La longue marche vers l'IVG en France

L'interruption volontaire de grossesse (IVG), légalisée en 1975 par la loi Veil et dont l'inscription dans la Constitution doit être soumise lundi au vote du Congrès, a été le fruit d'un combat...

Le 26 novembre 1974, la ministre de la Santé Simone Veil défend devant les députés son projet de loi pour légaliser l'avortement © -
Le 26 novembre 1974, la ministre de la Santé Simone Veil défend devant les députés son projet de loi pour légaliser l'avortement © -

L'interruption volontaire de grossesse (IVG), légalisée en 1975 par la loi Veil et dont l'inscription dans la Constitution doit être soumise lundi au vote du Congrès, a été le fruit d'un combat acharné des femmes au fil des ans.

L'adoption de ce texte assurant aux femmes la "liberté garantie" d'avoir recours à une IVG, ferait de la France le premier pays au monde à autoriser explicitement l'avortement dans sa Constitution. 

- "Appel de 343 femmes"

"Je me suis fait avorter": la publication le 5 avril 1971 dans le Nouvel Observateur d'un appel choc de 343 femmes, dont les actrices Jeanne Moreau et Catherine Deneuve ou les écrivaines Simone de Beauvoir, Marguerite Duras et Françoise Sagan, a marqué une étape majeure. 

"Un million de femmes se font avorter chaque année en France (...) dans des conditions dangereuses en raison de la clandestinité à laquelle elles sont condamnées (...). Je suis l'une d'elles(...) Nous réclamons l'avortement libre", écrivent ces femmes reconnaissant être hors-la-loi.

Après ce coup de tonnerre médiatique, l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo titre en une : "Qui a engrossé les 343 salopes du manifeste sur l'avortement ?", avec une caricature du ministre de la Défense Michel Debré répondant: "C'était pour la France !".

L'appel deviendra pour beaucoup le "Manifeste des 343 salopes".

Le procès de Bobigny

A l'automne 1972, se tient à Bobigny le procès de Marie-Claire Chevalier, adolescente accusée de s'être fait avorter après un viol, mais aussi celui de sa mère pour complicité. L'avocate Gisèle Halimi, épaulée par Simone de Beauvoir et l'actrice Delphine Seyrig, transforment le tribunal en tribune pour le droit à l'avortement.

Marie-Claire est relaxée. Le procès a un retentissement énorme et le nombre de condamnations pour avortement chute radicalement après. 

Un Mouvement pour la liberté de l'avortement et de la contraception (MLAC) voit le jour, au sein duquel le Planning familial avait déjà activement oeuvré pour l'autorisation - en 1967 (loi Neuwirth) - de la pilule contraceptive, remboursée à partir de juin 1974.

Légalisation de l'IVG

Débats parlementaires longs et houleux: Simone Veil, ministre de la Santé, arrache au Parlement en décembre 1974 la dépénalisation et l'encadrement légal de l'avortement en France.

Promulguée le 17 janvier 1975, la loi Veil légalise l'interruption volontaire de grossesse (IVG) jusqu'à dix semaines de grossesse.

Consolidation de l'IVG

Le droit à l'avortement est consolidé sous des législatures socialistes : en 1982, son remboursement par la sécurité sociale est garanti par la loi portée par Yvette Roudy, ministre déléguée aux Droits de la femme et signataire du manifeste des 343.

En 1993, la députée Véronique Neiertz (PS) fait adopter un délit d'entrave à l'IVG, punissant de peines de prison les commandos anti-avortement. Elle supprime aussi la pénalisation de l'auto-avortement.

En 2001, sous l'impulsion de la ministre Martine Aubry, le délai de recours à l'IVG passe de dix à douze semaines. Les conditions d'accès aux contraceptifs et à l'IVG pour les mineures sont assouplies.

En 2022, le délai est prolongé à 14 semaines de grossesse.

Depuis 2023, certaines sages-femmes peuvent enfin réaliser sous strictes conditions des IVG instrumentales en établissements de santé. 

1999: pilule du lendemain

Autorisée à partir de 1988 pour un usage d'abord réservé à des centres agréés, la pilule du lendemain, ou pilule de contraception d'urgence (PCU), devient disponible en 1999, sans prescription, dans les pharmacies.

A partir de 2002, elle y est délivrée gratuitement et anonymement aux mineures qui en font la demande.

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