La loi Macron divise
Actuellement discutée à l’Assemblée nationale, la loi pour la croissance et l’activité a pour objectif de ˝déverrouiller˝l’économie et s'articule autour de trois grands principes : libérer, investir et travailler.
« Nous dépendons de la Chancellerie, mener une réforme de notre profession depuis Bercy n’a aucun sens » Yves Clément, notaire à Albert.
Le gouvernement a décidé de confier à Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, la rédaction d’un projet de loi visant à moderniser le pays et faire sauter les verrous qui compriment l’économie et freinent les investissements. « Pour réussir, notre pays doit affronter trois maladies. La défiance, d’abord : les Français sont les plus pessimistes du monde en ce qui concerne leur avenir économique. La complexité, ensuite : le poids des lois et des règlements est devenu insupportable. Les corporatismes, enfin : ils entravent notre capacité à nous transformer », a expliqué le ministre en octobre dernier. Transports, professions règlementées, travail dominical ou encore épargne salariale, le projet, très attendu et très contesté, couvre une multitude de secteurs, faisant dire à ses opposants que le texte est une « loi fourre-tout ». Après trois semaines de débats, le gouvernement, devant l’issue incertaine du scrutin, a décidé d’avoir recours au 49-3 qui permet de faire adopter un texte sans vote de l’Assemblée.
les notaires en colère
La réforme des professions règlementées est sans doute la partie de la loi pour la croissance et l’activité qui rencontre le plus d’opposition, notamment de la part des notaires déjà échaudés par les déclarations de l’ex-ministre de l’Économie, Arnaud Montebourg. « Il ne s’agit pas de corporatisme, on ne peut pas balayer comme ça des compétences. Nous dépendons de la Chancellerie, mener une réforme de notre profession depuis Bercy n’a aucun sens », s’insurge Yves Clément, notaire à Albert et délégué auprès du Conseil supérieur du notariat. « Le droit n’est pas une marchandise ! Les notaires sont là pour sécuriser des échanges contractuels et certifier des actes, nous sommes délégataires du sceau de l’État ! », ajoute-t-il.
La réforme de professions règlementées présentée a pour objectif de faire jouer la concurrence, réviser la grille tarifaire et instaurer la libre installation des professionnels du droit. Très décrié, le « corridor tarifaire », qui devait permettre aux notaires de faire varier leurs prix au-delà d’un certain seuil est finalement abandonné. « Cela n’avait pas de sens, nos tarifs sont déjà fixés par l’État ! », souligne Yves Clément. Seconde proposition, la libre installation qui permettrait de raviver la concurrence selon Bercy. « Cette réforme menace 16 000 salariés sur les 47 000 que compte actuellement notre profession. Il faut cesser de croire que nous sommes des nantis, nous sommes des acteurs de terrain et il nous arrive tous les jours de réaliser des consultations gratuites. Cette réforme va casser notre profession », s’inquiète le notaire, qui souligne par ailleurs les réticences du Conseil d’état. Celui-ci a alerté le gouvernement sur les risques de non-constitutionnalité des articles concernant les professions réglementées.
le soutien du Medef
De son côté, le Medef a accueilli avec un certain enthousiasme le texte présenté par le ministre de l’Économie. « L’économie a besoin d’être réformée et le projet de loi va globalement dans le bon sens », explique Jacques Vincent, président du Medef Picardie. Le patron régional de l’organisation met en avant des points positifs, comme la dépénalisation du délit d’entrave, mesure qui pouvait jusqu’ici entrainer la condamnation d’un employeur au pénal s’il ne communiquait pas les informations obligatoires aux représentants du personnel. « On peut commettre des erreurs, ce n’est pas pour ça qu’il faut mettre l’employeur en prison », argue t-il. Autres bons points, les textes présentés sur l’épargne salariale et l’actionnariat des salariés ainsi que les articles concernant le travail dominical et le travail de nuit. « Ce sont des éléments que l’on réclame depuis des années », note Jacques Vincent. La carte professionnelle pour les salariés détachés est également un motif de satisfaction pour l’organisation patronale qui met en avant l’actuelle concurrence déloyale de ce système. « Bien sûr il y a quelques points négatifs, mais les dernières modifications structurelles datent de 1948. Pour une fois qu’on a un gouvernement et un ministre de l’Économie qui veut faire des choses, il faut les encourager ! », commente le président picard. L’organisation patronale regrette cependant la non prise en compte de son programme “Un million d’emplois” qui portait des propositions sur l’intérim, le service à la personne ou sur l’investissement. « Toute une partie de ce programme n’a pas du tout été prise en compte alors que s’il y a des acteurs qui savent parler d’économie, ce sont bien les employeurs eux mêmes », conclut Jacques Vincent.
Les auto-écoles se mobilisent
Autre volet de la loi, la réforme du permis de conduire. Le texte prévoit notamment la limitation des délais de passage de l’examen de conduite après un échec à 45 jours (contre 98 en moyenne actuellement). L’externalisation du passage de l’examen, l’abandon du nombre d’heures de conduite minimum et la possibilité de faire évaluer son niveau à distance, et non plus dans l’autoécole, avant de signer un contrat sont les solutions envisagées. Très remontés, les principaux syndicats patronaux du secteur et les autos-écoles en réseaux CER, ECF et City Zen ont appelé à une journée de mobilisation le 9 février. « Le ministère de l’Intérieur, en charge de la sécurité routière, travaille en collaboration étroite avec la profession depuis des mois pour réformer et moderniser le permis de conduire. Bercy est encore une fois passé en force en occultant la concertation. Sur le fond, nous dénonçons des mesures cosmétiques aux intentions certainement louables, mais qui n’auront aucun effet sur les problèmes des Français et des professionnels », déclarait alors le porte-parole des autos-écoles en réseaux. L’organisation propose notamment de baisser la TVA sur l’apprentissage (150 euros d’économies par apprenti) et l’ouverture de 300 000 places (400 euros d’économies en moyenne par apprenti). Ces mesures devraient, selon elle, faire immédiatement baisser le prix du permis d’un tiers contrairement au projet de loi. « C’est un mépris total de l’apprentissage de la conduite, des impératifs de sécurité routière, doublé d’un non-sens économique puisque le nombre de places créées est clairement insuffisant pour faire baisser le prix du permis », a ajouté le porte-parole. De son côté, la branche Éducation routière du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), partie prenante de la manifestation, dénonçait des « mesures contre-productives [qui] risquent d’être votées dans une atmosphère de précipitation qui ne permet en rien une réforme favorable aux élèves. »