisables et donc moins
rentables. Cela engendre des coûts que nous allons, en partie,
prendre en charge. Aujourd'hui nos politiques publiques sont toutes
teintées de transition énergétique.»
Un
enjeu de société
Mais
du côté des entreprises, comment agir ? Aujourd'hui, après avoir
mesuré et réduit son empreinte carbone, une entreprise peut décider
de soutenir financièrement des projets qui lui permettront de
compenser ses émissions résiduelles de gaz à effet de serre. Mais
en France, seul 1% des
crédits carbone achetés par les entreprises françaises a soutenu
des projets dans l'Hexagone.
«Cela n'a pas beaucoup
de sens d'aller faire planter un arbre à l'autre bout du monde sans
vraiment savoir s'il va pousser. Il y a une envie de passer à
l'action mais beaucoup de doutes», détaille Mathieu Toulemonde, fondateur de TerraTerre et
coorganisateur de Carbon Connect.
Autrement
dit, il faut donner aux entreprises des coups de pouce pour mieux
orienter leurs choix : «Nous
allons avec les entreprises rencontrer des agriculteurs, dans un
rayon de moins de 100 km. L'agriculteur n'a que peu de marges de manœuvre : aller chercher un cofinancement externe est pour lui un
moyen d'avancer.» Une
tonne de carbone évitée permet ainsi d'allouer un crédit carbone à
un agriculteur qui peut ensuite définir sa trajectoire.
C'est
par exemple le cas de Balzac Paris, que TerraTerre a accompagné dans
le soutien d'une exploitation de lin en conversion vers le bio ou, plus près de chez nous, de l'entreprise Norsys à Ennevelin qui
soutient une ferme pilote en agro-écologie. «La
démarche participe aussi à revaloriser l'image de l'agriculteur, en
rencontrant des entreprises de son territoire», poursuit Mathieu Toulemonde. Pour l'instant implantée dans les
Hauts-de-France, TerraTerre a déjà été contactée par d'autres
régions françaises pour dupliquer le modèle à l'échelle
nationale. «C'est
devenu un enjeu de société. Les solutions sont au niveau local et
territorial.»
L'agriculture dans les Hauts-de-France
- 27
000 agriculteurs.
- 2,1 millions d'hectares de surface agricole utile.
- Leader en production végétale avec +de 50% de la production de pommes de terre françaises et de betteraves.
- 130 000 emplois directs et indirects, dont 55 000 emplois pour l'industrie agroalimentaire.
- 1 300 établissements.
- L'élevage représente 40% de l'emploi agricole.