«La loi Pacte est l’aboutissement d’un travail de longue haleine»

Les 13 et 14 novembre à la Cité des Congrès de Valenciennes, experts-comptables et commissaires aux comptes de l’ensemble des Hauts-de-France sont attendus pour Campus Expert, rendez-vous annuel dédié à l’actualité de la profession.

«La loi Pacte est l’aboutissement d’un travail de longue haleine»

La Gazette :  En complément des dossiers d’actualité, le thème du Campus 2019 sera axé sur les mutations numériques et l’intelligence artificielle. Comment la profession est-elle armée face à ces nouveaux défis ?

Hubert Tondeur  : La profession est très impactée par la digitalisation et l’intelligence artificielle puisque 60% de notre activité relève du traitement comptable. L’analyse est bien entendu plus compliquée à sous-traiter à une machine, mais la production en tant que telle l’est beaucoup plus facilement. On assiste donc à l’émergence de nouveaux outils qui visent à substituer le traitement de l’humain à un traitement automatisé, au moins sur la partie du traitement comptable.

Ce processus est largement renforcé par la digitalisation de l’ensemble de la chaîne : les fiches de paie avec la DSN (déclaration sociale nominative), l’impôt sur le revenu avec le prélèvement à la source… Nous sommes aussi en train de passer à la facture électronique, généralisée à toutes les entreprises et à toutes les activités pour 2023. D’où la nécessité d’une adaptation, de formations, et d’une stratégie d’organisation et de conquête des marchés à mettre en place.

Pouvez-vous nous parler du programme de cette édition 2019 ?

Plus de 600 personnes sont attendues pour deux jours d’animation et de formation, avec cette année, une particularité : la présence de nos collègues picards. Il faut savoir qu’à compter du 1er janvier 2021, il n’y aura plus qu’une seule région ordinale, composée de 1 200 experts-comptables, ainsi que les deux Compagnies de commissaires aux comptes (Douai et Amiens). La Loi Pacte réduisant considérablement le champ d’intervention des commissaires aux comptes ; c’est pour cela que nous avons voulu inclure toute la profession comptable dans cet événement.

Lors de ce Campus, nous aurons aussi des ateliers sur l’actualité sociale, fiscale et des associations ; un atelier sur le marketing, sur la facture électronique et deux ateliers liés à notre activité de commissaires aux comptes. En parallèle de ces ateliers, nous avons une conférence sur l’impact du digital sur le management et son organisation.

La Loi Pacte modifie le champ d’intervention de votre profession, pour en élargir les missions. Quels en seront les principaux contours ?

Quelques dispositifs se mettent en place : les honoraires de succès, le maniement des fonds pour le compte des clients et la création d’une liste des experts-comptables en entreprise. Il s’agit là d’une reconnaissance plus large du diplôme d’expertise-comptable, qui ne sera plus limité uniquement aux professionnels libéraux. Nous aurons aussi la possibilité de communiquer sur les spécialisations que nous pourrions développer dans le cadre de nos activités professionnelles.

Comment sont accueillis ces nouveaux dispositifs ?

Ces textes ont été portés depuis plusieurs mandatures et trouvent enfin, leurs supports juridiques. La loi Pacte est l’aboutissement d’un travail de longue haleine. C’est aussi une mise en cohérence avec un certain nombre de pratiques internationales : l’expert-comptable en entreprise existe dans de nombreux pays sauf en France. Et en ce qui concerne les honoraires de succès ou le maniement des fonds, c’est un alignement sur les pratiques des autres professions.

Évidemment, si je prends ma casquette de commissaire aux comptes, difficile de dire que la loi Pacte est un bon point puisqu’une grande partie des mandats va disparaître avec l’accroissement des seuils de nominations et ce malgré la mise en place de nouvelles missions. Nous passons en quelque sorte d’un système d’audit légal large dont le champ sera réduit à des possibilités de missions contractuelles pour les entreprises sous les nouveaux seuils.

Cette situation risque d’avoir des effets collatéraux pour les entreprises dans la mesure où les commissaires aux comptes interviennent largement dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises et avec la loi Pacte, cela va disparaître pour toutes les entreprises qui vont sortir du scope de l’audit légal. Rappelons que selon les Tribunaux de commerce, 75% des procédures collectives judiciaires se terminent par une liquidation judiciaire alors même que 75% des procédures dites de prévention se terminent par un rebond des entreprises. La prévention est donc indispensable et le commissaire aux comptes ne pourra plus alerter, informer et aller avec son client au tribunal de commerce.

Au total l’ensemble de ces sujets, sont suffisamment importants pour décider de tenir un campus commun.

Les clients, eux-aussi, évoluent vers davantage de réactivité. Il faut vous y préparer ?

C’est déjà le cas ! Mais comme nous l’avons dit, la loi Pacte élargit nos missions dans un environnement très évolutif, il faut donc nous former et nous mettre en mode projet pour faire en sorte que les cabinets s’adaptent à ces évolutions. C’est une nécessité : il faut monter en compétences, en qualité de service et en réactivité. Les clients veulent de l’information en temps réel et c’est ce que nous pouvons leur proposer avec des outils technologiques. Mais on observe tout de même une vraie déficience digitale des TPE et il nous appartient les accompagner.

Manque-t-on d’experts-comptables dans la région ?

Les Hauts-de-France sont assez dynamiques : tous les ans, nous avons plus d’inscrits que de sortants sur les listes. Pour 850 experts-comptables sur le Nord-Pas-de-Calais, il y a 350 stagiaires. Chaque année, entre 30 et 40 experts-comptables prêtent serment.

Lors de Campus Experts, il y aura d’ailleurs une prestation commune entre le Nord Pas-de-Calais et la Picardie, auprès de 70 nouveaux inscrits. Mais là aussi, nous avons pris les choses en main, en organisant des séminaires de préparation aux examens finaux. Nos taux de réussite sont donc très satisfaisants. Et nous avons aussi mis en place une formation de 6 jours, gratuite, pour accompagner les futurs confrères. Notre vraie difficulté ? Trouvez des profils et des compétences diversifiés. Il faut renforcer notre attractivité.

Programme complet sur www.oec-npc.com

“C’est une nécessité : il faut monter en compétences, en qualité de services et en réactivité”, Hubert Tondeur, président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables Lille Nord-Pas-de-Calais.