La justice commerciale se prépareau rendez-vous de la tour Mercure
Les juges du tribunal de commerce de Roubaix- Tourcoing vivent leurs derniers mois rue du Capitaine-Aubert à Roubaix. Le travail ne leur a pas manqué en 2011. Il leur reste moins d’un an pour imaginer leur futur fonctionnement.
Pour la dernière fois, le tribunal de commerce de Roubaix- Tourcoing a tenu son audience solennelle de rentrée dans ses locaux du 51, rue du Capitaine-Aubert à Roubaix puisqu’une fois achevés les travaux qui viennent de s’y engager, il va traverser le boulevard Gambetta tout proche, pour rejoindre la tour Mercure et y fusionner avec le tribunal de commerce de Lille dans une entité unique au service des entreprises de la Métropole. Le président, Christian Blervacque, s’est à ce propos félicité de “l’excellent travail” réalisé par le comité de pilotage dont il a, avec Gérard Meauxsoone, président du tribunal de commerce de Lille, initié la mise en service et dont la charge est d’imaginer le fonctionnement du futur tribunal et les pratiques adaptées à sa taille et aux disponibilités du ministère public…
“Orientation haussière”. Après les réquisitions du procureur de la République, Frédéric Fèvre, accompagné du procureur adjoint, Eric Bedos, et de Mehidine Faroudj, substitut, qui est revenu sur le rôle du parquet comme défenseur de l’ordre public en matière économique et sociale, le président Christian Blervacque a dressé le bilan de l’activité 2011 du tribunal de commerce pour constater que la forte hausse des mises au rôle de 2008 – passées de 2 962 en 2007 à 3 420 – avait quasiment stagné à ce niveau élevé à 3 453 affaires, “avec une orientation haussière”. La comparaison avec le nombre de jugements rendus est favorable, avec 49 décisions de plus que d’affaires enrôlées à 3 502 contre 3 539 en 2010. Le nombre d’ordonnances de référé est en décroissance continue depuis 2008, passant de 392 à 301 en 2009, 258 en 2010 et 231 en 2011, soit une chute de 10% sur un an et de 59% sur la période.
Les procédures collectives enregistrent une légère augmentation de 4,4% en ouvertures (478 contre 458 en 2010) et une quasi-stabilité des plans de continuation (27 contre 25) et des plans de cession 13 contre 11). Le président Blervacque a tenu à relever le succès enregistré en matière de clôture de procédures avec 532 dossiers clos en 2010 et 477 en 2011 après incitation des mandataires à s’y atteler, ce qui permet au tribunal “de se retrouver dans notre mariage avec un stock minimum”. Le constat d’une forte progression des sanctions patrimoniales et professionnelles – + 37% – trouve explication dans un “essai avorté de nouvelle organisation des audiences avec sanction, qui a généré retards et rattrapages”. Les interdictions de gérer se sont élevées à 21 contre 6 en 2010 et les mises en faillite à 43 contre 21.
“Succès” des injonctions de payer. La forte augmentation des ordonnances rendues par les juges-commissaires – 4 141 contre 3 319 – a pour contrepartie la baisse des ordonnances du président, de 1 717 à 854, et trouve explication pour l’essentiel dans un transfert de compétence. Les ordonnances d’injonction de payer connaissent toujours le succès avec 1 051 ordonnances rendues : “c’est toujours un moyen très utilisé du fait de leur caractère peu onéreux au regard du taux de réussite” que reconnaissent les créanciers.
Si l’activité du registre du commerce se stabilise audessus des 10 000 formalités annuelles (10 836 l’an dernier), Christian Blervacque a mis en évidence le solde positif des immatriculations sur les radiations de 348 unités. “Il est en progression de 24%, à + 348, ce qui est quand même un signe rassurant”. Il attribue à l’effet autoentrepreneur la faiblesse du nombre d’immatriculations chez les commerçants, 168 à rapprocher des 318 radiations. Le phénomène est compensé au niveau des sociétés et des GIE, 1 626 contre 1 128.
Derniers chiffres évoqués, ceux de la première audience d’ouverture de procédures collectives 2012 : 3 assignations par des créanciers, 2 saisines d’office, 25 déclarations de cessation de paiement pour un total de 93 salariés concernés, avec ce commentaire : “ce chiffre peut être inquiétant mais peut être expliqué par les jours de vacances”. Et ceux de ces mêmes procédures collectives au second semestre 2012, moins nombreuses qu’au premier, soit dans l’ordre décroissant par commune : Tourcoing 60, Roubaix, 54, Marcq-en- Baroeul, 12, Roncq et Wattrelos 8, Halluin et Mouvaux, 6, Lys-lez-Lannoy, 5, Croix 4, Wasquehal, Bondues et Hem 3 ; par secteur d’activité : le bâtiment au sens large 29%, les services 23%, le commerce 20,7%, les cafés-restaurants 10,6, le transport 5,6%, les garages 2,8%, la confection 1,7%, l’imprimerie 1,1%.
Quel rôle pour la BCE ? Comme il est de coutume à chaque audience solennelle de rentrée, le président s’est plu à disserter (après le mensonge l’an dernier), non pas directement sur la crise – un sujet sur lequel il pouvait craindre, a-t-il expliqué, de “paraître ridicule d’être démenti dans quelques mois, d’être soit trop optimiste, soit trop pessimiste” –, mais sur un sujet connexe, la Banque centrale européenne, pour regretter que la zone euro ne dispose pas aujourd’hui de dispositif cohérent capable de faire face au développement de risques systémiques. “On doit inventer une régulation macroéconomique visant à garantir la stabilité d’ensemble du système financier au-delà du contrôle microprudentiel et surtout ne pas tomber dans le travers d’utiliser les instruments de la politique monétaire dans le cadre d’une telle politique macroprudentielle…”
L’exemple récent du plus gros prêt accordé par la BCE à 523 établissements bancaires (d’un montant record cumulé le 22 décembre2011 de 489 Mds€ au taux de 1% sur trois ans, pour leur permettre de racheter des dettes souveraines et prévenir le risque de crédit crunch) l’interpelle. Un prêt à mettre en parallèle avec les 347 Mds€ placés en dépôt overnight auprès de cette même BCE au taux de 0,25% le 28 décembre avec, dans le même temps, des taux élevés pour l’Euribor… “A continuer ainsi, les banques pourraient perdre beaucoup d’argent et, surtout, la BCE, de la crédibilité…” Et de recommander, “en guise de clin d’oeil à l’intention de ceux qui veulent placer leurs liquidités en 2012, un bon tuyau : de privilégier les matières (…) et parmi les actifs à fort potentiel, après l’or et l’argent, au vu des bons fondamentaux du bétail, le boeuf engraissé et le boeuf prêt à abattre…”. Les sujets très sérieux peuvent aussi donner lieu à dérision ! N’empêche, le choix de disserter sur “l’organisme par qui la crise pourrait être jugulée et qui ne le fait pas vraiment ou alors timidement, sans employer les moyens nécessaires et suffisants” s’inscrit dans une actualité qui ne délaissera pas l’économie toute l’année.